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Au secours, je suis perfectionniste au boulot : comment le gérer ? 

C’est le “défaut” – qu’on imagine ne pas en être un – qu’on aime dégainer quand on nous pose (posait ?) la fameuse question de nos qualités et défauts. Mais le perfectionnisme est-il vraiment un petit défaut mignon au boulot ? Ou n’est-ce pas au contraire un boulet susceptible de plomber notre équipe tout en détruisant notre santé mentale ?


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Avoir le sens du détail, viser la perfection… a priori, ça en jette sur le papier. Socialement, il s’agit d’ailleurs d’un trait de personnalité valorisé. Mais pour la psychologue clinicienne, Valérie Climent Questroy, le perfectionnisme, c’est comme Double-Face : il en existe deux types.

Côté pile, le perfectionniste adaptatif, moteur d’excellence. Celui-ci agit comme un booster et ne va pas avoir trop d’effets de bord. Côté face, le perfectionnisme dysfonctionnel. “Là, les personnes vont plutôt être dans des stratégies d’évitement pour limiter les risques et donc l’échec. C’est ce type de perfectionnisme qui va venir déteindre sur le comportement au travail et la santé mentale en général”, note la spécialiste.

Un cas de figure que la psychologue clinicienne rencontre régulièrement dans son cabinet, et qui complique grandement la vie de ses patients.  La spécialiste nous explique les retrouver plus volontiers dans l’univers de la santé, les métiers créatifs et du Droit.

Une épidémie de perfectionnisme ?

S’il s’agit d’un trait de caractère personnel - qui peut notamment se développer au sein d’une culture familiale où l’apprentissage par l’erreur n’est pas toléré - on ne peut pas non plus nier l’impact de notre environnement. Une très sérieuse étude menée aux USA, Canada et UK entre 1989 et 2016 démontre une augmentation constante du perfectionnisme, en particulier du perfectionnisme socialement prescrit.

Il est certain que les réseaux sociaux jouent un rôle dans le processus, avec l’établissement de standards élevés quand on observe la “vie parfaite” des gens. L’explosion du marché du développement personnel n’est pas non plus étrangère à tout ça : il faut être heureux, productif, bien dans sa tête et son corps. Tout cela déplace la norme sociale vers une vision idéalisée de nous-mêmes”, analyse Valérie Climent Questroy.

💡 Les 3 grands types de perfectionnisme dysfonctionnel
  • Le perfectionnisme auto-orienté : c’est-à-dire que l’on s’impose à soi-même. “La personne va essayer d’atteindre la perfection, ce qui est évidemment un leurre”, souligne Valérie Climent Questroy. Cette attente irréaliste va alors générer un jugement critique très dur envers elle, et pilonner son estime de soi d’autant plus fortement qu’elle ne repose dans ce cas que sur l’atteinte d’objectifs (inatteignables !).
  • Le perfectionnisme socialement prescrit : la personne va penser que les autres (les collègues et son boss en outre) attendent d’elle la perfection.
  • Le perfectionnisme orienté vers les autres : dans ce cas, les attentes concernent autrui, ce qui peut poser de sérieux problèmes en termes de management.
Sachant qu’un perfectionniste dysfonctionnel peut cumuler les trois types… explosif !

Et ça ressemble à quoi un perfectionniste au taf ?

Si l’on devait décrire les symptômes d’un perfectionniste dysfonctionnel au travail, voilà ce que l’on pourrait retrouver :

  • Par peur de mal faire, le perfectionniste remet les tâches les plus importantes à plus tard, car il est moins angoissant de se mettre sur les tâches du quotidien qui comportent moins de risques.
  • Il/elle passe des heures sur des détails pas toujours importants, réalise de nombreuses vérifications.
  • Le perfectionniste fait preuve de rigidité avec une forme de pensée dichotomique : cela doit être parfait, ou ne pas être du tout.
  • Il/ elle a du mal à entendre la critique puisqu’il n’y a de la place que pour la perfection.
  • Déconnecter du travail lui est difficile, ce qui laisse peu de place à autre chose comme les relations amicales et menace donc l’équilibre psychique. Car le problème est que cette manière de fonctionner est pérenne (pas le petit coup de bourre qui dure un mois et puis s’en va).

Des conséquences sur la santé mentale et la productivité

Le perfectionnisme n’est pas dénué de conséquences, à commencer par la santé mentale. “On peut le retrouver dans la dépression qui est la première cause d’arrêt de travail dans le monde selon l’OMS”, observe la psychologue clinicienne. Il peut aussi engendrer des troubles anxieux qui peuvent ensuite conduire au trouble dépressif, ou au burnout qui est lié à un niveau de stress élevé et une baisse de la satisfaction au travail.

Et les mauvaises réjouissances ne s’arrêtent pas là : même si c’est contre-intuitif, le perfectionnisme peut engendrer une baisse de la productivité au travail. On est dans bien loin de l’image d’Épinal du perfectionniste qui dépote ! “Le perfectionniste va par exemple passer un temps excessif sur certaines tâches, et risque donc de rendre son travail en retard”, analyse la spécialiste.

Un glissement de calendrier également favorisé par une tendance à la procrastination comme on l’a vu plus haut. Sans compter que cette posture va nuire à sa créativité, qui requiert de tester et explorer de nouvelles choses pour avancer. “Tout cela risque ensuite de freiner l’évolution de la carrière car les individus vont éviter de relever de nouveaux défis et préférer leur zone de confort”, affirme la spécialiste.

Enfin, quand le perfectionnisme est orienté vers les autres, cela peut nuire à la dynamique de l’équipe.

Alors, comment sortir du perfectionnisme ?

  • Essayer de distinguer le perfectionnisme adaptatif du perfectionnisme dysfonctionnel, afin de comprendre que ce dernier n’est pas aidant et peut avoir des conséquences négatives sur les relations avec autrui et le niveau de bien-être.
  • Réorienter son attention sur la recherche d’excellence plutôt que la perfection.
  • Travailler ses croyances, à commencer par celle qui nous dicte d’être le/la meilleur.e. “On peut chercher à l’être sur un sujet, mais il faut assouplir son système. C’est essentiel d’apprendre à hiérarchiser pour mieux gérer son temps”, recommande la spécialiste.
  • Chercher à atténuer les jugements sévères que l’on porte sur soi, et réaliser que notre identité ne dépend pas uniquement de nos réussites.
  • Consacrer du temps au lâcher prise pour mieux gérer le stress et ainsi éviter d’être dans la rumination du passé (j’aurais dû faire ça), ou dans une projection négative (je dois surperformer).
  • Apprendre à fixer des limites entre sa vie pro et perso. Notre experte recommande ainsi de savoir dire non, éviter de se surinvestir et cesser de penser qu’en faisant telle ou telle chose, on est moins bon… c’est souvent le contraire !”

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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