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Transparence des rémunérations : êtes-vous prêts pour la nouvelle réglementation ?

D’ici le 7 juin 2026, les entreprises françaises de plus de 250 salariés devront se conformer aux nouvelles obligations de la Directive européenne en matière de transparence des rémunérations. Bonne nouvelle les copains : on a pré-digéré la législation pour vous.


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Adoptée courant 2023, la Directive européenne sur la transparence des rémunérations nourrit une forte ambition : lutter contre les discriminations salariales. Pour ce faire, les entreprises vont devoir communiquer un certain nombre d’informations sur les rémunérations. Dans les (très) grandes lignes, cela permettra aux salariés de pouvoir demander réparation s’ils constatent une injustice.

Et comme a priori, ce sont souvent les femmes et les minorités qui sont lésées, c’est la raison pour laquelle cette directive devrait assurer un environnement de travail plus inclusif. Selon la Commission européenne, les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes sont encore de 13% à poste égal.

Quelles informations devront être communiquées ?

Désormais, les entreprises devront s’astreindre à ces sept commandements. Ou plutôt, publier des rapports contenant précisément ces informations :

  1. L’écart général de rémunération H/F
  2. L’écart de rémunération variable et complémentaire H/F (celui-ci va plus loin que l’index d’égalité professionnelle qui ne prend pas en considération les bonus discrétionnaires)
  3. L’écart médian de rémunération par sexe
  4. L’écart médian de rémunération variable et complémentaire
  5. La proportion des salariés de chaque sexe qui ont des rémunérations variables et complémentaires
  6. La proportion de chaque sexe dans chaque quartile, du plus bas au plus haut salaire
  7. L’écart H/F par catégorie de travailleurs, ventilé par le salaire de base et ses composantes
💡 L’info en + Super bonus ! Demain, il sera possible pour un collaborateur travaillant dans un groupe de se comparer aux salariés des autres filiales si la politique de rémunération est définie par la maison-mère, même si chaque entité mène en interne sa négociation annuelle obligatoire. De plus, les salariés pourront se comparer à des collaborateurs qui étaient en poste avant, et même après leur passage dans l’entreprise.

Seul le salaire fixe sera-t-il regardé ?

Pour l’heure, il ne s’agit que de suppositions, mais si l’on s’en tient à la jurisprudence en droit français, ou encore aux éléments retenus dans l’index professionnel, les éléments à communiquer devraient aller au-delà du salaire fixe. Pour les petits filous qui auraient voulu feinter en gonflant les avantages en nature ou encore les primes, cela ne sera a priori pas possible. De même, tout ce qui concerne la rémunération indirecte (assurance vie, formation…) devrait aussi être pris en compte.

💡 L’info en + Il est possible que soient exclues “les sommes qui constituent un avantage retiré par le salarié au titre d’actions qu’il détiendrait dans la société”.

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À quoi cela va-t-il servir pour les salariés ?

Les entreprises vont être tenues d’informer leurs collaborateurs sur l’existence de ces éléments (ben voui, si c’est pour que ça reste planqué dans une armoire, cela n’a pas grand intérêt). L’objectif étant que, si ceux-ci constatent une différence de traitement, ils puissent demander des explications à leur employeur.

D’ailleurs, ces demandes d’explications pourront porter au-delà du genre. Ainsi, chaque collaborateur pourra demander à son employeur de justifier un écart qui lui semble… injustifié.

💡 L’info en + En droit français, les salariés peuvent déjà attaquer leur entreprise sur la base de l’un des 20 motifs jugés discriminatoires ainsi que, plus largement, des différences de traitement en matière de rémunération.

Que risquent les entreprises ?

Les employeurs sont tenus de justifier tout écart à la demande du collaborateur. L’entreprise pourra expliquer avoir retenu d’autres critères à condition qu’ils soient pertinents et justifiés, et qu’ils soient objectifs et non sexistes (par exemple, la performance, l’ancienneté, la rareté d’une compétence sur le marché, le niveau de responsabilités…). En revanche, le fait de récupérer un historique de rémunération ne signifie pas qu’il ne faille pas faire évoluer cette rémunération. Les écarts ne doivent pas se creuser de manière injustifiée avec le temps.

Si la réponse apportée par l’entreprise ne satisfait pas le collaborateur, celui-ci pourra attaquer son employeur et obtenir une réparation intégrale du préjudice subi en raison d’inégalités de traitement (rappel de salaire). La directive suggère également la mise en œuvre de recours collectifs permettant à plusieurs victimes d’inégalités salariales de se regrouper pour agir en justice.

💡 L’info en + Des sanctions financières et administratives devraient aussi être prévues pour les entreprises qui ne joueront pas le jeu (amendes, mécanismes de contrôle, mesures dissuasives comme la révocation d’avantages publics etc). Bien entendu, en cas de violations répétées, les sanctions iront crescendo.

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Ces informations vont-elles être publiées en externe ?

Pour le moment, la directive ne semble pas contraindre les entreprises à une obligation de transparence des grilles internes à l’externe. En revanche, un grand changement est à venir sur les offres d’emploi. Il va être obligatoire de communiquer aux candidats la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération, et les dispositions pertinentes de la CCN (en ce qui concerne les conventions collectives nationales, il ne s’agit pas d’une alternative, mais d’une addition aux autres obligations).

💡 L’info en +  Il n’y a pas de principe de rétroactivité avant l’entrée en vigueur de la réglementation. Mais une fois entré en application, le texte prévoit que les informations devront être conservées pendant quatre ans.

Seules les entreprises de plus de 250 salariés vont être concernées ?

La taille, présentement, ça compte. Selon les effectifs de l’entreprise, les obligations d’information des candidats, salariés et représentants du personnel vont être différentes.

  • Au moins 250 salariés : mise en œuvre au plus tard le 7 juin 2027, information tous les ans.
  • Entre 150 et 249 salariés : mise en œuvre au plus tard le 7 juin 2027, information tous les trois ans.
  • Entre 100 et 149 salariés : mise en œuvre au plus tard le 7 juin 2031, information tous les trois ans.
💡 L’info en + La directive offre la possibilité aux États d’abaisser le seuil des effectifs. Étant donné que les obligations changent souvent au-delà de 50 salariés en droit français (exemple de l’index sur l’égalité professionnelle), on peut supposer qu’il en sera de même pour cette directive.

Ce qu’il faut retenir

Les nouvelles obligations imposées aux employeurs sont loin d’être anodines. Elles vont clairement imposer un changement de paradigme aux entreprises n’étant pas coutumières de la transparence. Une évolution culturelle – et légale – qu’il convient d’anticiper dès à présent.

En outre, le travail d’objectivation des grilles de rémunération risque fort de donner le tournis à celles et ceux qui n’anticipent pas dès à présent une refonte de leur politique salariale mais aussi managériale. Objectiver la performance exige de revoir la politique de feedback, les process d’entretiens annuels, la mise en perspective des career paths... Allez, le changement, c’est maintenant !

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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