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Au secours, je me sens menacé‧e par mon n-1

C’est un grand classique dans la vie du (jeune ou pas) manager. Il peut parfois arriver que l’on se sente menacé par son n-1, parce qu’il est un chouïa trop brillant, ou simplement qu’il prend un peu trop de place à notre goût. Mais cette menace est-elle bien réelle ? Et si tel est le cas, comment réagir ?


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À 30 ans, Gaëlle vient de prendre un poste de Directrice commerciale. Parmi ses managés, se trouve l’une de ses anciennes collègues. Une personne dynamique avec laquelle elle s’entendait plutôt bien... “Mais depuis que je suis devenue sa manager, nos relations ont changé. Elle n’est pas foncièrement hostile, mais j’ai l’impression qu’elle remet en cause mon autorité. Auparavant, notre ancienne cheffe était plus âgée que nous, et j’ai l’impression que cela cadrait davantage les rapports”, nous confie-t-elle.

Par manque de confiance, Gaëlle se sent parfois obligée de recadrer sa n-1, notamment en devenant tatillonne sur certains points administratifs, comme les demandes de congés. “En fait, je ne sais pas quoi lui apporter techniquement, alors je reconnais que je peux déporter mon autorité sur des détails”, concède-t-elle. Aïe, aïe, aïe… la jeune femme serait-elle en train de glisser dangereusement vers le micromanagement ?

Le difficile deuil de la posture d’expert

Le cas de Gaëlle est assez typique des jeunes managers qui se retrouvent à diriger leurs anciens collègues. “Ce type de remaniement pose de nombreuses questions sur la place que l’on occupe au sein de l’entreprise”, analyse Delphine Tordjman, coach spécialiste en leadership et autrice de “L’art du feedback” aux éditions Gereso.

Il s’agit dès lors pour le manager de passer de la posture d’expert à celle de fédérateur de talents. Or, c’est loin d’être simple : “il faut être en mesure de prendre suffisamment de recul pour aborder les défis de l’équipe, et ça, c’est intangible, donc particulièrement insécurisant”, pointe la coach. De manière globale, il s’agit donc d’avoir un regard sur la dynamique de l’équipe et pas seulement sa compétence individuelle.

🔥 Le principe de Peter, ou l’atteinte de notre degré d’incompétence Si l’on se sent parfois menacé par un n-1, c’est aussi parce que nous atteignons tous à un moment ou un autre notre degré d’incompétence. À ce moment-là, on peut avoir peur de montrer cette incompétence et donc de recruter des gens meilleurs que soi afin de ne pas montrer qu’on est limité, explique Delphine Tordjman. À l’inverse, une personne sécure n’aura pas de difficultés à s’entourer d’experts plus forts qu’elle.

Savoir distinguer la menace réelle de la menace fictive

Quand on se sent menacé par son n-1, il s’agit donc dans un premier temps de comprendre s’il s’agit d’une faille personnelle, ou si la menace est bel et bien réelle. Car cela peut arriver bien entendu ! Loin de nous l’idée de dire que tous les n-1 sont des bisounours qui ne caressent pas l’envie de piquer la place de leur supérieur.

Il peut arriver que certains n-1 fassent preuve de comportements hostiles comme une prise d’initiative excessive, un reporting direct au n+2, une attitude critique envers les décisions du n+1, un excès de prise de parole en réunion…. “Dans ces cas-là, je recommande d’avoir une discussion franche et de jouer cartes sur table”, conseille Fanny Marais, coach et autrice de l’ouvrage “Je ressens, donc je dis” aux éditions Leduc (2024).

Par exemple, le manager peut relever qu’une personne s’oppose constamment en réunion, et que cela pose des problèmes, y compris pour le reste de l’équipe. “Dire ce que l’on ressent sera toujours mieux que de passer les choses sous silence et glisser vers un comportement passif agressif ou hyper contrôlant”, poursuit la coach.

👥 Et les autres, ils en pensent quoi ? Quand on se sent dans le flou vis-à-vis de la posture d’un n-1, il ne faut pas hésiter à solliciter l’avis d’autres personnes. “Penses-tu qu’elle va au-delà de ses attributions ?”, “As-tu des difficultés avec cette personne toi aussi ?”. “On peut aussi solliciter l’avis de son propre n+1, mais attention, car cela peut être à double tranchant si le n+2 apprécie son/sa n-2”, alerte Fanny Marais.

Recadrer tout en continuant à engager

Une fois les enjeux posés, et lorsque la menace s’avère bel et bien réelle (ce n-1 est vraiment envahissant), un recadrage s’impose. Delphine Tordjman recommande alors de :

  • bien définir les rôles de chacun avec des outils comme la méthode RACI (qui est Responsable, qui est Acteur, qui est Consulté, qui est Informé ?)
  • donner du feedback sur les attendus
  • éclairer le n-1 sur ce qu’il fait de bien et sa marge de progression
  • lui faire prendre conscience de sa courbe d’apprentissage

Le but n’est pas de “remettre l’autre à sa place”, mais plutôt de continuer à l’engager. “Ces conflits apparaissent souvent dans les périodes de transformation où les jeux politiques et les alliances se font en off. Je crois qu’il faut donc remettre de la clarté et de la transparence sur les parcours de chacun. À ce titre, les HRBP (Human Ressource Business Partner, ndlr) peuvent jouer un rôle de premier plan auprès des managers”, recommande l’experte.

En d’autres termes, il s’agit de redonner au n-1 des perspectives claires sur son évolution future, le tout en s’appuyant sur les RH.

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Au-delà de nos différends !

Finalement, c’est généralement en remettant de la transparence qu’on évite ces jeux de chaise musicale, ou qu’on se rend compte que le n-1 n’avait pas de velléités à nous déloger. C’est typiquement le cas des profils HPI que Fanny Marais accompagne régulièrement.

Ces profils peuvent sembler menaçants, simplement, car ils sont mués par une envie irrépressible de bien faire. “Ce sont des personnes qui peuvent avoir une communication brute de décoffrage, mais souvent, elles cherchent juste un maximum d’efficacité et absolument pas à prendre le poste du manager”, remarque la spécialiste.

Dans ce cas de figure, il s’agira plutôt pour le manager de travailler sur son estime de soi et la pose de ses limites. Quand on comprend que le n-1 peut devenir un vrai bras droit et non pas une menace, on peut alors réellement avancer, voire s'enorgueillir de compter parmi ses équipes de réelles pépites.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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