“Je suis devenue CEO à mon retour de congé mat”
“Je suis devenue CEO et maman en même temps”. Avouez que peu de gens peuvent balancer ce genre de phrase dans une conversation. Celle qui peut le faire, c’est Laury Maurice. Daronne en automne 2023, CEO en janvier 2024, elle explique comment ces deux mondes se sont confrontés pour mieux se conjuguer.
“J'ai été agréablement surprise de qu'on me le propose. J'ai pas hésité une seconde à dire oui… parce que c'était trop beau” se souvient Laury Maurice dans un large sourire. La trentaine, maman et CEO (PDG pour ceux qui dormaient en cours d’anglais). Le CV pro/perso a beaucoup de gueule, surtout quand la promotion a lieu… alors qu’elle est enceinte.
“Je suis à l’aise pour dire que c’est un beau symbole, mais cela n’a pas été l’élément déclencheur de cette décision”, désamorce tout de suite Jonathan Salmona, le co-fondateur de Shodo. “C’est avant tout parce que Laury a largement démontré sa crédibilité. Ses idées ont largement influencé la boite. Cette promotion est donc une suite logique”.
“Ils ne s'attendent pas à ce que je sois forcément à fond de 9h à 17h tous les jours”
Evidemment, la surprise a été grande, mais l’enthousiasme et la motivation l’ont été encore plus. “Je n’ai vraiment pas eu peur de de prendre cette fonction parce que ça sentait pas le bourbier. J’ai eu un an pour m’adapter à cette nouvelle, ce qui était très confortable car ma montée en compétences a été progressive”, raconte-t-elle à rebours. “On ne peut pas être excellent dans son rôle du jour au lendemain. Il y a des sujets qui ne me concernaient pas hier et sur lesquels je vais devoir monter en compétences désormais”.
Ce double changement de statut a-t-il bouleversé son équilibre pro/perso ? “Je bosse plus, mais je bosse dans des conditions qui sont très satisfaisantes. J'ai aussi la chance de travailler avec des gens qui sont eux-mêmes parents, et qui savent ce que ça représente. Ils ne s'attendent pas à ce que je sois forcément à fond de 9h à 17h tous les jours”, détaille-t-elle.
La zone tampon du retour au boulot
Mais avant d’arriver à ce rythme de croisière, Laury a bénéficié d’un traitement particulier. Un traitement réservé à toute personne qui croise la parentalité chez Shodo : “Ce qu'on a mis en place, c'est une reprise en douceur. Quand tu reviens de congé maternité, le premier mois va être allégé, c'est à dire que tu vas travailler six heures par jour, à raison de quatre jours par semaine. J'ai pu profiter de ça”.
Nier l’impact de la parentalité sur le travail serait une grave erreur. Sans la dramatiser, il était évident pour eux de gérer ce moment de vie et de carrière de la façon la plus flexible possible : “un congé de maternité c'est seize semaines. Il y a vraiment de quoi oublier un peu où tu habites”, s’amuse Laury Maurice. Quand tu reprends le taf, tu n’es pas forcément opérationnelle directement. C'est pour ça qu'on a vraiment voulu mettre en place une zone tampon pour reprendre correctement”.
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Le soupçon de la maternité pèse sur les femmes
Plus encore, quand la parentalité se conjugue au féminin. “Que tu sois maman ou pas maman, il y a ce qu'on appelle un soupçon de maternité qui pèse sur toi que t'aies envie ou pas de devenir daronne”, tance la CEO. Selon une étude de l’Apec, relayée par Les Échos, “74 % des mères cadres, et plus de deux tiers (69 %) de l'ensemble des cadres estiment qu'un congé maternité « ralentit la progression de carrière des femmes pendant plusieurs années »”.
Une situation intolérable pour Laury, qui souhaite faire entendre ce message sociétal… et professionnel : “quand tu es une femme, que les tâches ménagères, ça repose principalement sur toi, que la charge des enfants repose principalement sur toi…. Tu es dans un système qui fait que les décideurs ne vont peut-être pas avoir envie d'aller promouvoir les nanas parce que quand elles auront des gosses, ça leur retombera dessus. Quand tu deviens maman, il n'y a pas de raison que ça te freine. Il n'y a pas de raison que tu aies à faire un choix”.
Un mois de salaire offert… pour le co-parent
Pour accompagner les mots à l’action, Shodo a pensé à un système de prime compensatrice de congé parental. “Quand la salariée reprend le travail, si le co-parent décide de prendre un congé parental, alors l’entreprise lui paie un mois de salaire”, détaille la boss.
“Pourquoi ? On peut estimer que comme les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes, quand elles s’arrêtent, le préjudice financier sur le foyer est moindre que si c’est le mec qui s’arrête. Donc, il y a un écart qui se creuse forcément”, ajoute-t-elle à raison. Aujourd’hui, l’écart salarial entre femmes et hommes (pour le même temps de travail) est de 14,9%.
“On a besoin vraiment d'aller sensibiliser les décideurs et les décideuses afin d'améliorer les conditions de travail des salariés. Moi j'ai beaucoup de chance de travailler dans un cadre qui est hyper bienveillant. Mais c'est notre rôle, à nous, d'aller convaincre et de montrer que ça marche de faire autrement”, conclut Laury Maurice.