Trop jeune pour manager ? (Par Judith Tripard)

Vous me voyez venir, le sujet a fait la une ces dernières semaines avec notre Premier Ministre de 34 ans, dont le jeune âge (le plus jeune de l’Histoire) a fait couler de l'encre. C'est un sujet qui se présente aussi souvent en entreprise, où les stéréotypes vont bon train. Les biais inconscients, les fameux, sont à nouveau les fautifs !

Ces biais, qui sont en réalité les filtres d’analyse de votre cerveau, créent le phénomène d’âgisme, qu’on connaît bien lorsqu’ils concernent les personnes âgées de plus de 50 ans (même de plus de 45 ans apparemment, à mon grand désespoir), et un peu moins lorsque le phénomène concerne les jeunes, mais en fait, il s’agit de la même chose. L’âgisme apparaît lorsque l’âge est utilisé pour catégoriser les personnes d’une façon qui entraîne des préjudices, comme : “trop jeune pour manager”.

Pour comprendre le conditionnement derrière ce biais, posez-vous la question suivante : entre une personne de 25 ans et une autre de 35, laquelle va probablement être irresponsable et peu fiable ? La réponse que votre cerveau vous souffle, je la connaissais avant même d’écrire la question. Il est bien là le biais.

De la même manière qu’une personne de plus de 50 ans ne va pas, à cause de son âge, manquer d’intérêt pour les nouvelles technologies ni avoir des problèmes de performance (mais ça aussi, votre cerveau vous le souffle, n’est-ce pas ?), une personne de moins de 25 ans n’est pas irresponsable ni fiable à cause de son âge (elle peut théoriquement l’être, mais l’âge n’est pas la raison).

Je vous rajoute quelques questions à vous poser, pour lesquelles il n’y a aucune réponse toute faite, mais soyez auto-critiques avec les réponses que vous souffle votre cerveau : “Qu’est-ce c’est, être jeune ? À partir de quel âge a-t-on fini d’être jeune? À partir de quel âge est-on légitime en tant que manager ?” C’est un peu absurde, n’est-ce pas ?

La jeunesse peut être perçue comme de l’inexpérience et par extension, pour de l’incompétence. La jeunesse au sommet de la hiérarchie peut renverser le modèle de transmission des connaissances que la société pose comme indiscutable. Derrière le sujet de l’âge, c'est souvent d'ego dont il est question : l’égo des membres de l’équipe qui ne supportent pas d’être managés par quelqu’un de plus jeune, l’égo des jeunes managers qui ne supportent pas d’être challengés par des membres de leur équipe plus expérimentés.

Il se trouve que je suis DRH et que j'ai des salariés managers qui ont moins d'expérience que leur équipe et ça ne pose pas de problème à l'équipe en question. Pourquoi ? Car ces managers sont légitimes, de par un certain nombre de qualités personnelles que sont l'empathie, la capacité d'écoute, la résolution de problèmes, l'organisation, la capacité à travailler avec les autres, l'humilité également. L'âge n'a rien à voir avec ça. Ce n'est d'ailleurs pas non plus une question de diplômes.

Le défi le plus important rencontré par les jeunes managers va être d’instaurer une légitimité et donc une crédibilité au sein de l'équipe, en particulier lorsque celle-ci comprend des personnes plus âgées. Surmonter cette barrière se fera grâce à une communication claire, la démonstration de leurs compétences et la volonté de miser sur la collaboration.

Une des plus grosses erreurs serait de réagir par un management trop autoritaire ou brusque, mais attention aussi à ne pas tomber dans le piège d’une trop grande complicité en rendant floue la limite entre la copinerie et la relation de travail.

Pour mieux surmonter ces défis, je conseille aux jeunes managers de se former au management, de prendre conseil auprès de leurs pairs ou de mentors, et surtout qu’ils gardent en tête d’être à l’écoute de leur équipe, de les soutenir et de montrer l’exemple. Normalement tout devrait bien se passer.