3 pistes pour faire de la monoparentalité une force pour l’entreprise
80% des familles monoparentales sont gérées par des femmes. Derrière ce chiffre se cache un nombre important de freins au développement des carrières, mais aussi des entreprises elles-mêmes. Mais des pistes très concrètes existent pour faire changer les mentalités et les bureaux. Explications.
« Accompagnons mieux la monoparentalité en entreprise ». En février 2022, Nathalie de Courcy, directrice des affaires gouvernementales de Cosmed, faisait publier cette tribune dans Le Monde avec un parterre de dirigeants à ses côtés. L’idée derrière ce texte ? Alerter sur “l’urgence de mieux aider les parents célibataires à concilier leurs obligations professionnelles et familiales”.
Deux ans plus tard, c’est le Premier Ministre, Gabriel Attal, qui a lancé une mission gouvernementale avec quasiment mot pour mot le même ordre (“mener une réflexion sur les ‘bonnes pratiques des employeurs pour s’adapter aux contraintes spécifiques’ des familles monoparentales”). “Je pense que le fait que le tabou se lève, remarque Nathalie de Courcy, c'est le bon moment pour lancer cette mission, pour essayer de regarder un peu tout ce qu'on fait, tout ce qu'on pourrait faire et de et de mettre en présence toutes les parties prenantes”.
Aujourd’hui, 1 famille sur 4 est monoparentale, et à la tête de ces foyers des femmes dans 80% des cas. Nathalie de Courcy continue de se battre pour faire reconnaitre aux yeux de tous cette situation de vie. Celle qui se définit comme “maman solo de 3 enfants élevés seule depuis 10 ans” souhaite faire sauter le verrou qui entoure la monoparentalité. Principalement en entreprise.
“J'avais peur que ça impacte négativement ma progression de carrière”
“Je n’ai jamais osé en faire état auprès de mon employeur. J'avais peur que ça impacte négativement ma progression de carrière”, rembobine-t-elle. Elle se souvient de “la double peine d'avoir un quotidien extrêmement compliqué avec une pression ressentie énorme” et de la “honte d’en faire état parce qu'il y a un certain nombre de stéréotypes négatifs qui sont encore véhiculés sur l’image de la mère célibataire”.
Derrière ces clichés réside essentiellement “une méconnaissance des difficultés qui découle de la monoparentalité” précise-t-elle. En attendant de voir une réponse du législateur sur ces questions sociétales, elle affirme que beaucoup de choses peuvent être faites par les entreprises. Souvenez-vous du parental act : une initiative des entreprises pour doublé le congé second parent… qui a ensuite débouché sur une loi pour tous.
Les 3 piliers de la monoparentalité en entreprise
Gestion des enfants, organisation du travail et accompagnement. Voici les 3 voies que devraient emprunter chaque entreprise pour faire de la monoparentalité un sujet maitrisé.
#1 La garde des enfants : “un sujet extrêmement sensible pour les parents solos”, alerte-t-elle. “Beaucoup d'entreprises limitent encore leur politique de parentalité à des places en crèche alors que dans la plupart des familles monoparentales les enfants ont plus de trois ans. Au moment où on se sépare, on a 43 ans selon l'INSEE. Et à 43 ans, on a en moyenne un ou deux enfants qui, pour la plupart, ont plus de trois ans”. Aide aux devoirs, chèques-emploi service prépayés pour une garde d’urgence en cas de déplacement pro sont autant de pistes soufflés par notre experte.
#2 L’organisation du travail : “les aménagements des horaires avec des réunions moins matinales, moins tardives, limiter les déplacements pros” ou encore favoriser le télétravail. En gros, avoir une organisation plus souple. Nathalie de Courcy rappelle avec force que “la situation de monoparentalité, ce n'est pas gravé dans le marbre”. En effet, la monoparentalité dure en moyenne 4 ans contre 6 ans pour les femmes (INSEE).
