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5 phrases dites à un papa en entreprise que l’on ne veut plus entendre (et par quoi les remplacer)

Vous les avez surement entendues (voire même prononcées). 5 papas racontent ce qu’ils ont vécu et comment on peut, tranquillement, faire bouger les lignes.


9 min

Ces dernières années, nous n’avons jamais autant entendu parler de la place du père dans la société et en entreprise. Je le dis souvent, nous assistons à un véritable changement sociétal. Et  nous n’en sommes encore qu’au début !

Les habitudes et anciens référentiels sont tenaces et encore bien ancrés. Et nous entendons encore et encore des phrases d’un autre temps dites à des papas au sein d’une entreprise (et ces remarques sont encore plus fréquentes à l’égard des femmes, malheureusement).

Ces remarques ou injonctions, on pourrait croire qu’elles sont caricaturales. Tellement elles sont énormes. Et pourtant non, elles existent vraiment. Elles sont prononcées par des collègues ou par des managers. Et les témoignages que je vous partage viennent de plusieurs secteurs d’activités : santé, retail, organismes publics, …

Pour autant, elles sont parfois exprimées sans avoir conscience de l’impact. Plus comme un réflexe. Mon propos n’est alors pas ici de stigmatiser. Mais plus d’aider à la prise de conscience. L’objectif est de sensibiliser. Pour que ces remarques disparaissent enfin définitivement.

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1/ « Tu m’as abandonné durant le mois de ton congé paternité »

Julien (NDRL : les prénoms ont été changés) est principal-adjoint d’un collège. Sa responsable est directrice du collège. Elle a 60 ans et ne comprends pas pourquoi Julien équilibre son temps entre sa vie de famille et sa vie pro. Elle me reprochait régulièrement de déposer mes enfants à l’école le matin et donc de ne pas arriver suffisamment tôt au travail”.

La naissance de son 3e enfant arrive 15 jours avant la rentrée scolaire de septembre. Julien prend son mois entier de congé paternité. “À mon retour, ma responsable m’a alors reproché, en jouant sur la culpabilité, que je l’avais abandonnée durant un mois”. Les reproches ne se sont pas arrêtés là. Sur les mois suivants, Julien se voit régulièrement reprocher qu’il ne fait pas suffisamment d’heures supplémentaires le soir…

💡La nouvelle approche :

Évidement une absence d’un mois peut bousculer le fonctionnement d’une équipe. Mais un congé paternité n’est pas une maladie qui arrive soudainement. Il peut s’anticiper. Evidement, ce n’est pas toujours simple. Mais il y a plusieurs mois pour s’organiser et préparer le départ.

Enfin, culpabiliser le collaborateur ayant pris son congé paternité abime la relation. Et impacte fortement la motivation du collaborateur sur les mois suivants…. Le manager se doit d’être aidant et bienveillant. Et particulièrement dans une période où le jeune parent est en proie à des doutes et à une fatigue physique et émotionnelle forte.

2/ « Mais je croyais que ta femme était à son compte. Elle ne peut pas gérer vos enfants malades à ta place ? »

Djamel est cadre sup dans une entreprise de la grande distribution. Avec sa femme, avocate indépendante, ils sont parents de jumeaux de 3 ans et d’un nourrisson. Nous sommes en plein hiver et les maladies s’enchainent pour les 3 enfants. C’est la femme de Djamel qui gère les enfants malades dans 90 % des cas.

“Pour le Xième virus de l’hiver qui touchait nos enfants, j’ai voulu prendre le relais et m’occuper de nos enfants malades. J’indique alors à un de mes collègues que je vais m’absenter 2 jours pour m’occuper des mes enfants. Sa réponse fuse, implacable : « Mais je croyais que ta femme était à son compte. Elle ne peut pas gérer à ta place »”.

💡La nouvelle approche :

Pour rappel, la loi autorise 3 jours d’absence par an pour s’occuper de ses enfants malades (parfois plus en fonction des conventions collectives). Au-delà de la loi, cette remarque est blessante et sexiste. Elle sous-entend que c’est à la femme de s’occuper des enfants quand ils sont malades, quand l’homme lui doit pouvoir se focaliser sur son travail. Elle entretient l’inégalité entre les femmes et les hommes.

Le collègue de Djamel aurait dû privilégier une remarque soutenante et bienveillante. Il aurait ainsi pu lui proposer, par exemple, de faire le point sur ses urgences afin de les gérer durant son absence. Appartenir à un collectif en entreprise, c’est aussi faire preuve de solidarité et d’entre-aide.

3/ « Tes considérations ménagères n’ont pas à interférer dans la vie de l’entreprise»

François est cancérologue libéral. Il prépare notamment les protocoles pour les patients. Durant 10 ans, François est très engagé dans son travail. “Je n’avais pas d’horaire et j’étais mobilisable et dispo à souhait”. En Septembre dernier, François devient l’heureux papa d'une petite fille.

Quelques semaines après la naissance de sa fille, une collègue pharmacienne l’appelle à 18h30 et lui demande d’établir un protocole. “Ma fille était malade. Je lui ai juste précisé que je n’étais pas dispo car j’allais entrer en RDV chez la pédiatre”. La remarque tombe comme un couperet : “Tes considérations ménagères n’ont pas à interférer dans la vie de l’entreprise”. François, surpris, marque un temps d’arrêt et souligne que la remarque est déplacée. Sa collègue lui répond alors “C’est ce que mon chef me disait il y a 20 ans quand j’ai eu mes jumelles”.

