société

La work-life blending, ou quand la vie pro et perso ne font plus qu’un

Quelle est la différence entre l’équilibre vie pro / vie perso et l’osmose vie pro/ vie perso ? Une vision de la vie et du travail bien plus complémentaire. Et si vous pouviez prendre rdv chez le médecin à 15h un mardi et répondre à un mail pro à 19h ? Ce ne serait plus simple finalement. Mais est-ce si idéal que ça ? Explications.


5 min

Vous connaissez le blender ? (Note : il s’agit du robot à smoothies pour les incul(inaires). Et bien, il partage la même racine que ce nouvel anglicisme qui se traduit littéralement par le mélange (blend) de la vie pro et perso. Il succède au concept de work-life balance (équilibre vie pro/vie perso). Vous allez me dire, “c’est quoi la diff ?”.

La nuance, s’il en fallait une, c’est que la notion de blending introduit un nouveau concept : plus que la seule recherche d’équilibre, elle suggère que les sphères pro et perso s’influencent irrémédiablement l’une et l’autre. “Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune barrière, mais l’idée est d’arrêter d’opposer ces deux pans qui font la vie d’un individu”, affirme Sandra Fillaudeau, fondatrice de Conscious Cultures.

C’est quoi, la work-life blending ?

La work-life blending (mélange ou osmose) suggère donc de prendre en considération un individu dans sa globalité. Si par exemple, un salarié est aidant ou parent, il subit un certain nombre de contraintes dont il ne peut faire abstraction dans sa vie professionnelle. D’autant que, “nos ressources sont limitées. Nous ne sommes pas des machines avec une énergie qui peut croître à l’infini”, poursuit notre experte.

Ainsi, les obligations pro et perso viennent régulièrement s’entrechoquer parce qu’il nous faut sans cesse arbitrer nos priorités dans les 24 petites heures de notre journée. Prendre rdv chez le médecin à 15h un mardi et répondre à un mail à 19h, c’est ok… si c’est aligné avec votre mode de vie. Avec le work-life blending, il s’agit d’adopter une vision à 360 degrés pour concilier le tout et non pas mettre les deux sphères en concurrence.

Si l’on parle autant du sujet ces derniers temps, c’est que le monde du travail fait couler beaucoup d’encre depuis la pandémie. Pourtant, certains changements à l’origine du débat ne datent pas de la dernière décennie. “La question de l’équilibre vie pro-perso est apparue lorsque les femmes sont entrées massivement dans le marché du travail”, pointe Sandra Fillaudeau.

Pourquoi ? Tout simplement car jusqu'à lors, le travail avait été pensé en présupposant que les femmes restaient faire la popote à la maison. Du coup, les questions domestiques sont devenues un vrai sujet organisationnel pour les foyers quand plus personne n’a pu assumer cette charge à plein temps.

La rédaction vous conseille

Tout ça à cause de l’iPhone ?

L’autre phénomène, c’est la transformation de notre manière de travailler. À l’échelle de l’humanité, l’arrivée du smartphone date d’hier (soit 2007). Et ce dernier a largement contribué à brouiller les frontières puisqu’à travers un simple message, ou mail, le pro et le perso peuvent venir popper à tout moment de la journée.

Enfin, c’est bien entendu la pandémie qui a chamboulé le rapport des individus à leur travail, mais pas forcément en le mettant à distance, au contraire. Pour certains, le travail est presque devenu un art de vivre. “Il y a aujourd’hui une exigence à s’épanouir totalement et de manière permanente dans le travail, qui est en fait loin de la réalité”, analyse Sandra Fillaudeau.

La Gen Z ambassadrice de l’osmose vie pro/vie perso ?

Ce qui est certain, c’est que la notion de work-life blending est particulièrement portée par la génération Z. Selon un sondage mené par Randstad, 56% des 18-24 ans seraient prêts à quitter un job qui les empêcherait de s’épanouir dans leur vie perso !

Pour Matthias Jean, CEO et cofondateur de Tarentö, cela s’explique notamment par l’impact de la crise de 2008 sur les moins de 25 ans : “on a vu nos parents et grands-parents perdre ce pour quoi ils avaient travaillé toute leur vie, alors qu’ils avaient toujours défendu la vision qu’en travaillant dur, en faisant de bonnes études, on pouvait accéder à telle ou telle chose dans sa vie privée”.

Or, la crise a balayé ce schéma tout tracé et initié un nouvel adage chez cette génération : puisque je ne sais pas de quoi demain sera fait, je vais essayer de profiter pleinement, dès à présent. Avec la work-life blending, il s’agit donc de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier. L’avantage ? Éviter de s’écrouler le jour où plus rien ne va au boulot.

Pour les managers, c’est la culture de la confiance qui doit régner pour performer

Parce qu’il devient une attente forte des salariés (gen Z et jeunes parents), la work-life blending imprègne peu à peu le monde de l’entreprise. Télétravail, congés illimités, semaine de 4 jours ou encore congé respiration : les employeurs rendent de plus en plus de temps personnel à leurs salariés.

Depuis son prisme de jeune vingtenaire, Matthias Jean y voit aussi une manière “de donner la permission à un individu de s’organiser comme il l’entend”. Car pour un jeune de moins de 25 ans qui n’a pas d’obligations familiales, il s’agit plutôt de pouvoir slasher librement et travailler sur des projets persos à tout moment de la journée.

Dans toutes les entreprises qui donnent cette flexibilité, c’est avant tout une question de confiance et d’autorégulation à l’échelle de l’équipe pour que les objectifs collectifs soient atteints”, analyse Sandra Fillaudeau qui insiste sur la responsabilisation des travailleurs dans cette nouvelle ère du work-life blending.

Gare à ce que le blending ne mène pas au blurring

Une responsabilisation qui suppose dès lors la capacité chez chacun de créer ses propres barrières. En effet, ne peut-on pas craindre qu’en laissant la sphère pro et perso s’immiscer à tout moment de la journée, les barrières s’effondrent ? D’après Sandra Fillaudeau, il s’agit effectivement d’un risque à prendre en considération.

Le risque de la work-life blending est notamment de mal compartimenter ce que l’on doit réaliser dans une journée, et de perdre en efficacité : “il faut prendre garde à ne pas céder au multitasking qui nous donne l’illusion que l’on gagne du temps alors que le cerveau s’épuise”, prévient-elle.

Pour éviter la surchauffe, notre experte recommande notamment la lecture des excellents ouvrages de Jean-Philippe Lachaux, grand spécialiste de l’attention. Elle en tire quelques conseils simples et pourtant très efficaces pour que la work-life blending ne se transforme pas en blurring (flou), quand les frontières entre la vie pro et perso et que la charge mentale explosent.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

La newsletter qui va vous faire aimer parler boulot.

Chaque semaine dans votre boite mail.

Pourquoi ces informations ? Swile traite ces informations afin de vous envoyer sa newsletter. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien présent dans chacun de nos emails. Pour en savoir plus sur la gestion de vos données personnelles et pour exercer vos droits, vous pouvez consulter notre politique de confidentialité