Quelle est la taille idéale d’une équipe ?
C’est la question qui taraude l’esprit de nombreux dirigeants et managers : existe-t-il un nombre d’or permettant de créer une équipe idéale ? Pour certains, il suffirait d’avoir deux pizzas… vous allez comprendre.
5, 10, 15 personnes ? Quand on se pose la question de la taille idéale d’une équipe, on tourne généralement autour de ces fourchettes. Mais est-il possible de cibler un chiffre beaucoup plus précis ? Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, avait sa propre théorie sur la question : il fallait que chacune de ses équipes soit suffisamment petite pour être nourrie avec deux pizzas (bon, on passera les considérations sur l’appétit des membres).
Dans un registre plus scientifique, la chercheuse Meredith Belbin a tâché de résoudre l’équation via de nombreuses expérimentations au Henley Management College. D’abord sur des groupes de 10 à 11 membres rassemblés autour de tables rondes. Résultat : “il est devenu difficile de donner à chacun suffisamment de « temps d'antenne » dans les discussions sans prolonger indûment le processus de prise de décision ou réduire l'efficacité”, expose un article de Belbin France. Les expérimentations ont donc été menées ensuite sur 8 personnes, mais là encore, la taille n’était pas optimale. 2, 3 ou 4 personnes se détachaient et avaient tendance à dominer le groupe.
Small is beautiful ?
La taille de l’équipe a alors été réduite à 6 membres, et cette fois-ci… yallah ! Cette configuration permettait de couvrir un “large éventail de compétences techniques et de rôles d'équipe, chaque personne « doublant » les rôles, de sorte qu'avec la bonne composition, c'était bien équilibré”, poursuit l’article. Car Meredith Belbin identifie 9 rôles clefs tout au long du cycle de vie d’un projet (coordinateur, promoteur, expert, concepteur, soutien, propulseur, priseur, organisateur, perfectionneur). Une personne pouvant endosser plusieurs rôles, à différents moments.
De fait, une équipe restreinte serait donc plus efficace, comme l’énonce “l’effet Ringelmann” qui explique que les performances individuelles dans une tâche collaborative simple diminuent à mesure que le groupe grandit, par manque de coordination et paresse sociale. En d’autres termes : plus on est nombreux dans une équipe, plus on se tourne les pouces.
Sans oublier que “plus on augmente la taille d’une équipe, plus on va avoir tendance à introduire de la bureaucratie (process, normes, procédures)”, pointe de son côté François Dupuy, sociologue des organisations. Pourquoi ? Car le groupe ne pourra pas fixer lui-même ses règles. Sur le terrain, Bertrand, Head of Sales chez Nextories, partage le même constat après avoir passé plus de 15 ans à manager des équipes : “plus une équipe est grande, moins on a de sentiment d’appartenance”.
Mais alors, jusqu’où pousser le bouchon ? Un commando de 4 membres serait-il encore plus efficace ? Dans ses essais, Belbin conclut finalement qu’un groupe inférieur à 6 membres ne serait pas assez étoffé pour résoudre des problématiques complexes. “Car c’est vraiment dans la complémentarité qu’une équipe va performer”, souligne Delphine Roset, fondatrice de la Soft Academy et dirigeante d’osalys. Bertrand estime lui-aussi qu’une équipe trop restreinte ne permet pas de créer suffisamment d’émulation - en tout cas dans son métier. Car on va le voir, la taille idéale est toute relative !
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La taille idéale des uns n’est pas celle des autres
Si le chiffre 6 est celui qui a conclu les essais de Meredith Belbin, on ne peut toutefois pas décréter qu’il s’agisse du nombre idéal pour toutes les équipes. Selon Bertrand, une équipe de 8 commerciaux fonctionne très bien dans son activité, mais il concède que selon la complexité du produit vendu et du portefeuille de clients à gérer, un manager pourra monter jusqu’à 12 collaborateurs dans son équipe, ou au contraire être à une taille optimale à 6 personnes, dans le secteur du B2B par exemple.
Et puis, tout dépend du suivi managérial : s’agit-il d’un accompagnement opérationnel ? Ou le manager agit-il comme un coach en organisant des 1-1 avec chaque membre de son équipe toutes les semaines ? Ou les deux ? Quel est le rôle du manager ?
Bref, “la notion d’idéal n’est jamais la même pour tous. De plus, une équipe idéale est-elle une équipe qui tourne en autonomie, en performance collective ou est-ce une équipe qui obéit sans jamais rien remettre en cause ?”, lance Delphine Roset. La réponse peut être différente selon les personnes interrogées. Par exemple, un manager qui aurait envie d’avoir de l’influence pourrait être enclin à préférer une équipe de grande taille, quand un autre - plus porté sur la gestion de projet en lui-même - pourrait préférer une petite équipe.
Le sentiment d’appartenance, c’est le seul chiffre qui compte
Pour notre experte cependant, une constante demeure : une équipe gagnante est capable de générer un sentiment d’appartenance, être alignée sur des objectifs communs, bénéficier d’une distribution claire des rôles, et offrir la possibilité à chacun de s’exprimer et des espaces d’ajustements.
Une vision corroborée par François Dupuy qui insiste sur l’importance de la “régulation sociale” au sein de l’équipe. “Pour qu’une équipe fonctionne bien ou mieux, il faut laisser les membres définir les règles du jeu, à savoir ce qui est acceptable ou non quand on travaille ensemble. Cela peut mener à des sanctions en cas de non-respect de la règle”, explique-t-il. Il précise que selon les activités, la régulation sociale peut être plus ou moins difficile. Il cite par exemple le cas des universitaires qui ont une prédisposition à l’individualisme, et réduisent au maximum les interactions avec le groupe.
Dernier élément à prendre en compte dans l’analyse : le contexte dans lequel travaille l’équipe. En effet, l’un des travaux de recherche de François Dupuy a démontré un fort engagement des équipes durant la pandémie. Pourquoi ? Car elles étaient toutes fédérées autour d’un objectif commun durant ce moment si particulier.
“Cette capacité à mettre les individualités en retrait au profit d’un enjeu collectif est effectivement centrale”, selon Delphine Roset. Finalement, peu importe la taille, “l'important est la qualité du lien entre les membres, la capacité à se dire les choses, à les entendre, et à regarder dans la même direction”, conclut l’experte.