Et si c’était une bonne idée de mentir ?
Mentir, c’est pas joli, c’est pas sexy, c’est pas très bien. Et pourtant, tout le monde le fait. Et si mentir, ce n’était pas une si mauvaise idée que ça finalement ? Réponses avec deux experts : une docteure en psychologie du mensonge et un spécialiste de la communication de crise.
Soyons clairs dès le début : un monde sans mensonge n’existe pas. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Claudine Biland, docteur en psychologie sociale : “Les gens qui disent qu’ils ne mentent jamais… ça sont des menteurs. Les plus honnêtes des malhonnêtes vont vous dire : “ça m’arrive de mentir, mais ce ne sont que des mensonges altruistes”.
Pourtant, on parle de transparence à tout-va. Tout dire, est-ce forcément bien ? “Bien sûr que non, tempête l’autrice de Psychologie du menteur (Editions Odile Jacob). Mon livre commence comme ça, si tout le monde devait dire la vérité tout le temps, ce serait insupportable. Mais mentir tout le temps, c’est aussi invivable”.
Pour Laurent Vibert, expert en communication sensible, stratégique et de crise, c’est le même constat : “toute transparence permettrait de vivre mieux ? Je ne suis pas sûr. Parfois, il vaut mieux ne pas savoir pour passer la vague. Une communication maitrisée, elle n’ouvre pas tous les tiroirs et les coffres d’une entreprise ou d’une institution. C’est aussi une forme d’art de dire qu’on ne peut parler d’un sujet pour X raisons”.
“Il faut habiller la vérité, mais ne pas la travestir”
Si tout dire ou tout cacher n’est pas la solution, que faire ? Comment arbitrer entre ce qu’on peut dire et ce qu’on doit dire ? “Vous avez 4 h ?, s’amuse notre experte en communication avant d’embrayer : “je préfère dire : ‘Il faut habiller la vérité, mais ne pas la travestir’. La communication doit être stratégique. Ça peut-être instinctif mais raisonné. Exemple : Vous êtes en retard, vous envoyez un SMS pour dire : je suis en retard. Ça a du sens. En revanche, si vous prenez votre téléphone à 3H du matin avec un contenu improbable, ça ne va pas. Chaque communication doit atteindre un ou des objectifs. Et si pour atteindre un objectif, il faut omettre une partie, alors dans ce cas-là, oui, il ne faut pas dire tout ce qu’on pense.” Ou du moins ce que l’on sait.
L’omission, c’est la ligne de crête quand on parle du mensonge. Ne pas dire, est-ce mentir ? Mentir, est-ce dire quelque chose de faux ou ne pas dire quelque chose de vrai ? “Les deux !”, m’arrête Claudine Biland. “Le mensonge a 4 raisons, mais prend deux formes : l’omission ou la falsification”. Pour Laurent Vibert, le débat est moins tranché : “il y a une différence entre le mensonge pieux et le mensonge coupable. Quand Cahuzac dit les yeux dans les yeux : ‘Non, je n’ai pas eu de compte en Suisse’, c’est faux. Mais parfois, on oublie de parler de choses, car on ne pense pas que ça peut avoir un impact ou de l’importance”.
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Mentir : ok. Ne pas expliquer pourquoi : pas ok.
Si on part du principe que le mensonge fait partie de nos vies, existe-t-il un moment plus propice pour dire la vérité ou la cacher ? “Bien sûr, c’est ce qu’on appelle la temporalité, c’est un élément déterminant”, pointe Laurent Vibert avant de préciser : “mais ce qui est aussi important, c’est d’expliquer pourquoi on fait les choses. Ce qui est souvent décrié quand il y a des crises, c’est qu’on ne comprend pas le pourquoi”.
Notre docteur en psychologie abonde dans ce sens : “la solution, ce n’est pas de tout savoir, mais de savoir beaucoup. On ne peut pas tout savoir, tout dire, tout expliquer, mais il faut des moments de communication suffisamment efficaces pour permettre aux gens d’avoir une base de données de connaissances pour fonctionner correctement. Il faut que les gens se sentent valorisés d’avoir des infos”.
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’explication est presque toute aussi importante que le message en lui-même. Reste à savoir ce qu’il en est de celui qui ment. Le mensonge est-il plus ou moins pardonnable en fonction de son statut hiérarchique ou sociétal ? “Ce qui est important dans le mensonge, et qu’on le pardonne ou pas, ce sont les conséquences du mensonge”, rappelle Claudine Biland. Certains pardonnent l’adultère, et d’autres non. Pourquoi les uns pardonnent et les autres non ? Parce qu’on a un curseur du seuil moral. Ou placez-vous le mensonge impardonnable ? C’est à chacun de le fixer”.
Combien de fois mentons-nous par jour ?
Il reste néanmoins une question importante : Est-ce que nous mentons si souvent que ça ? Une grande étude américaine menée par DePaulo explique qu’on annonce 2,5 mensonges par jour en moyenne. Pour notre docteure, c’est en réalité bien plus : “Le mensonge est condamné moralement, donc le déclaratif est très en deçà de la réalité. On devait y mettre toutes les interactions supérieures à 10 min qu’on avait eu dans la journée, et donc les mensonges. Mais il n’y pas les petits mensonges sur les petites interactions du type “oui et non” de notre quotidien”.
Maintenant que vous avez terminé de lire cet article, comptez le nombre de mensonges d’ici à la fin de journée. Je fais le pari qu’il y en aura plus de deux et demi… est-ce que c’est grave ? Vous pouvez relire l’article pour vous rassurer.
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