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Amour au boulot : le télétravail favorise-t-il le flirt ?

Depuis que le télétravail s’est invité dans nos vies professionnelles, il a révolutionné nos pratiques mais aussi nos relations entre collègues. Visios depuis la chambre qui dévoilent la sphère intime, échanges sur les messageries pro en dehors des heures de boulot… autant de situations qui réinventent le flirt dans le cadre pro.


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Un Français sur trois a déjà eu un coup de cœur pour un‧e collègue, et près d’un quart a entamé une relation qui dure encore à l’heure actuelle, selon l'enquête PageGroup de 2022 dévoilée par Le Parisien. Mais avec l'avènement du télétravail, succomber à François de la compta, est-ce plus compliqué qu’autrefois ? Ou au contraire, les nouveaux outils de communication nous ont-ils donné des ailes pour flirter en toute liberté ? Pour le savoir, nous avons toqué à la porte de Florence Peltier, thérapeute de couple.

Comment le télétravail a-t-il impacté notre vie amoureuse ?

Florence Peltier : Déjà, le fait de moins se voir en vrai peut exacerber le besoin de contact. Outre les sites de rencontre, on peut aussi flirter au bureau (et plus si affinités) avec des outils comme Slack ou même des messageries personnelles comme WhatsApp. Et cela peut créer des problèmes, notamment chez les personnes en couple. Je rencontre souvent le cas de partenaires qui traversent des crises à cause de l’intrusion, via whatsapp ou messenger, de collègues de travail pendant leur temps de vacances. Au mieux, cela agace le conjoint, au pire, cela provoque des crises avec suspicion d’infidélité. Avec le télétravail, les contours sont tout de suite plus flous : on ne peut pas forcément se dire au revoir au bureau et on oublie souvent quand les autres sont en congés.

Avec ces nouvelles façons de communiquer, les dérapages (in)contrôlés sont facilités ?

FP : Il est vrai qu’en communiquant par messagerie par exemple, on est privé de la gestuelle, du non verbal. Du coup, on peut rapidement imaginer des sous-entendus. Je vois donc souvent des couples qui se disputent à cause d’un simple SMS qui peut être interprété de nombreuses manières. Si le conjoint a un petit doute, il peut vite s'imaginer des choses, surtout si l’autre cache son portable, le verrouille avec un nouveau code. Il faut savoir que selon un sondage IFOP pour Gleeden, 36% des infidélités démarrent au bureau.

Sans parler d’infidélité, on peut vite créer une dépendance à cette manière d’échanger entre collègues ?

FP : Oui, le fait d’échanger virtuellement crée rapidement une forme de dépendance. Alors qu’autrefois, on devait attendre de revoir l’autre au bureau le lendemain, qu’on fantasmait sur lui/elle mais uniquement dans notre tête, ces outils nous permettent de rester en contact en permanence. Dans le cerveau, cela entraîne le même mécanisme que la drogue, avec le besoin de s’injecter une dose en permanence.

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Est-ce qu’entretenir une relation virtuelle avec un collègue, ce peut être vraiment innocent… ou ça ne l’est jamais réellement ?

FP : Une autrice américaine, Shirley Glass, qui a écrit le livre Just Not Friends, estime que ce petit jeu n’est pas anodin dès lors que ces trois critères sont réunis :

  1. Je cache ces échanges à mon conjoint (ou mes collègues dans le cas d’un célibataire).
  2. Je suis impliqué émotionnellement dans ces échanges (cela me touche, me flatte, quelque chose se réveille en moi…)
  3. Je ressens une alchimie sexuelle, je suis attiré, excité par la personne (que j’aie un contact réel ou non)

Dans tous les cas, la personne ressent bien qu’elle est dans l’interdit. Mais elle peut se dire qu’elle maîtrise, que ce n’est pas grave, que cela lui permet de se sentir vivante comme au début d’une relation de couple où l’on est dans sa bulle.

La pente est toujours glissante ?

FP : Oui, on ne sait pas jusqu'où cela peut aller. Parfois, on n’arrive pas à s’arrêter et on n’a pas conscience des conséquences. Flirter avec son collègue quand on est célibataire, cela ne pose pas vraiment de problème si les deux sont consentants. Cela devient plus compliqué s’il y a une relation hiérarchique, et encore davantage si la personne est déjà en couple. La réalité revient toujours à un moment ou un autre. Elle peut être bonne ou mauvaise, ce n’est pas un jugement de valeur. Mais il faut juste en avoir conscience.

Le flirt en télétravail, c’est aussi une aubaine pour les timides ?

FP : Oui, cela favorise le passage à l'acte pour certains qui finiront par se voir en vrai, d’autres en revanche préféreront rester dans le virtuel, protégés par l’écran.

Imaginons une boîte où tout le monde est en remote. Est-ce que dans ce contexte, on peut imaginer démarrer une relation totalement virtuelle ?

FP : Oui, notamment parce qu’aujourd’hui, on a un outil précieux : la visio ! On montre ce qu’on a envie de montrer. J’ai rencontré un couple qui a eu un coup de foudre à distance au travail. Pendant de longs mois, ils ont traversé toute la France pour se voir juste deux jours.

Il est vrai que la visio se prête facilement à l’entremêlement des sphères privées et professionnelles…

FP : Le chat qui passe derrière l’écran, la photo encadrée au mur, le livreur qui sonne à la porte… Oui, en visio, on rentre facilement dans la sphère intime. Le fait aussi de se mettre dans telle ou telle pièce n’est pas neutre. De plus, on commence souvent les réunions par des “icebreakers” qui peuvent nous permettre de dire ce que l’on faisait juste avant d’allumer son ordinateur. C’est une porte d’entrée assez facile pour entamer une discussion informelle, un peu comme lorsque l’on est autour de la machine à café.

Est-ce qu’il existe des commandements pour flirter à distance avec un‧e collègue de bureau ?

FP : Je crois qu’il ne faut pas oublier que cette relation comporte toujours une part de virtuel, même si on peut se sentir dans quelque chose de familier. À distance, on a toujours tendance à idéaliser, à fantasmer. Alors, il faut se questionner sur ce que l’on attend de cette relation. Est-ce par manque de contact ? Manque dans le couple ? Souvent, cela informe sur une carence. Il faut donc se demander ce que l’on recherche soi, et ce que recherche l’autre. Car les attentes ne sont peut-être pas les mêmes.

Ensuite, on peut se donner des limites : éviter d’utiliser les messageries pro pour ça, avoir conscience que l’on déborde du cadre professionnel. Il est possible de se fixer des règles en cohérence avec ce qui est bon pour soi, ce qui nous semble juste de faire ou non. Est-ce que par exemple, on aimerait que l’autre flirte de cette façon avec nous ? Et si on est en couple, se questionner sur ce que l’on ressentirait si l’autre se comportait ainsi. Souvent, cela remet les idées en place. Dans tous les cas, que l’on aille au-delà du virtuel ou non, un flirt dit toujours quelque chose de nous.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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