Travail et maternité : peut-on allaiter son enfant pendant ses heures de boulot ?
Allaiter et travailler, est-ce incompatible ? En France, le droit à l’allaitement en entreprise existe bien – à certaines conditions – mais apparait comme un droit hautement perfectible. Zoom sur les dispositions prévues par le Code du travail.
Concilier vie personnelle et vie professionnelle peut devenir particulièrement compliqué à partir du moment où la maternité s’invite dans l’équation, encore plus lorsqu’on fait le choix d’allaiter son nouveau-né. De quels droits disposent les salariées ? Quelles obligations incombent aux employeurs ? Le droit français est-il exemplaire sur le sujet ? Décryptage.
Allaiter en entreprise, un droit garanti par le Code du travail
Quand on sait qu’en moyenne un bébé peut téter de 8 à 12 fois en 24h, rappelle Doctissimo, et que la durée totale de l’allaitement peut aller de 7 à 17 semaines selon Santé publique France, on comprend que le choix d’allaiter implique d’être en mesure d’adapter son quotidien, à partir du moment où l’on ne peut pas bénéficier d’un congé d’allaitement suite au congé maternité. Dès lors, il apparait évident que le monde de l’entreprise prenne aussi des dispositions.
Les salariées ont ainsi des droits qui sont inscrits dans le Code du travail : il est possible d’allaiter ou de tirer son lait au sein de l’entreprise où l’on travaille pendant 1 an à partir de la naissance de l’enfant. Pour cela, une pause de 1 heure par jour est autorisée, répartie en deux périodes de 30 minutes (une le matin et une l’après-midi). Cette pause est réduite à 40 minutes par jour si l’employeur met à disposition un local dédié à l’allaitement (ce qui est obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salarié‧es).
Côté employeur, le non-respect de ce droit à l’allaitement en entreprise expose à une amende de 1 500€ en tant qu’employeur personne physique et 7 500€ pour l’entreprise personne morale, et ce, pour chaque salariée concernée par l’infraction.
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Un droit certes, mais un droit non rémunéré
Toute l’ironie de ce “droit” réside probablement dans le fait que le Code du travail ne dispose pas que ces pauses soient rémunérées. Il faut ainsi compter sur la mise en place de dispositions conventionnelles, dans le cadre de conventions collectives ou d’accords de branche par exemple, pour que ces temps de non-travail soient payés.
La France a d’ailleurs déjà été épinglée à ce sujet puisque l’absence d’obligation légale de rémunérer ces pauses se heurte au droit supranational, comme le rappelle l’avocate Marie Petit chez Village Justice : il avait déjà été conclu en 2011 par le Comité européen des droits sociaux que la situation de la France n’était pas conforme à l’article 8§3 de la Charte sociale européenne.
Par ailleurs, la rémunération des pauses est aussi prévue par l’article 10 de la Convention n°183 de l’Organisation Internationale du Travail sur la protection de la maternité qui date de 2000. Autant d’incohérences pointées par la Cour de cassation dans son rapport annuel 2021, qui invitait à une révision des textes français.