💡La nouvelle approche :

Nous sommes là sur une forme du syndrome du « bizuteur bizuté ». Et l’on ajoute à cela le poids des habitudes, l’absence de remise en question et la culture du présentéisme dans le monde de la santé. Il ne me semble pas très sain de faire souffrir quelqu’un parce que l’on a souffert auparavant de la même cause. C’est par ce biais que l’on re-produit encore et encore les mêmes erreurs. Par ailleurs, penser que la vie familiale n’interfère pas dans la vie personnelle parait déconnecté de la réalité des parents, et particulièrement des jeunes parents.

À l’inverse, la collègue de François aurait pu montrer de l’empathie et de la compréhension à son égard. Car c’est ce dont il a besoin à l’instant présent. Tout en lui demandant s’il lui est possible de préparer le protocole médical dès le lendemain matin (ou de le demander à un autre collègue). Bref, d’essayer d’être sur une approche de solution plutôt que dans le reproche.

4/ « Un congé parental de 4 mois pour t’occuper de tes jumeaux ? Tu es un frein pour la société »

Grégory est agriculteur dans une coopérative. Déjà papa d’un premier enfant, il annonce à son responsable qu’ils attendent des jumeaux avec sa femme. Et qu’il souhaite prendre un congé parental de 4 mois pour s’en occuper.

Le responsable de Grégory n’a d’autres choix que d’accepter. Mais il harcèle, par messages, le jeune papa durant les mois précédents son congé parental, puis durant son congé. “Il me disait que ce n’était pas ma place de m’occuper de mes enfants, que c’était le rôle de la maman. Que je devais bosser et ramener de l’argent. Que j’étais un frein pour la société… ”.

💡La nouvelle approche :

Pour rappel, le congé parental est autorisé par la loi. Par ailleurs, il est très faiblement indemnisé. C’est donc souvent une démarche fortement réfléchie et une envie familiale profonde. Pour rappel également, le harcèlement (s’il répond à différents points permettant de le caractériser de harcèlement) est fortement encadré. Et les auteurs punissables par la loi (code du travail et code pénal).

Tout comme le congé paternité, le congé parental s’anticipe. Et s’il peut être compliqué dans ce qu’il engendre en besoin d’organisation supplémentaire, des solutions existent. On peut embaucher un CDD. On peut organiser un transfert des compétences et des missions en misant sur la co-responsabilité (le manager et le salarié).

5/ « Tu pars encore à 16h pour aller chercher ton fils à l’école ? Tu as pris un RTT aujourd’hui ! »

Olivier est manutentionnaire dans l’industrie. Papa d’un petit garçon de 4 ans, il a souhaité, deux jours par semaine, pouvoir récupérer son fils à la sortie de l’école. À la fin de l’été, Olivier fait part de son souhait à son manager. Ils réfléchissent ensemble aux solutions possibles. Le manager modifie les horaires d'Olivier en lui organisant des horaires décalés pour lui permettre de partir 2 jours par semaine plus tôt.

La nouvelle organisation se met en place dès début septembre. L’ensemble de l’équipe est informée. Pour autant, et depuis des semaines, Olivier entend la même remarque “Quoi ! Tu pars encore à 16h pour aller chercher ton fils à l’école ! Tu as pris un RTT !”. Ou sa variante, plus vulgaire. “Mais d’où tu vas chercher ton fils à l’école ? C’est pas à toi de le faire … Tu t’es fait couper les C— par ta femme mon pauvre !”.

💡La nouvelle approche :

Là encore, nous sommes confrontés au poids de notre société patriarcale. Dans encore de nombreux inconscients, la parentalité est surtout une affaire de maman. Olivier fait preuve de courage pour affronter ses remarques quasi quotidiennes (et également dans son choix).

Mais avec le temps, c’est la fatigue et la lassitude qui prennent là-dessus. Et le moral d’Olivier s’en fait ressentir. Il s’interroge aussi sur le fait de maintenir ses horaires décalés et de ne plus aller chercher son fils à l’école.

Face à cette situation, le rôle du manager est essentiel. Il se doit de réunir son équipe pour en parler et pour faire cesser ces remarques. Il peut aussi organiser un atelier de sensibilisation destiné à l’ensemble de l’équipe. Par ailleurs, Olivier doit pouvoir compter sur des alliés au sein de l’équipe. Même si d’autres collègues ne sont pas concernés directement par la situation d’Olivier, ils peuvent s’opposer à ces remarques. Encore une fois, une entreprise est avant tout un collectif. Et un collectif fonctionne avec une certaine solidarité.

Je le dis souvent, nous sommes toutes & tous actrices, acteurs du changement. Nous pouvons tous faire le choix de ne pas laisser passer ces remarques quand nous les entendons. Sans violence et affrontement. Juste en indiquant son désaccord et en proposant une alternative positive et constructive. Pour qu’un jour, ce type de remarque ne soit qu’un souvenir dont on parlera dans les livres de sociologie…

Pascal Van Hoorne

Expert et conférencier en paternité, parentalité et équilibre de vie, papa de jumeaux

Après 13 ans à des fonctions de management d’équipe et en communication, Pascal devient indépendant quelques mois avant la naissance de ses […]

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