#3 L’accompagnement : dans ces périodes, “l’épuisement est considérable”. Donc toute l’aide que peut apporter l’entreprise pour soulager les points de friction sont bon à prendre : “mise en contact avec un expert social pour faciliter les démarches administratives, les démarches financières, ou encore avec des professionnels de santé car c'est une situation de vie qui demande une attention particulière”.
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Parent solo mais employé multicompétent
Sur le papier, c’est la promesse. Mais dans les faits, que se passe-t-il réellement quand la monoparentalité vient s’entrechoquer avec la carrière ? “Un parent solo est d'autant plus impliqué que son travail est le seul revenu du foyer”, expose notre spécialiste. Donc ce sont des salariés qui sont extrêmement consciencieux, extrêmement impliqués, organisés, qui savent jongler avec toutes leurs obligations personnelles et professionnelles”.
Après sa tribune dans Le Monde, Nathalie de Courcy a mis en place une charte de la monoparentalité (voir plus bas). Le sénateur Xavier Iacovelli, en charge de la mission gouvernementale, émet l’idée d’un family score pour les entreprises. Une idée à suivre comme pour l’index d’égalité professionnelle mis en place pour lutter contre les inégalités femmes-hommes ? “Je ne sais pas si ça pourrait être véritablement un index comme celui ci sur l'égalité femmes hommes, mais en tout cas qu'on puisse mesurer les efforts qui sont faits pour les parents et à différents degrés, en fonction des situations”.
En fait-on trop pour les parents (et bientôt les monoparents ?)
Face à ces revendications et autres pistes, il se peut que naisse en vous comme un petit sentiment de : “est-ce qu’on fait pas déjà assez pour les parents ?”. “Si on conçoit ses actions et sa politique en fonction de la population la plus vulnérable de l'entreprise, on a un impact positif sur l'ensemble des salariés. Et ça, j'y crois vraiment”, reprend de volée Nathalie de Courcy.
“Les actions qui sont mises en place pour les parents solos sont profitables à l'ensemble des salariés : avoir une flexibilité d'horaires, avoir des réunions moins matinales, avoir des réunions moins tardives, ça arrange tout le monde ! On n'est peut être pas parent solo, mais on a peut être des entraînements sportifs trois fois par semaine qui nécessitent de partir plus tôt” plaide-t-elle dans un large sourire avant d’élargir aux autres problématiques sociétales que croisent les entreprises : “c'est vrai pour les parents solos, mais c’est aussi vrai pour les personnes en situation de handicap, pour les aidants, etc”.
Reste tout de même la question des moyens. Tous ces aménagements ont un coût… “Il n'y a pas grand chose qui coûte beaucoup d'argent et puis c’est surtout extrêmement porteur pour la performance de l'organisation”, coupe-t-elle. Pour elle, c’est “rentable en termes de performance, en termes d'attractivité, en termes de fidélisation et en termes de développement des potentiels. Un salarié qui a un meilleur équilibre pro/perso, qui est mieux dans ses baskets, il est plus engagé, il est plus motivé”.
"Ici la voix..."
Finalement, la politique parentalité d’une entreprise, c’est aussi inclure tous les schémas familiaux et de vie au global. Pour cela, il faut un ingrédient indispensable, celui qui surpasse tous les budgets : la confiance. “Il faut installer un climat de confiance en entreprise pour libérer la parole, et l’écoute. À ce titre, la sensibilisation des managers est essentielle. Les salariés en difficulté, que ce soit la monoparentalité, la maladie, le handicap, ne vont pas oser s'exprimer sinon. Et donc si on ne s'exprime pas, l'entreprise ne peut pas vous aider”. Même si vous n’avez qu’une voix, faites-la entendre, les gens sont prêts à tendre l’oreille…
- Communiquer sur la monoparentalité
- Garantir une équité d’accès aux opportunités professionnelles
- Mettre en place des mesures d’aide concrètes, innovantes et inclusives
- Suivre la mise en œuvre des dispositifs choisis via des indicateurs pertinents