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Réussir ses vacances, est-ce que c’est pas finalement du travail ?

On les attend toute l’année de pied ferme : les vénérées vacances d’été. Mais lorsque l’on finit par se mettre la pression pour en profiter au maximum et étaler ses journées ensoleillées sur les réseaux sociaux, ne finit-on pas par tomber dans une forme d’injonction à réussir ses vacances ? Et si la productivité ne prenait pas de vacances ?


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Sophie adore les vacances, qui plus est les vacances d’été. Chaque année, elle attend non sans impatience d’enfiler son plus beau maillot de bain. Le hic, c’est qu’elle place tellement d’attentes dans ces moments de détente qu’elle finit… par se crisper ! “C’est complètement paradoxal mais je veux tellement profiter de chaque moment que je n’arrive finalement pas vraiment à ralentir, comme s’il fallait que je coche toutes les cases, raconte-t-elle. Visiter chaque recoin de la région qu’elle arpente, faire du sport, sortir, jouer avec ses enfants… au final, ses journées sont souvent tout sauf reposantes. Comme si la productivité ne prenait pas de vacances, elle.

Le plus intéressant dans tout ça, c’est que le cas de Sophie est loin d’être isolé : “la culture de la productivité est entrée dans nos valeurs et touche tous les pans de notre vie. En amour, amitié, lorsque l’on fait la fête, qu’on choisit un resto ou qu’on part en vacances”, analyse Betsy Parayil Pezard, fondatrice de Connection Leadership et spécialiste de la mindfulness.  Pourtant, les vacances étaient censées - à l’origine - être une forme de contre-temps qui nous permettait de vivre sur un autre rythme.

La performance ne prend pas de vacances

Mais Facebook, Instagram et TikTok sont passés par là et sont devenus de véritables instruments sociaux pour dévoiler notre vie, nos savoir-faire, nos temps de récréation et donc… nos performances. Des images qui offrent finalement un point de vue très partiel sur la réalité.

En vacances, on ne va pas photographier le parking de l’aéroport ! On immortalise que ce qui est beau à voir. Du coup, cela induit une forme de pression généralisée. Inutile de poster les photos de ses vacances à Melun (sorry les Mélunais) : la destination doit être un poil plus grisante. Ou alors, il faut maîtriser l’art de la mise en scène.

Au final, on ne met jamais l’accent sur ce qui est le plus important (et ne se voit pas à l’écran) : nous reposer et débrancher notre cerveau pour régénérer physiologiquement notre système. Pour Betsy Parayil Pezard, les vacances sont le moment idéal pour “être” simplement. “C’est un temps d’ouverture pour s’intéresser à autre chose que notre quotidien”, souligne-t-elle. Un temps à partager avec les autres pour entrer dans des conversations profondes, un temps pour éprouver la matière, c’est-à-dire sortir un peu de son esprit pour être davantage dans son corps. Manger, siester, rêver.

L’angoisse des vacances, ça existe

Vivre le moment présent, c’est aussi ce que souhaiterait Sophie. Sauf que cette injonction au lâcher prise peut produire l’effet inverse chez elle. “J’ai un quotidien assez dense, alors quand j’arrive en vacances le fait de perdre le rythme et ne pas avoir les obligations du quotidien peut générer chez moi de l’anxiété. C’est souvent pendant les vacances que j’ai des émotions négatives qui resurgissent”, témoigne la jeune mère.

Le problème selon Betsy, c’est qu’une fois de plus, Sophie est dans l’injonction. Le “il faut que je lâche prise” est totalement différent du “j’ai décidé de lâcher prise”. Une exploration qui - il est vrai - peut parfois mener à affronter des choses moins agréables, des émotions difficiles, des conversations délicates. Dès lors, que faut-il faire ? Rien. Accepter. “L’idée que pour que les vacances soient réussies, il faudrait toujours avoir un sourire béat, est complètement déconnectée de la vie”, poursuit notre experte.

Il est tout à fait normal de ressentir parfois de l’angoisse pendant les vacances, déjà parce que l’on change de rythme. Ce sont des émotions qui étaient là, en nous, et qu’on peut enfin prendre le temps d’écouter. “Ce n’est pas une mauvaise chose de se sentir dérangé ou d’avoir une conversation délicate avec un proche. Ce qui est difficile est ce qui nous construit, nous aide à devenir nous-mêmes. Lorsque l’on devient adulte, on comprend que la vie a une texture et qu’elle n’est pas lisse”, affirme Betsy.

Refuser de voir cela parce que l’on désire que les vacances soient parfaites risque au contraire de faire ressortir encore plus fortement l’émotion. Et de conclure : “Il faut voir tout cela comme de nouvelles expériences. En bougeant le corps, on bouge l’esprit. Au final, on peut trouver du plaisir à être un vrai humain, en train de vivre une vraie expérience humaine”.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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