Choisir ses batailles avec sagesse et discernement : deux outils pour faire les bons choix
Faire un bon choix, c’est être capable de choisir ses batailles. Voici deux outils qui pourraient vous faire gagner en sérénité. Une tribune signée Olivier Dufour.
Sur les six derniers mois, trois personnes de mon entourage ont connu un burn-out. Force est de constater que ce fléau continue à progresser. En 2023, plus d’un salarié sur trois est en situation de burn-out dont 13% en burn-out sévère. Dans les fonctions des ressources humaines, 64% des professionnels sont en détresse psychologique. Quant aux managers, 4 sur 10 sont victimes de burn-out aggravé.
Si les organisations travaillent sur les causes structurelles exacerbées par les crises récentes comme celle du Covid, chaque salarié détient également une partie de la solution. Il s’agit pour lui de choisir ses batailles. C’est plus facile à dire qu’à faire, notamment quand on fait face à la pression des résultats, à une compétition interne à l’avancement ou que l’on compte sur la partie variable de sa rémunération. Même si on maitrise parfaitement son rôle, des évènements externes impactent quotidiennement notre capacité à réaliser nos tâches avec efficacité et sans douleur.
Dans ce contexte, résister à la pression et faire le choix de ses batailles devient primordial. Voici deux outils qui m’ont aidé sur les 15 dernières années : la prière de la sérénité et le baromètre de la conscience professionnelle. Combinés dans un outil graphique, ils m’ont permis de faire les bons choix au bon moment.
La prière de la sérénité
« Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d'en connaître la différence. ». S’adresser à une puissance divine dans le cadre du travail n’est pas chose banale. Cette prière, qu’on attribue alternativement au théologien américain Reinhold Niebuhr ou à l'empereur Marc Aurèle, est un vrai trésor. C’est avec elle que démarrent les cercles de parole des Alcooliques Anonymes.
Utilisée dans un cadre professionnel, elle attire l’attention sur la nécessité de faire la distinction entre les choses à prendre en charge et celles qu’il vaut mieux laisser de côté. C’est d’ailleurs un conseil essentiel que donne l’auteur américain Tim Ferriss dans son livre “La semaine de 4 heures”. Il explique l’importance de cette pratique pour rester concentré sur les tâches essentielles et éviter les distractions.
Malheureusement, Dieu répond rarement de manière directe à la prière, et si on pose la question à son chef, il est fort probable qu’il réponde que tout est important. Bref, comment choisir ses balles avec courage et laisser tomber les autres avec sérénité ? Le deuxième outil que je vous propose devrait vous aider sans doute à faire justement cela.
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Le baromètre de la conscience professionnelle
Ça peut paraître paradoxal, mais les personnes confrontées au burn-out sont en général celles qui sont le plus engagées professionnellement. C’est ce que le Dr Tim Cantopher appelle la "malédiction du fort". Il arrive principalement chez des personnes qui sont fortement investies émotionnellement et physiquement, quand leurs attentes sont élevées, qu’elles sont perfectionnistes et qu’elles ont du mal à déconnecter. Dans la plupart des cas, le burn-out arrive quand la reconnaissance qu’elles reçoivent n’est pas au niveau de leurs attentes et des efforts fournis. En deux mots, ce qui les mène au burn-out est essentiellement leur conscience professionnelle.
Ce qui est difficile quand on a une forte conscience professionnelle, c’est de lâcher-prise. Ne pas dire, ne pas faire, ne pas réagir, c’est abandonner. Lâcher-prise, quand on est un battant ou une battante, c’est être dans l’échec. Et en cas d’échec, on a du mal à se regarder dans le miroir. Or le burn-out, c’est la réaction métabolique de l’individu qui a tout donné et qui ne peut plus rien donner de plus, physiquement et psychiquement.
Pour éviter d’arriver à cet extrême, et parce qu’on ne peut pas totalement reposer sur ses collègues pour repérer les signaux d’alerte, il est plus prudent d’avoir ses propres mécanismes de défense en place. Je propose d’utiliser un outil qui permet de se positionner au quotidien entre la conscience professionnelle et le lâcher prise : je l’appelle le baromètre de la conscience professionnelle.
Comme un baromètre, l’outil part d’une zone de basse pression à une zone de haute pression. À gauche, on est totalement dans le lâcher-prise. Désengagé, on procrastine, on s’ennuie. Si la situation perdure, on risque le bore-out. À droite, on donne tout, on prend toutes les balles, on est en surrégime. Au bout d’un certain temps, on risque le burn-out.
La manière d’utiliser ce baromètre est très simple. Au quotidien, ou de façon hebdomadaire, au moment où on revoit sa liste de tâches, on se pose la question : « Quel est mon niveau d’énergie ? Par quoi suis-je impacté ? Où suis-je sur mon baromètre ? » Par ce questionnement, on positionne soi-même, en conscience, le curseur de sa propre conscience professionnelle (l’aiguille bleue).
Comment combiner prière de la sérénité et baromètre ?
Une fois que l’on a décidé où on plaçait son curseur de conscience professionnelle, il est possible de positionner avec sagesse et discernement les choses qu’on accepte de changer, et les choses qu’on décide de ne pas changer.
Ma recommandation est d’écrire ces idées sur des post-its individuels, et de les placer sur un tableau blanc, une grande feuille de papier ou un paperboard. L’important est que ça reste visible pour que ça devienne un véritable tableau de bord. Avec le temps, des idées restées dans la case "sérénité" pourront migrer vers la case "courage" ou vice-versa.
Et si j’en parlais en équipe ?
Les outils ci-dessus relèvent avant tout d’un travail à faire principalement pour soi. Ils peuvent néanmoins être utilisés en équipe. Si vous-même choisissez d’accepter avec sérénité une chose qui vous impacte, mais sur laquelle vous n’avez pas la main, peut-être quelqu’un d’autre dans l’équipe aura-t-il la capacité et le courage de la prendre en charge ?
En devenant visible aux autres, le résultat de ses réflexions personnelles devient un outil collectif. En partageant ses propres vulnérabilités, on permet aux autres de partager les leurs. In fine, on aboutit à un partage de la charge mentale et à une solidarité dans le travail. C’est à mon sens la meilleure façon d’améliorer le bien-être au travail et de réduire les facteurs pouvant mener au burn-out.