Tribune – RH : 1 nom, 1000 métiers

“Je dois répondre à un collègue en détresse, faire la synthèse des revues de talents pour les 10 équipes dans mon périmètre, répondre aux questions du CSE, préparer un atelier sur les relations cross-culturelles pour aider une équipe qui a du mal à composer avec 6 nationalités, 3 sites, en anglais, tiens, on parlant d’anglais, n’oublions pas de lancer notre offre de cours de soutien aux langues, relire les contrats des alternants, publier une offre d’emploi sur LinkedIn, et juste après, je dois aussi contacter notre prestataire sur la santé mentale pour caler notre prochain point. On est lundi, il n’est pas encore 11 heures, et ma to-do list s’allonge inexorablement. Argh…”
Bienvenue dans le quotidien des pros des ressources humaines.
Si vous pensez encore que les RH se résument à “faire passer des entretiens” ou “organiser le Secret Santa”, je vous propose de rester un peu, car les RH aujourd’hui, c’est un titre ombrelle qui recouvre mille métiers.
Il faut être business partner au CODIR le matin, médecin de l’âme à 14h00, actuaire du staffing plan à 16h00, et capteur de signaux faibles à 18h, sans oublier d’envoyer la newsletter interne et de commander les viennoiseries du petit-déjeuner inclusion du lendemain.
On est à la fois détective (pour retrouver d’où vient un conflit qui couve depuis des mois), coach (quand il faut remotiver une équipe à bout de souffle), psychologue non diplômé·e (spoiler : c’est risqué), comptable (des budgets formation ou de la masse salariale), pro de la négociation (pour apaiser les tensions sociales), et avocat·e d’infortune (quand un dossier disciplinaire atterrit sur votre bureau).
Il faut savoir faire preuve d’influence en interne, rédiger des posts LinkedIn corporate qui donnent envie aux talents de postuler et faire vivre une marque employeur cohérente.
On est aussi technologue malgré soi, à devoir comprendre les mystères d’un SIRH bancal ou les délices d’une implémentation d’ATS ratée. Parfois, on se transforme en climatologue, pour anticiper la prochaine tempête organisationnelle avant qu’elle ne se transforme en ouragan. D’autres fois encore, les RH endossent le rôle de brigade des mœurs, quand les comportements dérapent et qu’on nous demande de “gérer”.
On passe notre temps à traduire : la vision du CODIR aux équipes, et les signaux faibles des équipes au CODIR.Avec un œil sur les tendances, un autre sur le droit du travail, et un troisième (imaginaire, mais indispensable) sur notre santé mentale.
Et puis, bien sûr, il faut aussi célébrer les victoires, du coup, qui fait le comité des fêtes officiel — ou officieux ? Un indice ? Ça commence par R et ça finit par H.
Vous trouvez que ça fait beaucoup ? Nous aussi, parfois.
Attention, je ne dis pas ça pour me plaindre. J’ai choisi d’entrer dans les fonctions RH il y a quelques années, de mon plein gré, et je suis la première étonnée de la richesse et de la tension de ce rôle. Ce millefeuille de missions, de compétences, de postures. Ce jeu d’équilibrisme permanent alliant rigueur, écoute, vision, diplomatie, intuition et stratégie.
C’est passionnant, formateur, puissant. Et parfois, épuisant. Car si le cœur du métier reste humain, le contexte, lui, l’est souvent moins.Les injonctions paradoxales, les restructurations à répétition, la quête de sens, les attentes infinies, les RH sont trop souvent les boucs émissaires ou les pansements d’un système qui refuse ou a du mal de se transformer.
Alors oui, parfois les RH peuvent donner l’impression de ne pas être “gentils”, vous sembler “pas assez business”, voire “carrément à côté de la plaque”.
Et pourtant ce sont aussi des personnes qui aident à faire tourner l’entreprise, dans l’ombre en général. Pour rendre le travail plus vivable, plus équitable, plus digne.
C’est mon regard de “nouvelle venue”. Un peu naïf, peut-être, mais profondément convaincu·e que ce métier, quand il est bien fait, change les trajectoires des humains et de l’entreprise.
Et rien que pour ça, il mérite beaucoup de considération.