Non, les comptables ne sont pas tous ringards et chiants
Si on vous parle de “la compta”, il y a de fortes chances que vous vous imaginiez un bureau poussiéreux avec des gars qui tapotent sur une calculette… Plus cliché, tu meurs. Ça, c’était avant (et encore). Aujourd’hui, la nouvelle génération bouscule les codes, de la tête aux pieds. Après avoir lu notre article, vous ne verrez plus jamais “Christine de la compta” de la même façon.
Connaissez-vous la team comptabilité de votre entreprise ? Il y a fort à parier que non. Et c’est peut-être parce que vous ne partagez sûrement pas votre open space avec Christine (encore elle !) et Sylvain (bon, en vrai, ils ne s’appellent plus comme ça).
Souvent, ces as des chiffres-dont on a l’impression qu’ils représentent une espèce à part entière-disposent de leur propre bureau pour des raisons de confidentialité. Alors, derrière la porte close, tous les clichés sont permis.
“Dès qu’on nous voit, on nous fait des blagues sur les notes de frais”
Certes, il ne nie pas que nombre de comptables ont un profil taiseux, pour autant, il regrette le déficit de notoriété de la profession, particulièrement en entreprise. “Dès qu’on nous voit, on nous fait des blagues sur les notes de frais”, raconte Martin* directeur comptable. Comme de nombreuses fonctions support dont personne n’a envie d’entendre parler (car autrement, c’est qu’il y a un caillou dans la chaussure), les métiers de la comptabilité souffrent d’un manque de reconnaissance.
“Les gens ne voient absolument pas tout ce que l’on fait, alors qu’on a une vision à 360° de l’entreprise”, poursuit-il. Et accessoirement un bac +8 (car Martin est expert-comptable). Cela signifie qu’il a des connaissances solides dans une multitude de disciplines : droit social, fiscalité, finance, gestion, droit international, etc. Bref, il gère bien plus que votre dernière dépense au restaurant.
Mais concrètement, que fait Martin dans sa boite ? Sachez qu’il ne fait pas que mumuse avec sa calculette, loin de là. Son rôle est transversal et extrêmement stratégique. Un directeur financier doit être fortement impliqué dans les processus, sa vision doit être 360° et son expertise le mène à optimiser des sujets complexes et variés.
Entre tâches opérationnelles et sujets stratégiques, le directeur financier est le principal garant de la conformité des états financiers. Et ça ne s'arrête pas là, plan de financement, interlocuteur des banques, présentation au board, planification budgétaire. Bref, "on ne s'ennuie pas et chaque journée est différente", sourit-il.
Pas besoin d’être bon en maths pour être un bon comptable
Son rôle est d’autant plus crucial que son entreprise a levé des fonds. Martin a donc dû établir un prévisionnel de croissance, puis gérer l’atteinte du seuil de rentabilité. “C’est beaucoup de pression, on a souvent l’impression de renverser ciel et terre, mais peu de gens ont conscience de ce qu’on fait”, raconte-t-il. Alors, dès que Martin dispose d’une tribune d’expression, il en profite pour faire de la pédagogie sur les métiers de la comptabilité.
Et quand on creuse un peu, on apprend même que le Martin en question nous confesse qu’il était “nul en maths”. Ô surprise ! “La compta, c’est la logique, pas des maths. Les équations, Pythagore, etc, je comprends, mais ça ne me sert pas. La logique qu’on acquiert, elle vient avec la pratique, pas avec l’école”, explique-t-il avant d’embrayer : “La compta, c’est une compétence. À partir du moment où tu creuses, c’est comme n’importe quel métier. C’est de la haute précision”. Dit comme ça, c’est sûr que ça un peu plus de gueule en effet…
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“C’est aussi à nous de mieux communiquer sur notre métier”
Dépoussiérer l’image de la compta, c’est aussi l’objectif de Victor Prévost Debaisieux, CFO externalisé et créateur d’un cabinet d’expertise comptable. Son métier, il l’envisage avant tout comme celui d’un vrai partenaire business pour l’entreprise. “Dans mon travail, l’analyse et la prévision sont très prégnants. Je n’ai pas fait de travail de saisie depuis mon alternance en master !”, nous confie-t-il. Pour autant, lui aussi a souffert du côté ronronnant de la profession à ses débuts, avec l’enchaînement de petits dossiers sans jamais avoir de contact avec les clients.
“Heureusement, tout cela change, car je n’avais pas envie d’être perçu comme le simple compteur de haricots. Nous avons bien plus à apporter, mais c’est aussi à nous de mieux communiquer sur notre métier”, poursuit notre interviewé. Avec l’arrivée de nouveaux outils, Victor a pu consacrer davantage de temps à la relation client, et ainsi s’extraire de ce qui lui plaisait moins dans le métier.
Ami comptable, l’IA te libérera
Libérer les comptables de leurs tâches fastidieuses pour leur permettre d’apporter davantage de valeur ajoutée ? C’est justement le crédo de Patrick Maurice, fondateur Dougs, le logiciel de comptabilité nouvelle génération. Celui qui se perçoit comme un extraterrestre dans la profession par sa personnalité très extravertie, a décidé de bousculer les codes du milieu.
Avec sa plateforme, la comptabilité basique est tenue par des robots, mais c’est pour mieux repositionner les comptables (et plus particulièrement les experts-comptables) en les poussant davantage vers le conseil. Par exemple, sa solution permet aux dirigeants de savoir en temps réel et de façon prédictive leurs résultats afin de prendre les meilleures décisions.
“L’IA ne détruira pas le métier d’expert-comptable, mais les experts-comptables armés d’IA détruiront la comptabilité traditionnelle”, affirme-t-il, convaincu que la problématique en tant que telle n’est pas l’IA mais plutôt le mindset de certains professionnels. Et d’ajouter : “Les humains inventeront toujours d’autres besoins pour les humains à partir des possibilités offertes par ces nouveaux outils”.
Du costume gris aux sneakers
Depuis son cabinet lancé non loin de Reims et spécialisé dans l'accompagnement des viticulteurs, Juliette Gohiez nous explique, elle aussi, s’être pleinement lancée dans la digitalisation de son métier. “Notre profession s’est beaucoup dématérialisée, et nous sommes pleinement investis dans des démarches RSE, aussi bien écologiques que pour le bien-être de nos salariés. Ce sont des notions assez nouvelles dans le secteur”, affirme-t-elle.
Une comptable nouvelle génération qui n’hésite pas à casser les stéréotypes. “C’est vrai que quand j’ai démarré, mon chef portait un costume gris poussiéreux, hiver comme été. Désormais, mes comparses sont en jean-baskets. Tout cela va de paire avec une personnalisation des conseils, quand autrefois, c’était plus du traitement impersonnel à la chaîne”, explique la jeune femme.
Comptable de formation, elle s’est associée à son mari expert-comptable. Au passage, il faut savoir que 66% des salariés de la profession comptable sont des femmes ; mais que 26,47% des experts-comptables inscrits au tableau de l'Ordre sont des femmes.
La profession se féminise de plus en plus, et c’est également une bonne nouvelle selon Victor Prévost Debaisieux. “Au début de ma carrière, j’ai connu une époque teintée de masculinité toxique où l’on estimait que les femmes ne pouvaient pas évoluer dans les cabinets parce qu’elles devaient sacrifier leur vie de famille”, raconte-t-il. Mais désormais, Christine et ses number sisters vont pouvoir prendre leur revanche, en baskets ou sur des talons !
*Le prénom a été modifié