La musique nous aide-t-elle vraiment à mieux travailler ?

C’est le début de la semaine, vous entrez dans votre bureau, café à la main, vous venez d’allumer votre ordinateur, consultez votre To Do list du jour et là, stupeur... Elle s’avère immense (sans doute en raison du pot de départ de l’un de vos collègues, et ce juste avant le week-end). En route pour un deuxième café ? Cette fois plus serré ? NON ! Vous savez très bien que vous allez tomber sur l’un de vos collègues, puis perdre un temps fou à débattre de la dernière saison de Black Mirror devant la machine.

Pas de caféine, mais pas de panique... Au lieu de ça, vous décidez de visser votre casque sur la tête pour vous booster en musique : Kanye West, Daft Punk ou Nina Simone seront vos partenaires du jour pour l’ascension de votre To Do.

Tous les amoureux de la musique (et du travail) ont une bonne raison de concilier les deux activités. La concentration, la productivité et la bonne humeur sont de rigueur quand on travaille avec. Mais quelles sont les frontières avec la distraction et le repli dans sa bulle musicale ?

“Quand on écoute une chanson, notre cerveau libère différents produits chimiques : de l'adrénaline pour booster l'attention, de la dopamine pour améliorer la concentration, et même de la prolactine quand on écoute une musique triste, qui nous aide à nous calmer”, avance le journaliste scientifique Nikki Forrester, après avoir interrogé de nombreux spécialistes dans le domaine. “Évidemment, tout cela va influencer notre efficacité au travail”, affirme-t-il, dont ses témoignages sont disponibles dans la revue Nature, parue en avril 2023.

Les recherches ont également montré que l’écoute de la musique peut réguler l’humeur au bureau et améliorer les performances de manière générale. En effet, lorsque nous sommes dans un état d’esprit positif induit par la musique, nous sommes plus susceptibles d’être ouverts, réceptifs et créatifs. Cela peut faciliter notre capacité à envisager différentes options, à penser de manière plus flexible et à prendre des décisions de manière plus réfléchie, plutôt que de succomber à des choix impulsifs dictés par le stress.

Mieux encore, la musique peut avoir un effet dopant lors d’une performance. C’est dans ce cadre que la Fédération Française d’Athlétisme a interdit l’écoute de la musique durant la pratique en 2015. Ajoutons que dans le cadre de missions répétitives au travail (et donc plus ou moins ennuyantes, voire agaçantes), la musique peut jouer un rôle libérateur au boulot.

En revanche, s’il devient question de s’atteler à des tâches complexes, l’absence de musique est à prioriser. Cette dernière peut aussi être une source de distraction dans certaines circonstances.

Par exemple, l’écriture de cette partie de l’article, dédiée à nuancer l’utilisation de la musique en travaillant, s’est complexifiée avec l’écoute de chansons trop « verbeuses » (avec des paroles rappées plutôt que chantées). Dès lors que vous sollicitez les fonctions cognitives de votre cerveau, que ça soit pour de l’écriture, de la communication ou de la lecture, ou tout autre tâche qui exige de la mémoire et de la compréhension, l’écoute d’une chanson risque de vous distraire.

Toujours selon l’étude citée plus tôt, au travail, il est recommandé d’écouter des sons simples, aux tonalités majeures, qui suscitent des émotions positives et favorisent la libération de dopamine. Les musiques plus complexes, aux tonalités mineures, peuvent déclencher la libération d'hormones de stress et malheureusement avoir un impact négatif sur l'humeur. Kate Keeler, psychologue à l’université de l'Ohio, a été interrogée par Nikki Forrester afin d’apporter un point d’honneur à ce sujet*.*

“En théorie, la musique simple, aux tons majeurs, devrait vous affecter positivement, mais elle peut aussi vous nuire, car ce n'est pas forcément ce dont vous avez besoin à l'instant. En conséquence, vous êtes plus fatigué à la fin de la journée parce que vous consacrez beaucoup d'énergie pour essayer de bloquer cette musique et de gérer vos émotions”, explique-t-elle. Il est donc nécessaire de trouver des chansons adaptées à son travail, mais également à notre humeur.

La musique est clivante au bureau. L’interdire ou la tolérer ? À fond la caisse dans l’open space ou les écouteurs dans les oreilles ? D’un environnement à un autre, les règles ne seront pas les mêmes. “Je n’en écoute pas beaucoup au travail. Pour la simple et bonne raison que j’analyse et décortique les paroles de mes artistes favoris. Puis, ça ne corrèle pas avec mes missions”, nous raconte Victor, chef de projet service client. “Lorsque je travaille en musique, je vais écouter des sons lofi hip-hop ou les sorties du vendredi. Ça me focus énormément, je suis dans une bulle de concentration surprenante », ajoute Maxime, attaché de presse.

“C’est marrant mais la musique me rend involontairement plus productive dans mon travail. J’en ai besoin, elle devient nécessaire à ma productivité”, nous confie Hannah, stagiaire dans le marketing digital. Elle n’est pas la seule à le penser. Une étude menée par Linkedin et Spotify observait que 80% des travailleurs trouvaient que la musique les rendait plus productifs. “J'évite tout de même les chansons françaises, ça me perturbe lorsque je dois rédiger. Je vais plus me diriger vers des sons alternatifs ou indés”, clarifie-t-elle.

“Je n’ai pas l’autorisation d’écouter de la musique sur mon lieu de travail, je dois être attentif”, confie Adam, responsable administratif dans un centre pénitencier. “Mais quand les responsables ne sont pas là, un de mes collègues qui est notre DJ attitré met des grands classiques français et internationaux”, révèle-t-il. “La musique nous met de bonne humeur et y’a une belle ambiance dans les bureaux. À mon sens, c’est bien pour la cohésion de groupe”, conclut Adam.

En fin de compte, chaque individu est unique, avec des préférences musicales qui lui sont propres. Parfois notre corps et notre esprit ont besoin de silence. Parfois, la musique résout nos maux et nous motive, rendant grisantes mêmes les tâches les plus pénibles. Il est alors essentiel de trouver le juste milieu et se concentrer sur notre propre bien-être au travail, afin de créer un environnement qui nous procure de la joie et de la satisfaction.