À quel moment faut-il parler argent en entretien (et surtout comment le faire) ?
La thune, la caillasse, la moula, le flouz, le fric : est-ce ceux qui en parlent le plus… qui en récupèrent le moins ? Car si en France, nous ne manquons pas de synonymes pour parler d’argent, nous ne sommes pas franchement les plus décomplexés sur le sujet. Deux professionnelles nous livrent leurs conseils pour apprendre à parler… blé.
“Quand je suis arrivée en France, je demandais sans vergogne aux gens que je rencontrais leur salaire. Mais très vite, mon compagnon m’a dit que cela ne se faisait pas”, se souvient Ann-Kristin Benthien, coach professionnelle. Il faut dire que dans son pays d’origine, l’Allemagne, on est bien moins coincés sur le sujet. “Pour nous, les Allemands, c’est totalement factuel, on va directement poser la question du salaire, des avantages et des vacances”, explique-t-elle.
Mais pourquoi sommes-nous si peu à l’aise pour “parler argent” dans l’Hexagone ? Pour autant, chez les jeunes générations, les choses sont en train de changer. “Pour avoir mené des entretiens avec la Gen Z, ou encore la rencontrer lors d’actions de mentorat dans les quartiers défavorisés, je constate qu’elle n’hésite pas à aborder le sujet dès les premières minutes”, affirme Léna Basile, coach et DRH à temps partagé.
Cette génération, qui prône aussi la transparence, aide à faire bouger les lignes, exigeant des recruteurs qu’ils annoncent franco leurs fourchettes dès la publication de leurs offres d’emploi. “C’est aussi une génération qui a pu voir ses parents travailler d’arrache-pied pour de faibles revenus et/ou une reconnaissance qui n’était pas la hauteur de leur investissement. Et clairement, elle n’a pas envie de ça”, poursuit notre experte.
Qui dégainera le sujet en premier ?
Alors, que l’on soit de la Gen Z ou boomer, doit-on se décider à mettre immédiatement les pieds dans le plat en entretien ? Hum, pas si vite. “L’ancienne génération de recruteurs n’est pas encore totalement coutumière de ces pratiques. Clairement, poser la question de la rémunération en premier n’est pas très bien perçu”, alerte Léna Basile.
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Même son de cloche du côté d’Ann-Kristien Benthien qui recommande de ne pas heurter immédiatement le recruteur : “l’entretien nous place dans une relation de séduction. Si le sujet est rapidement amené par le recruteur, tant mieux. Autrement, je conseille de suivre le flow, sachant qu’il est très rare que l’on ne vous demande pas vos prétentions salariales dès le premier entretien”.
Connaitre son chiffre
D’ailleurs, notre coach recommande de bien se préparer en amont à cette question, afin de pouvoir répondre du tac o tac. “Il n’est pas rare que des recruteurs vous demandent ce à quoi vous prétendez dès le premier rendez-vous téléphonique”, poursuit-elle. Et là, Il vaut mieux éviter de tergiverser.
Mais que faire, si, après 45 minutes d’entretien, le sujet n’est toujours pas évoqué et qu’on commence à vous serrer la pince pour vous pousser gentiment vers la porte de sortie ? Faut-il attendre patiemment le prochain point de contact, sans aucune information sur la fourchette de salaire pour le poste ? Pour Léna Basile, il ne faut alors pas hésiter à jouer franc-jeu : “ce n’est pas un problème de poser la question à la fin du premier entretien, cela évite à tout le monde de perdre son temps si les prétentions salariales ne sont pas du tout alignées”. Bien sûr, il est plus facile d’être encore plus offensif sur le sujet si l’on a un profil rare, ou que l’on n’est pas en recherche active.
Faut-il bluffer… ou non ?
Maintenant que l’on a parlé du tempo, comment, concrètement, parler d’argent en entretien ? Il y a déjà la question de la forme : pour Anne-Kristin Benthien, il est essentiel de ne pas s’excuser quand on aborde le sujet : “On évite les formules du type “j’aimerais” ou “je pensais à” prononcées avec une petite voix qui sèment le doute dans l’esprit du recruteur”. On préfèrera des tournures qui flairent davantage la confiance en soi comme “j’estime que mon profil vaut”. Et si on ne se sent pas à l’aise avec le sujet, il ne faut pas hésiter à travailler des mises en situation avec d’autres personnes.
Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’il vaut ce profil ? Faut-il jouer à la grenouille qui se fait plus grosse que le bœuf ? Ou au contraire, le bluff est-il devenu has been ? À l’ère de la transparence, et sur un marché tendu, Léna Basile a tendance à croire que les recruteurs, lorsqu’ils annoncent une fourchette de salaires, ne s’amusent pas à placer le curseur au plus bas : “Les entreprises connaissent de telles difficultés à recruter qu’elles essaient souvent de faire la meilleure proposition. Si vous annoncez un salaire 20K€ au-dessus, cela risque d’être compliqué”.
Ne pas (trop) jouer les gros bras
Dans tous les cas, faites démarrer votre fourchette basse à partir du salaire minimum que vous vous fixez et sous lequel vous n’êtes pas prêt à descendre. Pour le reste, vous pourrez négocier plus âprement si vous décrochez une offre à la fin du process.
Lors de ces négociations finales, faites preuve d’un minimum de souplesse. “C’est lorsque l’on aborde cette phase plus “touchy” que l’on peut voir émerger certaines personnalités et la manière dont elles vont évoluer dans un contexte opérationnel. Or, quelqu’un de trop “rigide” risque de faire fuir un recruteur. Cela m’est déjà arrivé de rétropédaler sur un profil parce qu’il ne matchait finalement pas avec les valeurs de l’entreprise”, affirme Léna Basile.
Tact, souplesse et confiance en soi : autant de qualités à déployer pour négocier dans la transparence et en bonne intelligence !