L’open space a-t-il dit son dernier mot ?
Entre nouveaux bureaux et nouvelles attentes, l’open space ne semble plus autant séduire. Retour sur la montée et la chute d’un modèle (pas si) décloisonné.
Cet article est issu de l'ancien blog de Swile.
Si l’open space a connu ses heures de gloire dans les années 50 puis dans les années 80, il a de plus en plus de mal à trouver sa place dans le cœur des salariés. Jugé trop bruyant, propice à la surveillance et l’isolement, la superstar du XXe siècle est en train de devenir la bête noire du XXIe siècle. L’open space est-il mort ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Le début de la fin de l’open space….
L’open space voit le jour à l’aube du XXe siècle dans les grandes entreprises mais se développe réellement dans les années 50 grâce aux frères Eberhard et Wolfgang Schnelle.
Du pain bénit pour les managers qui peuvent désormais superviser leurs équipes en un clin d'œil et une petite révolution dans l’organisation du travail. Le modèle collaboratif est né. L’avantage ? “L’open space permet de gagner 30% d’espace de bureaux”. Un argument de taille, donc.
Aujourd’hui, en France, moins de 20% des personnes travaillent dans un bureau ouvert de plus de quatre personnes. C’est peu. Et pourtant.
C’est vers la fin des années 2000, que le modèle à suivre par excellence est bousculé. Dans son livre : L’open-space m’a tué, Alexandre des Isnards, est l’un des premiers à apporter une critique aussi forte à l’encontre de l’open space :
“Un bureau ? Avec quatre murs, une porte et la lumière du jour ? Non ! Nous vivons au temps de l'open space. Cet espace convivial et communautaire qui est à l'entreprise ce que Facebook est au particulier : un lieu où voir et être vu. Dans un tel contexte, aimer son employeur est de mise. Le stress : un formidable moteur d'action. Le nombre de dossiers, les délais : un défi. Le patron impose son diktat, et le jeune cadre dynamique n'a plus qu'à s'y plier, avec le sourire. Bienvenue dans l'entreprise 2.0, du burn out et du candidat au licenciement !”
C’était en 2009 et depuis, de nombreuses études effectuées auprès des salariés viennent valider la critique d’Alexandre des Isnards.
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Vers la fin des open spaces ?
Abattre les cloisons pour gagner de la place et faire des économies (le fameux “rendement-moquette”), fluidifier les échanges, aménager des espaces au mobilier minimaliste, favoriser les relations horizontales et engendrer plus de créativité : l’idée était bonne.
Mais si le modèle son aménagement éclair ont séduit les foules il y a quelques décennies, il est de plus en plus décrié par les salariés.
“Selon une étude réalisée par Odoxa, le bureau individuel recueille 78% des suffrages, devant les espaces de coworking (67%). L'open space obtient un score plus mauvais encore que celui du flex office, avec 44% de personnes en ayant une bonne image (contre 49% pour le bureau partagé). L'open-space est le seul aménagement qui est majoritairement mal vu (54% des Français).”
Ce, pour plusieurs raisons.
L’open space, la cour de récré pour adulte ?
Dans son livre, Alexandre des Isnards met tout particulièrement en lumière les entreprises à la mentalité toxique. Celles qui ont permis aux open spaces de devenir le théâtre du jugement et de la compétitivité : “La comédie humaine a toujours existé au sein de l’entreprise. Vous y trouverez les affairés et ceux qui font semblant de l’être.” dit-il.Ou encore : “Fin de journée, c'est parti pour le ballet des contorsionnistes. On commence à s'observer pour voir qui sort le premier. C'est normal de partir. Mais quand ? Un cadre ne compte pas ses heures.” ironise-t-il.
Déjà dans les années 90’, certains avaient fait machine arrière. C’est le cas d’Apple qui en 1993 a mis fin au modèle de l’open space face à une augmentation croissante de l’absentéisme. Marc Berthier, designer et architecte français, dit à ce propos : “dans certaines conditions, travailler dans un open space, c’est l’enfer. Ça devient un panoptique où tout le monde se contrôle, et c’est la guerre”.
À se demander si le problème vient de l’architecture ou de l’Homme ?
