Trou dans le CV : red flag ou super atout à faire valoir ?
Avoir un gros gap sur son CV entre juillet 2020 et mars 2021, ça a longtemps été un énorme défaut. Et si aujourd’hui, avoir un trou sur le CV était la plus belle des qualités…
Elle l’a appelé son congé “MOI-ternité”. Après 15 années de bons et loyaux services dans les secteurs de l’hôtellerie et de l’événementiel, Anne-Sophie Vergne en a eu assez : “je ressentais un problème d'alignement qui me faisait vomir le monde de l'entreprise”.
Alors, Anne-Sophie décide de s’offrir un break. Mais pas question de buller ! Pendant près de 16 mois, elle multiplie les rencontres, voyage en Nouvelle-Calédonie, Inde et Cambodge, se forme, recherche son Ikigaï (déf : sa raison d’être en japonais).
Anne-Sophie part donc en quête de sa reconversion professionnelle. Et si elle ne trouve pas nécessairement les réponses à cette question, elle choisit de raconter son cheminement personnel, ses réflexions et sa quête d'elle-même dans un livre écrit en voyage, “J’peux pas, j’ai rendez-vous avec moi”. Qu’importe la destination, l’important, c’est le voyage.
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“Les CV à trous vont devenir la norme”
Comme Anne-Sophie, de plus en plus de travailleurs décident de prendre un break. Pour Camille Vandame, recruteuse freelance et Consultante en Gestion de Carrière pour Garance & Moi :
Partir en Australie perfectionner son anglais, faire un tour du monde responsable tout en levant des fonds pour des associations locales, prendre un congé parental, suivre son conjoint à l’étranger, devenir aidant ou encore traverser une période de chômage, un burnout ou une dépression… “Il y a tellement de raisons et d’occasions de faire un break”, ajoute la spécialiste.
Du gruyère ou de la dentelle ?
Même s’ils sont fréquents, les trous dans le CV - ou dans leur version plus politiquement correcte “les break” ou “pauses” - représentent une source d’angoisse pour les candidats. Et pour cause : les chiffres démontrent que les candidats qui ont un trou dans le CV d’un an ont 35% de chances en moins d’être appelés selon Pôle Emploi (étude 2019).
Pourquoi ? “Parce que le cerveau n’aime pas l'imprécision, alors, le recruteur va chercher à définir ce fameux trou”, relève Juliette Naji-Dumas, Directrice d’Humando et recruteuse engagée. Mais il ne faut pas croire non plus que le recruteur est là pour piéger le candidat !
Ce qu’il cherche avant tout à comprendre, ce sont les leviers de motivation réels de la personne, mais aussi sa faculté à pouvoir endosser le poste. “Le recruteur va plutôt se projeter dans le futur que rester dans le passé. Mais c’est toutefois son rôle de cerner la personne qu’il a en face de lui”, ajoute-t-elle.
Bref, le recruteur n’a pas tant envie de savoir pourquoi son candidat a un trou dans le CV mais plutôt “quel en a été l’élément déclencheur, quelles activités ont occupé la personne pendant cette pause, ce qu’elle en retire et comment cette pause s’insère dans son parcours et fait d’elle la personne qu’elle est aujourd’hui”, analyse Camille Vandame.
- Plus le recruteur aura une approche souple envers le candidat, plus il obtiendra la réponse authentique qu’il recherche.
- Le recruteur doit aussi faire attention à ne pas projeter ses propres peurs sur le parcours du candidat.
- Enfin, attention à ne pas forcer un candidat à s’épandre sur des éléments personnels s’il n’en a pas envie.
Non, pause ne signifie pas (forcément) glandouille
Pour nos trois interviewées, les trous dans le CV ne doivent donc pas être perçus comme un red flag mais plutôt comme des opportunités. À condition bien sûr d’être capable d’y mettre les mots justes. Bref, on ne raconte pas qu’on a fait du binge watching sur Netflix pendant 6 mois (auquel cas, mieux vaut se trouver un story telling en béton armé) !
Savoir utiliser les bons mots, c’est notamment ce que prône Gaelle Brouat, la fondatrice de Ma Pause Parentale qui invite justement à valoriser ces moments plutôt qu’à les cacher. “On peut aussi simplement dire que l’on a eu envie de redevenir un simple humain dans la société, en prenant du temps pour soi, pour les autres”, souligne Anne-Sophie Vergne. D’ailleurs, Orange a récemment lancé les “congés respiration”, preuve que le sujet se démocratise.
Par contre, si vous évoquez ces périodes de break de manière imprécise, semblez embarrassé, survolez rapidement l’épisode ou alors le relatez avec plusieurs incohérences, cela n’enverra pas un bon signal. “La personne doit montrer qu’elle s’est interrogée sur ce que cet épisode a apporté à son parcours”, affirme Camille Vandame.
- vos capacités d’adaptation face aux imprévus de la vie,
- la proactivité dont vous avez fait preuve pour rebondir, vous lancer dans une nouvelle activité, occuper ce nouveau temps libre contraint ou choisi etc.
- votre capacité de recul et d’analyse sur ce que le break vous a apporté d’un point de vue professionnel
- votre audace, aisance avec l’inconnu, aisance avec le risque.
Honnêteté, transparence… et anticipation
C’est donc bien davantage le manque de transparence et l’absence de cohérence qui vont pénaliser un candidat. “Le candidat ne doit pas nécessairement chercher à plaire, mais rester très aligné avec ce qu’il est. Le match avec l’entreprise se fera ou ne se fera pas, mais sûrement pour le meilleur”, affirme Anne-Sophie Vergne.
Enfin, si vous sentez qu’aborder le sujet de l’une de vos pauses est trop douloureux, c’est que vous n’êtes peut-être pas encore prêt à affronter le jeu des entretiens. “En candidatant, vous pouvez être certain qu’elles viendront sur la table”, poursuit notre interviewée. Alors, anticipez et préparez trois lignes de réponse bien ficelées pour votre interlocuteur si vous n’avez pas envie de vous étendre.
À retenir : Les trous dans le CV, ce n’est pas la cata ! Les “pauses” et “breaks” deviennent la norme. Ce qui compte, c’est de savoir prendre du recul et valoriser ces expériences humaines qui vous font avancer en tant que personne et professionnel.