La bonne paye : mais qui sont ces magiciens qui s’activent dans l’ombre ?
“Gestionnaire de paie”. Sur le papier, ce n’est pas forcément un job qui attise le désir. Et pourtant, aucune entreprise ne pourrait fonctionner sans ces acteurs méconnus. Alors rendons à César ce qui appartient à César, et mettons en lumière un job à la fois complexe et non dénué d’humanité.
Chaque mois, la magie opère : vous recevez votre salaire en temps et en heure (un miracle pour les freelances coutumiers du décalage de paiement). Mais pour autant, allez-vous remercier la bonne fée de la paie ? Si tel est le cas, vous êtes une espèce unique en votre genre, et on ne peut que vous féliciter.
Car pour le commun des mortels, la rencontre avec le “gestionnaire de paie” ne se fait que lorsqu’une erreur (pas en leur faveur) se glisse dans le bulletin de salaire. Pas forcément la meilleure des interactions. Un manque de reconnaissance pointé par Firmin Zocchetto, CEO de Payfit, l’un des leaders des solutions de paie qui estime qu’il s’agit d’un “métier qui n’est pas reconnu à sa juste valeur”.
Un jeu d’équilibriste
Car vous n’avez pas idée de la foultitude de manipulations qu’un gestionnaire de paie doit effectuer au quotidien pour que tout marche sur des roulettes. Prenons l’exemple d’un collaborateur qui s’absente le 30 du mois, alors qu’il a déjà été payé pour cette journée : il faudra réaliser une régulation a posteriori, de même qu’un collaborateurs qui n’a pas rentré ses notes de frais en temps et en heures (ça vous rappelle quelqu’un ?) causera des cheveux blancs au gestionnaire de paie. “Il existe des flux d’informations en temps réel entre l’employeur, l’employé, les organismes sociaux comme l'URSSAF ou Pôle Emploi, les mutuelles, les caisses de prévoyance et les banques”, rappelle le CEO de Payfit. Tous ces process sont coûteux en temps et en argent.
Alors, pour Agnès Munuera, sous-Directrice chargée de l’administration générale du personnel au sein de l’Assurance Retraite Caisse Nationale, il est temps de déconstruire les clichés sur ce métier de l’ombre. “Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, c’est un job de passionné”, nous souffle-t-elle, ajoutant que la vision que nous avons du gestionnaire de paie est souvent bien réductrice. “Il faut sans cesse s’adapter au quotidien”, poursuit-elle.
À commencer par connaître sur le bout des doigts les évolutions en matière de réglementation sociale, de convention collective, d’évolution des métiers, de la jurisprudence… Et puis certains collaborateurs sont en stage, alternance, CDD ou CDI : autant de critères à prendre en considération et qui nécessitent donc une grande rigueur.
- Seul 1/3 des travailleurs français parviennent à déchiffrer totalement leur bulletin de paie
- 48% des travailleurs français de TPE/PME reçoivent encore leur bulletin sous forme papier
- 81% des travailleurs français regardent en premier leur salaire net
- 80% des travailleurs français sont heureux de recevoir leur salaire en totalité à la fin du mois
- 25% des Français aimeraient faire des dons sur salaire à des associations
“Il y a tout un pan du métier qui est méconnu”
De plus, la professionnelle des RH nous explique que le gestionnaire de paie est également un maillon essentiel de la chaîne en matière de marque employeur. C’est en tout cas de cette façon que l’Assurance Retraite Caisse Nationale a repensé son organisation suite au Covid. “Nous avons voulu que le gestionnaire de paie soit un point de contact privilégié de l’entrée du collaborateur - en accompagnant la signature du contrat d'une présentation de l'établissement et de ses organisations du travail - jusqu’à sa sortie. Pour nous, il s’agit d’une vitrine de la politique RH de l’entreprise. C’est la personne qui accompagne le collaborateur tout au long de sa carrière et qui sera là dans les bons moments (congé maternité par exemple), comme dans les mauvais (arrêt maladie longue durée, saisies administratives sur salaire, décès etc”, rappelle Agnès Munuera.
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En créant cette relation de longue durée avec le collaborateur, le gestionnaire de paie ne se contente donc pas de mettre en œuvre ses connaissances en matière de gestion administrative, juridique, comptable et informatique : il doit aussi compter sur ses qualités humaines, en faisant face à des situations parfois compliquées.
Dans le respect de la confidentialité qui lui incombe, le gestionnaire de paie peut identifier les travailleurs en difficulté et les renvoyer vers les professionnels compétents, qu’il s’agisse de la médecine du travail ou encore d’une assistante sociale ou autre. Pour nos deux interlocuteurs, il y a donc tout un pan du métier qui est parfaitement méconnu.
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Un métier qui n’est pas voué à disparaître
Et avec les évolutions technologiques, la mission du gestionnaire de paie pourrait encore évoluer. Pour le CEO de Payfit, “le métier, qui est actuellement pénurique, est loin d’être voué à disparaître, notamment, car l’administration ne va pas en se simplifiant”. Certes, il a tendance à être moins présent dans les entreprises de moins de 100 collaborateurs au sein desquelles les outils comme Payfit permettent aux chefs d’entreprise, DRH, DAF ou office manager de s’occuper du volet paie.
Mais dans les plus grandes entreprises, les gestionnaires de paie pourraient évoluer en “version augmentée”. Grâce à la possibilité de se délester des tâches à faible valeur ajoutée via l’automatisation (voilà qui ne va pas plaire aux champions du monde d’Excel), Firmin Zocchetto envisage différents scénarios. Les gestionnaires de paie pourraient devenir les bras droits des DRH dans les plus grandes entreprises, ou même des DAF, à la limite du contrôle de gestion pour travailler sur l’analyse de la masse salariale et son évolution.
Pour Agnès Munuera, il est évident que le gestionnaire de paie a encore de belles années devant lui. Plus qu’une réorientation de sa mission, elle table plutôt sur un accroissement de la dimension humaine avec l’impact de l’IA et de l'automatisation. “Il va être selon moi de plus en plus au cœur de l’expérience collaborateur, en se concentrant sur la gestion de l’humain tout au long du parcours du collaborateur en entreprise”, affirme-t-elle. Alors, il y a fort à parier pour que dans les prochaines années, vous finissiez par connaître le visage de votre gestionnaire de paie, et, espérons-le, que vous lui accorderez la reconnaissance qu’il mérite !