L’isolement collectif
Le premier argument avancé par les salariés qui ne souhaitent pas (ou plus) travailler en open space, est le bruit.
Bruit de fond, interruption, distraction, peu importe la forme, l’open space fatigue les équipes, mais pas seulement. Une étude menée par Ipsos déclare que les distractions font perdre en moyenne 86 minutes par jour aux employés. 1h30, soit 1/5ème d’une journée de travail perdue !
D’autre part, pour pallier au bruit latent des bureaux, les salariés n’hésitent plus à se munir de casques ou d’écouteurs. Résultat ? Un isolement collectif et une barrière technologique qui peut en cacher une autre.
Une étude de Stephen Turban et Ethan Bernstein, professeurs à la Harvard Business School, parue en 2018 le prouve : ils ont équipé de microphones 52 employés de différents services d’une entreprise dans un contexte de réorganisation de l’espace de travail. Et lorsque l’espace est mutualisé en open space, il se produit les effets suivants :
- Le niveau de discussions en face-à-face chute de 73%,
- Le nombre d’e-mails envoyés augmente de 67%,
- Celui de messages instantanés de 75%.
Un triste constat pour un lieu censé favoriser les échanges au départ. Force est de constater que l’open space ne serait pas un lieu de travail mais plutôt de collaboration.
Les nouveaux bureaux
Comme le fait remarquer le Dr. Matthew Davis, de l’Université de Leeds, “s’éloigner de la mode des bureaux entièrement ouverts a pour but de redonner le contrôle aux employés”. L’idée ? Qu’ils puissent travailler où ils veulent selon leurs besoins.
Premier défi : l’aménagement des bureaux
L’une des premières solutions proposées par les entreprises a été la mise en place du flex office : fini les bureaux attitrés, chacun se met où il veut. Cela permet de travailler plus facilement avec d’autres équipes, en “mode projet”, et cela favorise les rencontres. Pour les moments où la concentration est de rigueur, ces nouveaux espaces prévoient des bulles de communication, des salles de réunion “cosy” et des espaces “calmes”.
Si l’on va dans la bonne direction, le flex office n’est pas encore LA solution tant recherchée. Tout d’abord car d’après cette étude de l’institut hollandais, Leesman Index, on observerait, en flex office, une dégradation des conditions de travail. Ensuite, le modèle va beaucoup trop loin dans la déconstruction de l’environnement de travail tant il gomme totalement la notion d’espace personnel. Et donc d’intérêt personnel au profit du collectif.
“La solution, selon certains employeurs, serait un panachage de différents types d'espace : bureaux partagés mais de plus petite taille, avec moins de 10 personnes, quelques bureaux individuels et parallèlement plus de postes de travail non attitrés. Leur arrivée risque elle aussi de susciter de nouveaux débats.” nous dit cet article de France Inter.
On perçoit donc un début de solution, qui pourrait non seulement coller avec les désires des salariés, mais avec les enjeux économiques et écologiques qu’impliquent le choix et l’organisation des bureaux.
Deuxième défi : le télétravail
Dans ce contexte, la notion même de bureau est remise en question. Désormais le travail s’effectue depuis le domicile, le bureau ou même les tiers-lieu, de plus en plus demandés. D'après Ronen Jour, vice-président sénior de WeWork, "où que vous soyez, il y aura un WeWork à quinze minutes ". Une alternative pour sortir de chez soi tout en voyant du monde et pourquoi pas, se retrouver avec quelques collègues.
Dans ce contexte, “Pour les dirigeants et DRH, le défi sera de redonner envie aux salariés de revenir travailler dans leurs locaux, se retrouver entre collègues et de participer activement à la vie de l'entreprise, tout en respectant les règles sanitaires et la distanciation sociale.”
Un défi de taille mais pas impossible puisque l’être humain est par définition un animal social et n’est pas fait pour vivre seul. Et les employés le prouvent, puisqu’ils souhaitent majoritairement partager leur temps entre les bureaux et le télétravail. La cohésion d’équipe a donc de beaux jours devant elle.
Pour conclure, selon Élisabeth Pélegrin-Genel, architecte, urbaniste et psychologue du travail :