Comprendre la Théorie de l’Autodétermination: de la Motivation à l’Épanouissement au Travail
En psychologie, l’autodétermination est un concept qui fait référence à la capacité de chaque individu à faire ses propres choix. Le degré […]
En psychologie, l'autodétermination est un concept qui fait référence à la capacité de chaque individu à faire ses propres choix. Le degré d'autodétermination est le degré d'autonomie dont fait preuve un individu dans l'exécution d'une tâche ou d'un comportement, en l'absence de toute contrainte extérieure.
Qu’est-ce qui fait qu’un individu agit de lui-même, plutôt que sous la pression ? De manière plus générale, quels sont les besoins fondamentaux des êtres humains, que ce soit au travail ou dans la vie quotidienne ? La théorie de l’autodétermination (TAD), que nous allons explorer dans cet article, se propose de mieux comprendre les motivations des individus, et ce qui influe sur leur bien-être.
La TAD postule notamment que les individus sont motivés à la fois par des facteurs internes (ce qu’on appelle la motivation intrinsèque) et par des facteurs externes (ce qu’on nomme la motivation extrinsèque). Mais, loin d’être réductible à une opposition binaire, la question de la motivation s’avère déterminée par un ensemble d’éléments qui s’articulent de manière complexe.
L'expérience fondatrice de la TAD
La TAD a été fondée dans les années 1970 à partir de recherches menées sur la motivation intrinsèque et extrinsèque. Elle a ensuite été formalisée par les chercheurs Edward L. Deci and Richard Ryan, dans un livre intitulé "Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human Behavior" publié en 1985.
Edward L. Deci avait déjà conceptualisé dans les années 1970 la notion de motivation intrinsèque, qu’il oppose à la motivation extrinsèque. En 1971, il a ainsi réalisé trois expériences fondatrices, qui vont servir de base pour l’élaboration de la TAD :
Expérience 1
Deux groupes de 24 étudiants en psychologie ont été observés durant 3 sessions consécutives, pendant lesquelles il leur était demandé de reproduire différentes configurations du cube SOMA, un casse-tête bien connu. L’activité devait susciter la motivation intrinsèque des étudiants.
Lors de la deuxième session, les étudiants du groupe expérimental se sont vus proposer une rémunération de 1 dollar pour chaque configuration du cube SOMA réalisée avec succès.
Quel résultat ?
Le résultat de cette expérience a montré une augmentation du temps passé à résoudre le cube SOMA durant la session rémunérée. L’introduction d’une récompense comme outil de motivation extrinsèque a donc eu pour effet d'influencer négativement la motivation intrinsèque des étudiants, avec des conséquences concrètes sur leur performance.
Expérience 2
8 étudiants qui ignorent qu’ils participent à une expérience doivent rédiger des titres d'articles pour le journal de l'université. Lors de la deuxième session, les étudiants du groupe expérimental se voient proposer une rémunération de 50 cents pour chaque titre rédigé. À la fin de cette session, on leur annonce que le journal n'a plus le budget nécessaire pour les rémunérer.
Le résultat est le même que lors de l’expérience 1 : le recours à une récompense matérielle impacte négativement la motivation intrinsèque des étudiants qui rédigent alors moins de titres que lors de la première session, pourtant avec une rémunération égale.
Expérience 3
Cette troisième expérience reproduit les modalités de la première, mais la rémunération est ici remplacée par des renforcements verbaux (encouragements, etc.). Les résultats de cette expérience montrent que le renforcement verbal contribue à augmenter la motivation intrinsèque des étudiants.
Les résultats de ces trois expériences sont surprenants. En effet, les performances des étudiants sont moins bonnes lorsqu’ils travaillent pour obtenir une récompense matérielle. Il ressort donc que les comportements intrinsèquement motivés sont plus fructueux, dans le sens où ils génèrent plus de créativité et de valeur ajoutée.
Pourquoi ? La raison est simple. En introduisant une récompense (ici, de l’argent) dans une activité pour laquelle un individu était spontanément motivé, on incite celui-ci à reconsidérer l’intérêt de la tâche. Du simple plaisir de réaliser une activité, on passe à l’envie de gagner de l’argent. L’activité devient alors contrôlée par un facteur extérieur, et le sentiment d’autonomie diminue tandis que la motivation intrinsèque devient extrinsèque.
Partie 1: Le Concept de Base de la TAD
La théorie de l’autodétermination postule que les individus sont motivés par trois besoins fondamentaux et universels. L’autodétermination survient ainsi lorsque les besoins de compétence, d’appartenance et d’autonomie sont satisfaits.
