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Incompétents et arrogants : quand l’effet Dunning-Kruger frappe au travail

Au travail, certaines personnes ne connaissant rien au domaine dont vous êtes expert‧e sont parfois persuadées de mieux y faire que vous. Ce comportement insupportable porte un nom : l’effet Dunning-Kruger.


4 min
31 octobre 2024par Léa François

Vous connaissez sûrement la formule de ce bon vieux Socrate “je sais que je ne sais rien”. Vous savez, l’expression de la sagesse ultime ? Bon et ben, imaginez tout le contraire, et vous avez le principe de l’effet Dunning-Kruger !

C’est un postulat en psychologie qui dit que ce sont les personnes les moins qualifiées qui surestiment le plus leurs compétences. On parle aussi “d’effet de surconfiance” parce que c’est un biais cognitif (c’est-à-dire une distorsion de la réalité) qui consiste en un excès de confiance en soi. Mais – dommage pour elles (et pour nous) – les personnes concernées n’en ont pas conscience…

Aussi sûr de soi que stupide ?

Le concept de l’effet Dunning-Kruger a été inventé à la fin des années 90. Pour la petite histoire, ça a été inspiré par un gars un peu zinzin qui était persuadé qu’il pourrait braquer une banque en se tartinant… de jus de citron ! Il pensait que ça fonctionnerait sur lui comme de l’encre invisible et qu’il passerait inaperçu sur les caméras de surveillance. Spoiler : il s’est fait arrêter.

Clairement, le mec n'était pas une flèche. Mais il a quand même servi à quelque chose puisque deux psychologues, David Dunning et Justin Kruger Spar, ont été fascinés par le fait qu’on puisse être à la fois aussi sûr de soi et aussi stupide.

Du coup, ils se sont penchés sur la question d’un peu plus près par l’expérimentation, enquêtant sur la relation entre arrogance et incompétence. Et ils en sont venus à conceptualiser l’effet Dunning-Kruger en confirmant une hypothèse paradoxale formulée par Darwin : “L’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance”. Ouais, c’est deep. Perso, j’ai eu l’impression d’être tombée dans un vortex en découvrant ça la première fois.

Voici la traduction en langue non barbare pour nous, pauvres quidams : “Si nous sommes incompétents dans un domaine, nous n'avons pas les compétences dont nous aurions besoin pour prendre conscience de notre incompétence. Nous ne pouvons pas savoir que nous ne savons pas. Au contraire, plus nous savons, plus nous doutons”, explique Esther Boissin, chercheuse en psychologie cognitive.

La courbe du progrès

Mais les deux psychologues sont allés encore plus loin : ils ont conçu une courbe pour évaluer l’effet Dunning-Kruger et sa progression (oui, parce qu’ils étaient confiants dans le fait que les gens concernés pouvaient se bonifier, avec le temps et l’expérience).

Une courbe, donc, avec des étapes clés comme “la montagne de la stupidité”, le “plateau de consolidation” ou encore “la vallée de l’humilité” (un peu l’impression d’être en route vers le Mordor en version claquée, mais c’est pas grave).

Cette courbe varie selon le niveau d’expertise réel de la personne, selon celui qu’elle pense avoir et selon son degré de confiance envers les expert‧es du domaine en question. Et le chemin vers la lumière de la connaissance est pour le moins paradoxal puisque la seule manière de réaliser qu’on est incompétent, c’est de devenir… compétent ! C’est donc au contact de l’expérience qu’on va gagner en humilité, l’étape incontournable pour ensuite accéder au savoir.

Un syndrome masculin (tiens tiens ?)

Ce qu’on peut relever, c’est aussi que c’est un syndrome qui touche plus les hommes que les femmes (celle-là, on ne l'avait vraiment pas vu venir). D’après un sondage YouGov réalisé en 2023 sur plus de 20 000 Américains, 46% des hommes se disent capables de faire atterrir un avion de ligne (perso, je ne mets pas un orteil dans leur avion).

Et, à l’inverse, le strict opposé de l’effet Dunning-Kruger, c’est le syndrome de l’imposteur, qui touche trois fois plus les femmes que les hommes (surprise surprise).

Comment bosser avec ces loustics ?

Bon, mais alors comment on détecte ces spécimens au travail et surtout, comment on les manage ? Vous risquez de les identifier assez vite : un peu condescendants, hautains, ces salariés ont tendance à remettre en cause le savoir-faire et l’expérience de leurs collaborateurs, et à se sentir toujours en position de force.

Le risque, c’est qu’ils nuisent à l’ambiance de travail, mais aussi à la productivité en prenant un leadership déplacé et improductif, voire à l’image de marque de la société.

Pour gérer un tel profil, armez-vous de patience, et surtout de subtilité ! Le contredire sans preuve ne servira à rien : appuyez-vous sur des données chiffrées, vérifiables pour lui faire prendre conscience de son incompétence en toute objectivité. Et faites-lui des feedbacks réguliers pour qu’il se confronte à la réalité le plus souvent possible. Et puis surtout : BON CHANCE.

Léa François

Journaliste

Journaliste qui écrit avec ses tripes, pour porter la parole de celleux qui ne l’ont pas toujours. A postulé ici le lendemain […]

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