Qu’est-ce que le microtravail, cette pratique qui nuit à notre productivité et notre santé mentale ?
Avec tous les outils numériques à notre disposition, le travail a tendance à s’immiscer dans les moindres interstices de notre vie, sans que l’on ne s’en rende compte. Si vous optimisez votre temps off en bossant par-ci par-là, vous êtes peut-être concerné‧e par le phénomène du microtravail. Décryptage.
Répondre à des mails dans le métro, relire une prez dans la salle d’attente du médecin, réagir à des messages Slack en faisant la queue chez le boulanger… Ces situations ne vous surprennent peut-être pas, et pourtant elles n’ont rien d’anodin et traduisent une phénomène qui gangrène à la fois notre vie pro et notre vie perso : j’ai nommé, le microtravail.
C’est quoi exactement, le microtravail ?
Le microworking – ou microtravail – est un terme qui est apparu à la fin des années 2010 pour désigner le fait de rentabiliser chaque minute de sa journée, d’optimiser chaque interstice de son agenda pour avancer sur sa to do list. Comment ? En travaillant dans des situations et des endroits qui n’ont rien à voir avec notre cadre de travail. Un article du Monde décryptant ce phénomène parle même d’un “travail fragmenté” qui donne “le sentiment d’être plus souple que son agenda”. Un sentiment de toute-puissance, d’agilité qui conduit les microtravailleurs à prendre cette pratique en estime. À leurs dépens…
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Une porosité entre vie pro et vie perso
Difficile, à première vue, d’identifier le problème : si on rentabilise des moments de creux, cette optimisation devrait plutôt nous servir que nous desservir, non ? En réalité, c’est plus compliqué que ça : si le but est louable sur le papier, le moyen pour y parvenir n’est pas sain puisque cette pratique nous conduit insidieusement à travailler non stop et contribue à installer une porosité entre notre vie pro et notre vie perso. La faute aux portables, aux ordinateurs, bref aux écrans qui, à travers de multiples outils numériques (messageries instantanées, mails, plateformes collaboratives en ligne, etc), nous maintiennent connectés à notre travail H24. Pour le psychiatre Christophe André, “ce sont eux, les grands outils diaboliques de cette confusion vie pro/vie perso” déclarait-il au micro de Welcome to the jungle. Et de poursuivre : “Imaginez s’il n’y avait pas d’ordinateur, pas de sms, pas de mails : une fois que vous partez du bureau, votre travail s’arrête automatiquement”.
Des effets néfastes sur la productivité et la santé mentale
Et si le pire dans tout ça, c’était finalement que ça ne nous rendait fondamentalement pas service ? Que ça nous causait plus de tort qu’autre chose ? Oui, c’est malheureusement la triste réalité : le fait d’être constamment enchaîné‧e à notre travail, à toute heure du jour et de la nuit, contribue à installer une pression cognitive constante qui génère des effets délétères non seulement sur notre santé mentale, mais aussi sur notre productivité. En se privant soi-même du droit à la déconnexion, on se retrouve sur-sollicités, et donc plus stressés, ce qui se traduit physiologiquement par une augmentation du taux de cortisol dans le corps. Ajoutons à cela le brouillage entre vie pro et vie perso, et on a tous les ingrédients pour fragiliser notre état psy.
Du côté de la sphère professionnelle, ce n’est guère mieux : si c’était bien l’efficacité qui étaie visée, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Selon Call Newport, spécialiste des questions de productivité, les microtravailleurs se rendraient plutôt coupable de “microagitation” : il en veut pour preuve le fait que la productivité n’a pas explosé depuis la généralisation des outils numériques nomades, rapporte Le Monde. Pour lui, le microtravail produit de l’entropie, du désordre dans les process puisqu’il contribue à générer des échanges en dehors des horaires de travail, multipliant ainsi les étapes et complexifiant la prise de décision finale.
Cerise sur le gâteau, le microtravail irait même jusqu’à nuire à notre créativité : oui, notre cerveau a besoin de moments de vide absolus pour permettre à notre esprit de divaguer et ainsi stimuler notre imagination...
- supprimer les applis de messagerie de son téléphone
- désactiver les notifications des mails pro
- savoir accueillir l’ennui : qui sait, vous allez peut-être trouver l’idée du siècle dans la file du supermarché !