- Le besoin de compétence : lorsque les individus se perçoivent comme ayant les compétences nécessaires pour réussir, ils sont plus susceptibles d’atteindre leurs objectifs. Cela revient à avoir le sentiment de maîtriser son environnement, mais aussi de pouvoir accomplir des tâches et relever des défis.
- Le besoin d’appartenance : c’est le besoin d’être relié aux autres, de faire partie d’une communauté.
- Le besoin d’autonomie : l’autonomie se réfère au besoin pour l’individu de se percevoir comme la source de son propre comportement. Il doit sentir qu’il agit à partir de ses propres intérêts. Un besoin d’autonomie contrarié génère un sentiment de pression, de conflit intérieur : l’individu a l’impression d’agir sous la contrainte.
Selon la TAD, la manière dont l'environnement nourrit ces trois besoins fondamentaux joue un rôle important dans le développement de la motivation intrinsèque, c’est-à-dire qui émane de l’individu.
Par opposition, la motivation extrinsèque représente une motivation contrainte, qui vise à obtenir une récompense ou à éviter une punition. Ici, l’individu agit uniquement par conformité.
Partie 2: Les Mini-Théories et Principes Avancés
Selon la TAD, l’environnement a une influence capitale sur les trois besoins fondamentaux des individus, et par extension sur le développement de la motivation intrinsèque. Pour mieux comprendre, il faut se pencher sur les six mini-théories qui composent la théorie de l’autodétermination :
- La théorie de l'Évaluation Cognitive et l'influence des récompenses externes : cette théorie est en quelque sorte le socle de la TAD. Elle aborde les effets des facteurs socio-environnementaux sur la motivation intrinsèque des individus, et notamment sur leurs besoins d’autonomie et de compétence.
- La théorie de l'Intégration Organismique et le processus d'internalisation : selon cette mini-théorie, les individus ont naturellement tendance à intégrer leurs expériences si le contexte social le permet. Par exemple, plus une norme est intégrée, plus elle devient une partie de l'identité de l'individu et plus, elle engendre des comportements autorégulés.
- La théorie de la Causalité Perçue et l'importance de la compréhension des motivations : cette théorie s’intéresse à la question des ressources intérieures des individus, et ce qui les pousse à réguler leur motivation.
- La théorie des Besoins Fondamentaux et l’universalité des besoins psychologiques : on s’intéresse ici à l’existence des trois besoins psychologiques fondamentaux et universels, à savoir l'autonomie, la compétence et l'appartenance.
- La théorie des Objectifs de Contenu et la distinction des différents types de motivation : cette mini-théorie distingue la motivation intrinsèque de la motivation extrinsèque, pour expliquer leur rôle dans la satisfaction des besoins fondamentaux.
- La théorie de la Motivation Relationnelle et l’importance du lien social : il s’agit de s’intéresser au besoin d’appartenance sociale, en soulignant l’importance des besoins d’autonomie et de compétence dans le développement des relations sociales.
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Partie 3: L’application de la TAD dans le Monde du Travail
La théorie de l’autodétermination a prouvé sa valeur prédictive sur des éléments divers, tels que la motivation et l’engagement des salariés. On peut donc l’appliquer dans un cadre professionnel.
Nous l’avons vu : selon la TAD, les êtres humains ont des besoins psychologiques innés qui les motivent à grandir et à chercher l’épanouissement. La satisfaction de ces besoins entraîne un sentiment de bien-être.
- Besoin d’autonomie : dans le monde du travail, l’autonomie désigne le fait d’être en capacité de prendre des décisions, et d’avoir une marge de manœuvre suffisante pour accomplir ses tâches.
- Besoin de compétence : il s'agit du sentiment de pouvoir réaliser des défis, de se développer et de s’épanouir dans son travail.
- Besoin d’appartenance : c’est le besoin d’un individu d’être lié à ses collègues, de faire partie d’une communauté et de se reconnaître dans les valeurs de ceux qui l’entourent. C’est par le biais des interactions sociales qu'une personne peut développer ou entraver son bien-être.
Chaque individu est porteur d’une motivation intrinsèque, qui est la capacité d’un individu de réaliser spontanément une activité parce qu'elle est gratifiante ou intéressante pour lui, et d’une motivation extrinsèque, qui désigne la capacité d'un individu à s’engager dans une activité en étant guidé par des directives, des incitations ou des récompenses externes (par exemple : une rémunération).
La motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque s’opposent a priori l'une à l'autre. La première émane de l’individu lui-même, tandis que la seconde est liée à des motifs externes (pression sociale, perspective d’obtenir une récompense potentielle, etc). Mais elles sont plus fluides qu’on ne le pense : pour la TAD, ces deux types de motivation se situent sur un continuum, et leurs niveaux fluctuent selon le degré de satisfaction des besoins fondamentaux de l'individu.
Les activités intrinsèquement motivées sont caractérisées par un haut degré d'autodétermination. Celles qui sont extrinsèquement motivées peuvent l’être également, à condition que le contexte soit favorable. On parle alors de processus d'intégration, qui va pousser l'individu à unifier ses expériences avec ses valeurs et sa personnalité.
Autrement dit, il est possible de “jouer” sur la motivation extrinsèque des salariés, dès lors qu’ils bénéficient d’un environnement de travail qui leur est bénéfique.
Quelques exemples de pratiques de management basées sur la TAD
Google et l'initiative "20% Time"
Le projet 20%, mis en place par Google en 2004, consiste pour les salariés de l’entreprise à consacrer 20 % de leur temps de travail rémunéré à des projets personnels et à développer de nouvelles compétences. L’objectif : stimuler la créativité et le besoin d’autonomie des équipes pour donner lieu à une culture de l’innovation.
Et le bénéfice de cette initiative n’est pas juste bon à faire illusion, il a réellement donné lieu à un des projets emblématique de Google : la Street View, projet del’ingénieur français Luc Vincent.
Semco et sa culture d'entreprise démocratique
Cette entreprise d’équipements industriels met en œuvre le management participatif : pas d’horaires imposés, des salariés qui choisissent eux-mêmes leur rémunération et participent aux décisions de l’entreprise. En somme, la confiance et l’autonomie accordées aux collaborateurs agissent comme les leviers les plus efficaces pour entretenir leur motivation et améliorer la performance de l’entreprise.
Zappos et sa structure organisationnelle holacratique
En 2015, le patron de Zappos mettait en place l’holacratie, une organisation du travail qui consiste à donner le pouvoir de gouvernance à l'entreprise elle-même plutôt qu’à certains de ses membres. On parle aussi d’auto-gestion, la prise de décisions revenant aux équipes. Une expérience qui a pris fin quelques années plus tard, l'autocontrôle des salariés s’étant heurté à leur besoin de disposer d’un cadre plus strict.
Études de Cas et Expériences Réelles
Best Buy et la stratégie "Results-Only Work Environment" (ROWE)
L’approche ROWE est un mode de management implémenté par l’entreprise américaine Best Buy au début des années 2000. Comme son nom l’indique, il s’agit de se focaliser uniquement sur les résultats obtenus par les salariés, et non sur leur nombre d’heures travaillées. Les salariés sont donc libres dans la gestion de leur emploi du temps.
Decathlon et ses initiatives de formation pour le développement de compétences
La célèbre enseigne met l’accent sur la formation de ses salariés, dans l’objectif de favoriser leur autonomie. Trois écoles de formation internes accueillent donc les collaborateurs, à qui sont dispensées des formations sur le développement personnel et les pratiques managériales innovantes.
Buffer et sa pratique de transparence salariale et de feedbacks constants
L’entreprise américaine a adopté une politique de transparence complète des salaires, les rémunérations de chaque salarié étant affichées sur Internet. En outre, les entretiens annuels (revues de performance) demeurent informels, tandis qu’un feedback régulier est proposé aux salariés.
Conclusion sur l'autodétermination
La théorie de l’autodétermination est particulièrement importante dans la compréhension de la motivation humaine, notamment lorsqu’elle est appliquée à un contexte professionnel. Cette théorie montre ainsi qu’il est possible de renforcer l’autodétermination des individus, et donc d’améliorer leur niveau de motivation.
Pour cela, plusieurs leviers d’action sont possibles. Le plus important réside dans la mise en place d’un environnement de travail épanouissant, qui permet de répondre aux besoins fondamentaux des salariés (autonomie, compétence et appartenance). Les employeurs veilleront également à nourrir la motivation intrinsèque des salariés plutôt que leur motivation extrinsèque, la première étant plus efficace en termes de réalisation des objectifs. Il ressort en effet des études menées dans le cadre de la TAD que la motivation intrinsèque (qui émane des individus eux-mêmes) donne des résultats plus fructueux que la motivation extrinsèque, laquelle est liée à des facteurs extérieurs à l’individu.