Tout le monde procrastine… même votre boss
Parce que les dirigeants sont souvent perçus comme des êtres supérieurs, avides de boulot… on les imagine mal remettre à demain des tâches qu’ils doivent exécuter. Pourtant, ils sont bien plus nombreux à procrastiner qu’on le pense. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
La prochaine fois que vous repousserez à demain la réalisation de cette tâche qui vous ennuie à mourir, dîtes-vous que derrière la porte de son bureau, votre boss est peut-être, lui aussi, en train de buller. Car oui, tout le monde procrastine, même les dirigeants ! Et s’ils sont 96% à tenter de lutter contre ce fâcheux penchant, ils n’échappent pas à cet écueil : 89% des 1000 dirigeants interviewés dans l’étude Hostinger admettent repousser les échéances.
Patron, patronne : les Dark Knight du boulot
Pourtant, on imagine mal un dirigeant retarder l’exécution d’un travail qu’il a à accomplir. C’est bien connu, un patron, ça travaille plus que le commun des mortels ! Faut-il y voir un soupçon de paternalisme dans notre vision de l’organigramme d’une entreprise ? Oui, selon Benjamin Brion, Cofondateur de Moodwork, une solution digitale dédiée à la santé mentale des collaborateurs. “On a tendance à penser que les gens qui se situent au-dessus dans la hiérarchie sont forcément plus efficaces, plus forts que nous, qu’ils ne possèdent pas nos défauts”, affirme-t-il.
De plus, la vie d’un dirigeant est nappée de mystères : en tant que collaborateur, il est impossible d’avoir une vue sur l’agenda de son boss (enfin, tout dépend de la boite bien sûr). Beaucoup de décisions se prennent dans la plus stricte confidentialité. “Comme ils ont la maîtrise de leur communication, on ne sait pas exactement combien de jours ont été alloués à une prise de décision stratégique dont personne n’avait connaissance jusque-là”, illustre Marie d’Hautefeuille, psychologue du travail.
Procrastiner, c’est tout sauf de la flemme…
En tant que dirigeant, Benjamin Brion ne cache pas sa propre inclinaison à la procrastination. “Parfois, j’ai tant de choses à faire que je préfère les remettre à demain”, confie-t-il. Un phénomène qu’il décrit comme une forme de protection face au stress engendré par une surcharge.
Un témoignage qui rejoint l’analyse de la psychologue du travail qui nous explique que la procrastination est souvent liée à une angoisse. “La procrastination, c’est tout sauf de la flemme. Elle génère beaucoup de stress parce que la tâche à exécuter que l’on repousse plombe la charge mentale et nous empêche d’avancer sereinement sur le reste. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle quand on s’en débarrasse, on ressent souvent un fort sentiment de libération”, observe Marie d’Hautefeuille.
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La psychologue du travail ajoute que la procrastination est un phénomène inconscient. Il s’agit d’une manière d’éviter de se confronter à une réalité qui nous est désagréable. Que l’on soit ou non dirigeant, on va toujours se trouver de bonnes raisons pour repousser l’échéance : “ce n’est pas pressé”, “j’ai d’autres priorités”... autant de formulations sur la “défensive”.
C’est d’ailleurs cela qu’il faut être capable d’identifier. Nos raisons pour retarder telle ou telle tâche sont-elles véritablement justifiées ? Dans le cas du report d’une prise de décisions nécessitant l’apport d’autres éléments, il ne s’agit par exemple pas de procrastination. Il est important de pouvoir conscientiser tout cela pour prendre la bonne décision, et repousser pour de bon une tâche si c’est la meilleure chose à faire, parce qu’elle n’est vraiment pas prioritaire.
- Le manque de motivation (44%)
- La surcharge de travail (40%)
- Le perfectionnisme (36%)
- La peur de l’échec (28%)
- Le manque de clarté sur la tâche à accomplir (22%)
- Le manque d’intérêt de la tâche à accomplir (21%)
Procrastiner, est-ce toujours mauvais ?
Pour Marie D’Hautefeuille, la réponse est oui ! “Du moins, parce que lorsqu’on procrastine, on ne se rend pas compte qu’on le fait. C’est une forme de déni, et cela peut avoir des incidences sur les collaborateurs puisque l’on a un poste à responsabilités. D’ailleurs, quand ceux-ci expriment plusieurs fois le besoin d’avoir une décision prise sur tel ou tel sujet, ce doit être un signal d’alarme pour le dirigeant”, lance-t-elle. Si le report est conscientisé et assumé, alors, le cas est différent.
Quant à Benjamin Brion, il estime lui aussi que la procrastination nuit à la santé mentale. “Quand on commence à avoir trop de tâches qui s’accumulent, on a du mal à être 100% présent dans sa vie personnelle. Et puis cela peut amener du flou aux équipes”, souligne-t-il.
Le cofondateur de Moodwork ne pense pas non plus qu’un dirigeant doive s’épandre auprès de ses équipes sur sa tendance à procrastiner. “Bien sûr, cela dépend de la culture de la boîte. Mais en parler comporte le risque de démobiliser les équipes avec un effet en cascade qui pourrait impacter la productivité de la société”, affirme-t-il. Bref, c’est comme si le capitaine lâchait la barre. En revanche, cela ne veut pas non plus dire que le dirigeant doive rester les bras croisés. Il doit s’efforcer à revenir aux racines de cette procrastination, car si le cerveau dit stop, c’est qu’il y a une raison.
Pourquoi les boss procrastinent ?
Mais dans le fond, pourquoi les dirigeants procrastinent-ils ? Dans l’étude présentée par Hostinger, ce sont les tâches administratives qui arrivent largement en tête (58%), devant la prise de décisions stratégiques (24%), la gestion des RH (21%) ou encore la gestion financière (21%).
Pour Benjamin Brion, cette abhorration des tâches administratives s’explique notamment par le manque de prise du dirigeant sur ces sujets. “Pour développer sa motivation intrinsèque, le dirigeant a besoin d’autonomie, d’un sentiment d’affiliation et d'expression de ses compétences”, souligne-t-il. Or, les tâches administratives sont l’archétype de celles sur lesquelles il a l’impression de ne pas avoir d’impact.
Alors, autant que faire se peut, le dirigeant ne doit pas hésiter à déléguer les sujets qui peuvent l’être. Il peut aussi scinder son travail en micro-tâches qui seront autant de “quick wins” quand elles seront réalisées. “Même si je ne recommande pas au dirigeant de partager son inclinaison à la procrastination à son équipe, il est important qu’il ne joue pas non plus au super-héros (pour ça vous avez un super test ici à faire). Un dirigeant qui ne parvient pas à faire tout ce qu’il doit faire va voir son estime de soi ébranlée. Pourtant, celle-ci est centrale. Chez Moodwork, de plus en plus de patrons nous sollicitent parce qu’ils ont peur de décevoir leurs équipes”, relate Benjamin Brion. Alors, face à la procrastination… action-réaction !