Parcours de transition : 3 jours offerts pour mieux vivre sa vie pro
Trois jours rémunérés pour un parcours de transition : c’est la nouvelle mesure sociale mise en place par la MAIF pour ses collaborateurs. Une avancée sociétale pour l’assureur qui souhaite montrer qu’une entreprise, c’est aussi une société civile. Explications.
“Transgenre”, “transidentité”, “trans…”. Tous ces termes, vous les avez entendus, peut-être même prononcés, mais peut-être sans forcément savoir ce qu’il y avait derrière, et ce que vous racontiez vraiment. Et loin de nous l’idée de vous blâmer ou de vous juger, mais ces parcours de vie méritent davantage qu’un simple mot.
Quand on parle de personne transgenre, une sorte de douce confusion peut apparaître. Et quand on ne sait pas, le mieux est toujours de se référer à une définition. Simple et basique : “une personne transgenre, ou 'trans', s’identifie à un genre différent de celui correspondant à son sexe de naissance, le sexe biologique référant aux organes reproducteurs, et l’identité de genre, à la sensation intérieure d’être un homme ou une femme”, explique l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
L’intime a-t-il sa place au travail ?
Il est possible que vous vous disiez “Je vois pas ce que la transidentité vient faire dans le travail, c’est de l’ordre de l’intime, du perso, l’entreprise n’a pas son mot à dire”. Et ce n’est pas 100% faux. Pourtant, renvoyer les problématiques du genre au seul cercle de l’intime, c’est oublier que nous vivons en communauté, et que le travail en est une. Une très importante même.
Pourquoi ? 35% des salariés français déclarent “avoir constaté des traitements inégaux du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité ou expression de genre, notamment dans le déroulement de leur carrière”, révèle une étude de L’Autre cercle, une association qui œuvre pour une meilleure inclusion professionnelle des personnes LGBT+. “Quand on parle de diversité et d'inclusion, c'est comment faire en sorte que je puisse franchir les murs de l’entreprise en restant moi-même”, claque Évelyne Llauro-Barres, Directrice Générale Adjointe Richesses Humaines de la MAIF.
L’assureur a innové dans les droits pour plus d’inclusion de ses collaborateurs en proposant trois jours d’absence rémunérés (sécables) pour une démarche de transition de genre. “Notre enjeu, c’est de s’assurer que chacun de nos salariés peut être lui-même dans l'entreprise. On voit évidemment que c'est un sujet qui émerge dans la société de façon extrêmement importante”, poursuit-elle.
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Les managers, pivots de l’inclusion
Nier (ou renier) une partie des siens, ce n’est pas faire société, si bien que la fameuse frontière pro/perso devient de plus en plus sibylline, voire invisible. Un constat partagé par Évelyne Llauro-Barres : “Je ne crois pas du tout au fait qu'on est une autre personne dans sa vie privée par rapport à sa vie pro. Je crois au contraire profondément que si on a le sentiment d'être en sécurité psychologique, de pouvoir exprimer qui on est dans toutes ses singularités, quelles que soient leurs formes, on est alors plus engagé, plus épanoui, plus performant, plus créatif.”
Une forme de contrat gagnant-gagnant, qui doit se traduire concrètement sur le terrain. Car compter sur la seule décision politique d’une entreprise pour que la greffe prenne, c’est ignorer l’importance du terrain. Et quand on parle terrain, on parle management : “On a un volet d'accompagnement qui est extrêmement important”, reconnaît la DRH.
Des modules de sensibilisation pour “aider les collaborateurs et les managers à s'approprier ces sujets diversité et inclusion” ont été mis en place. Le plus important étant de faire sortir du flou le parcours de transition : “C'est un sujet qui est assez nouveau et dont on parle peu. La première chose à faire, c'est finalement de ne pas en faire un sujet tabou et de faire en sorte qu'on puisse en parler tranquillement sans qu'il y ait de malaise par rapport à ça”, appuie-t-elle.
C’est quoi trois jours dans une vie ?
Les esprits chagrins (ou comptables) pourraient rapidement se mettre à la table des discussions en demandant : “combien ?”. Combien coûte cet énième “avantage” accordé à une infime partie ? “On change de genre une fois dans sa vie”, rétorque Évelyne Llauro-Barres tout de go. “Combien de salariés vont rentrer dans cette démarche ? Je ne le sais pas. Ce qui m'importe, c'est que ceux qui souhaitent le faire puissent le faire, tout simplement”.
Cet investissement n’est pas neutre pour la boîte. “Être soi-même, ça veut dire être plus épanoui, plus performant”, rappelle la dirigeante, avec l’effet positif qui s’ensuit : “On est dans une boucle vertueuse, la performance sociale crée de la performance économique et la performance économique crée de la performance sociale.”
Si socialement et économiquement, l’idée peut faire son chemin, reste encore une question plus politique. L’entreprise doit-elle poursuivre son incursion dans nos vies perso ? Une évidence selon la dirigeante de la MAIF : “Dans une société de plus en plus fragmentée, je pense que les entreprises ont une vraie responsabilité à avoir un rôle social et sociétal. C'est probablement un des derniers endroits où on vient travailler tous les jours, où on fait société avec d'autres autour d'un projet commun. Donc moi, j'y crois profondément. Je trouve que quand on a la chance d'être DRH à la tête d'une entreprise de 8000 personnes, on peut quand même agir.”