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“J’ai lâché le job de mes rêves pour gagner plus d’argent”

Amoureuse des chevaux et de l’écriture, Mélina n’avait qu’un seul vœu : devenir journaliste équestre. Un souhait exaucé, mais qui part rapidement en fumée à mesure que la jeune femme se confronte à la précarité du métier. Au bout de 2 ans et demi : changement de décor. Voici son histoire.


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Depuis l’âge de 10 ans et jusqu’à mon bac, j’ai toujours eu en tête le même projet professionnel : allier ma passion pour les chevaux à celle de l’écriture. Il m’est alors apparu évident que je devais devenir journaliste équestre pour combler cette double passion. Je me suis donc tournée vers une école de journalisme après une prépa lettre. J’ai été admise dans l'école de Tours au terme d’un mois de suspense : sur 1000 candidatures, seulement 25 élèves étaient admis, et j’étais première sur liste d’attente. Je ne m’attendais pas à être prise ! Par chance, il y a eu deux désistements cette année-là.

À l’école, les professeurs nous ont alertés sur la précarité du secteur. Mais j’avais 20 ans et une forme d’idéalisme chevillée au corps. Je pensais que j’arriverais à m’en sortir en faisant les choses différemment. J’ai pu faire un premier stage chez un média équestre réputé qui a concrétisé mon rêve de gosse. Pendant trois mois, j’ai rencontré de grands cavaliers, c’était incroyable. On me payait pour parler des chevaux ! Je savais cependant que devenir journaliste équestre n’était pas chose aisée : sur la ligne d’arrivée, peu d’élus…

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“Quand ils m’ont annoncé que j’étais prise, j’ai pleuré au téléphone”

À la fin de mes études, j’ai mis 8 mois pour trouver un job. Par chance, j’ai obtenu un CDI chez le média équestre qui m’avait accueillie en stage, alors que très peu de places se libèrent dans ce type de petite structure. J’ai tout donné pour être admise : j’ai transformé les tests en de véritables articles. Quand ils m’ont annoncé que j’étais prise, j’ai pleuré au téléphone. Je débarquais dans la région parisienne des étoiles plein les yeux. Les 18 premiers mois, je vivais un rêve éveillé, je voyageais, j’écrivais. Je nourrissais mon travail de ma passion pour les chevaux et inversement. J’étais vraiment dans une phase d’exploration, avec une forme de naïveté.

Mais passée cette “lune de miel”, j’ai commencé peu à peu à déchanter. J’étais objectivée sur le nombre de signes que j’écrivais, avec un quota à respecter. Mais l’écriture demande du temps, de l’idéation. J’en venais à un point où je me mettais à stresser de devoir écrire, car c’était devenu une obligation. Encore aujourd’hui, je peux avoir parfois du mal à écrire ! Sans compter qu’il y a 7 ou 8 ans, l’univers dans lequel j’évoluais était très sclérosé, il était difficile d’y apporter de l’innovation.

“Je voyais mes amis évoluer, construire leur vie. Moi, j’étais celle qui suggérait de rentrer en boîte de nuit avant minuit, car c’était gratuit”

Et puis, j’étais payée 26 000 euros (par an) en région parisienne, avec aucune augmentation prévue par la convention collective avant 3 ou 5 ans. Je vivais dans 20m2 et analysais chaque dépense pour savoir si elle en valait la peine ou non. Pour financer l’entretien de mon cheval (c’est un luxe je sais, mais j’avais choisi un mode de vie entièrement tourné vers ma passion), je devais faire des gardes d’animaux ponctuelles en plus du boulot et quelques piges. Et ma mère m’aidait aussi à boucler les fins de mois.

Je voyais mes amis évoluer, construire leur vie. Moi, j’étais celle qui suggérait de rentrer en boîte de nuit avant minuit, car c’était gratuit. Je m’en fichais socialement de gagner moins que les autres, mais c’est difficile d’avoir l’impression de ne pas être rétribué à sa juste valeur. À la fin d’ailleurs, on finit par croire qu’on ne vaut pas plus que ça. Au final, les contraintes ont eu raison de mon enthousiasme.

“Mon entourage n’a pas compris que j’arrête le journalisme”

Au bout de deux ans et demi, j’ai cherché un autre boulot. J’ai envoyé 150 candidatures et ça a été l’hécatombe : j’ai décroché 5 entretiens et on ne me proposait pas plus de 23 000 euros (par an), avec des horaires horribles. Là, j’ai compris que non, je n’arriverai pas à faire les choses autrement et que je devais faire mon deuil du journalisme. Cela n’a pas été facile, mon entourage n’a pas toujours compris, car le métier de journaliste fait souvent rêver. Certains m’ont soufflé que je n’avais peut-être pas assez persévéré. Ça a donc été la double peine.

Mais j’ai choisi de m’écouter. J’ai toujours été assez ambitieuse, avec l’envie de construire une carrière qui me ressemble. J’ai alors réfléchi à ce qui serait plus lucratif et se rapprocherait au maximum de mes compétences (écriture et manipulation des différents canaux de communication). J’ai finalement choisi de me spécialiser en marketing avec une nouvelle formation en contrat de professionnalisation pendant un an. J’ai eu la chance de pouvoir faire jouer une clause de cession lors de mon départ du média équestre dans lequel je travaillais, car il y avait eu un changement de propriétaire, du coup, le chômage compensait presque autant que lorsque j’étais en poste en plus de mon salaire d’alternant.

“Je ne suis plus dans le côté immature de la passion”

J’ai découvert un monde vaste et complexe, plus formaté que le journalisme, avec des objectifs quantitatifs, des personas… C’était clairement moins sexy et frustrant par certains aspects. Je ne savais pas où j’allais, mais j’ai pris le parti d’ingurgiter des connaissances avec la certitude que j’aurai un meilleur salaire. Au bout d’un an, j’ai trouvé un CDI et j’ai tout de suite enregistré une grosse progression de revenus. Certes, ce n’était pas la passion ultime, mais j’aimais bien mon job. J’ai pris 4 ans avant de réellement trouver ma voie. J’ai déménagé à Lyon où j’ai pris un job avant d’être recrutée par Ekkiden. Là, ça a été la révélation.

J’ai compris que si je devais raconter l’histoire d’une marque, il fallait que je le fasse pour une entreprise en laquelle je crois vraiment. J’ai créé mon département from scratch et je me sens aujourd’hui très épanouie. Mes missions sont diverses, j’ai de l’impact, je manage ce que je trouve très stimulant, et j’ai de la marge de manœuvre.

“Quand j’avais 20 ans, j’avais une vision très binaire : soit tu adorais ton boulot, soit tu ne l’aimais pas”.

Mon salaire me permet de vivre tranquillement. Je ne suis aujourd’hui plus dans le côté immature de la passion. Pour moi, elle ne dure pas et n’est pas tenable sur le long terme si on doit littéralement se cramer pour la vivre. Quand j’avais 20 ans, j’avais une vision très binaire : pour moi, soit tu adorais ton boulot, soit tu ne l’aimais pas. Maintenant, j’ai compris qu’il est avant tout essentiel de trouver un équilibre pour s’investir autant dans sa vie pro que perso, et pouvoir faire des projets.

Quand j’ai débuté dans le journalisme équestre, j’adorais ce milieu, mais je ne savais pas pourquoi. Avec le marketing, j’ai pris le temps d’explorer et de comprendre ce qui me plaisait vraiment. Mon indicateur, c’est de me lever chaque matin avec l’envie. C’est comme dans une relation amoureuse : après la passion aveugle, on apprend à aimer les choses pour ce qu’elles sont vraiment.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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