Société

Comment mon comportement perso impacte le bilan carbone de mon entreprise ?

Si le bilan carbone d’une entreprise s’inscrit dans une trajectoire collective et stratégique, les choix quotidiens opérés par les collaborateurs pèsent aussi dans l’addition, qui plus est dans le secteur des services. Mobilité, numérique, alimentation… et même manière d’opérer le business : regardons de plus près ce qui pèse dans la balance.

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À l’heure où les entreprises publient leur bilan carbone, les collaborateurs se demandent de plus en plus quel est leur rôle dans cette équation. Est-ce que mes trajets domicile-travail, mes choix de matériel ou même mon menu à la cantine influencent vraiment l’empreinte de mon entreprise ?

Spoiler : oui (vous ne verrez plus jamais votre steak pareil). Mais au-delà des gestes du quotidien, chacun peut aussi devenir un levier de transformation plus global, en repensant ses pratiques métiers à l’aune des enjeux climatiques.

#1 - Rationaliser ses déplacements pro et domicile-travail

Selon une [étude du Commissariat général au développement durable](https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/teletravail-combien-de-tonnes-de-co2-evitees#:~:text=Une journée de télétravail permet,entre 2 %25 et 10 %25.) (2024), une journée de télétravail permet d’éviter en moyenne 4,5 kgCO₂ liés au trajet domicile-travail. Pour un salarié en télétravail deux jours/semaine, l’économie annuelle peut atteindre environ 350 kg CO₂. Et ce, même si la consommation d’énergie à domicile augmente fatalement…

Cette hausse est de +8 % par télétravailleur et par jour. Ceci étant dit, elle est compensée par la fermeture des bureaux qui engendre une baisse de 25 à 35 % de la consommation en zone urbaine ou périurbaine selon ADEME Infos.

Pour autant, le télétravail n’est pas toujours possible, et certains déplacements inévitables. Au sein du cabinet de conseil Wavestone, Benoît Durand, Senior Manager Sustainability, nous indique que ces déplacements représentent environ 34 % des émissions totales (26 % pour les trajets domicile-travail, 8 % pour les trajets commerciaux ou personnels).

Pour les déplacements professionnels, choisir le train plutôt que l’avion a un impact immédiat, nous explique-t-il. De même, privilégier un trajet à vélo ou en transport en commun plutôt que la voiture sera toujours un choix gagnant à l’heure du bilan.

#2 - Jouer les prolongations sur la durée de vie des appareils

Lorsqu’ils songent à leur empreinte carbone, les travailleurs pensent que vider leur boîte mail est le geste le plus écoresponsable qu’ils puissent faire (CREDOC). En réalité, prolonger la durée de vie des équipements est bien plus puissant en matière de réduction de l’empreinte carbone.

Au global, le numérique représente aujourd’hui 4,4 % de l’empreinte carbone nationale en France (≈  29,5 millions de tonnes CO₂) selon le Ministère de la Transition écologique. Environ 50 % de cette empreinte provient de la fabrication et de l’utilisation des terminaux (PC, smartphones), 46 % des data centers, 4 % des réseaux.

Prolonger la durée de vie d’un ordinateur ou d’un smartphone de 2 à 4 ans améliore de 50 % son bilan carbone global. Au sein de la Société I-TRACING, Sophie Pasquier, Responsable RSE, nous raconte que les équipements sont conservés et utilisés tant qu’ils fonctionnent, et recyclés via des partenariats sociaux (Emmaüs Connect, Restos du Cœur).

Grâce à ces initiatives, nous avons enregistré zéro déchet l’an dernier, témoigne-t-elle. Il incombe aussi aux collaborateurs d’opérer ces choix plutôt que de demander un renouvellement automatique.

#3 - Pratiquer la sobriété numérique au quotidien

Le saviez-vous ? Un mail simple génère environ 4 g CO₂, tandis qu’un mail avec pièce jointe jusqu’à 35 g CO₂ (soit 7 fois plus) selon l’Ademe. En moyenne, un employé en entreprise produit 136 kg CO₂/an en mails, plus 9,9 kg CO₂/an en recherches web. De plus, une requête sur Internet génère environ 9,9 kg CO₂/an par utilisateur, selon les données ADEME (2009–2011).

Limiter les destinataires (calmez-vous donc sur les CC), éviter l’usage excessif de pièces jointes (sorry si vous aimez les GIF), supprimer les mails redondants (tout le monde vous en remerciera)... autant de petits gestes à fort effet cumulatif.

Notons aussi qu’éteindre totalement son ordinateur le soir peut éviter jusqu’à 100 kg CO₂/an selon Carbo. De même, on peut penser aux lumières et à la climatisation si ces dernières ne sont pas régies par une console centrale. Idem pour les impressions papier !

#4 - Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu émets

Entre un repas végétarien et un repas à base de boeuf, le match est vite vu :  ≈ 1,7 kg CO₂ pour le premier vs 5 kg pour le second, soit une réduction de près de 66 % selon l’ADEME. Souvent reléguée au second plan, l’alimentation est pourtant un levier important dans la réduction de l’empreinte carbone d’une entreprise, notamment lorsqu’elle propose un service de restauration collective ou organise régulièrement des événements internes.

“Dans certains bilans carbone, le repas du midi est comptabilisé. Si les collaborateurs prennent l’habitude de privilégier des repas végétariens, ou simplement de réduire la viande rouge au profit de la viande blanche, cela améliore le bilan carbone”, explique Benoît Durand.

Certaines entreprises vont plus loin en proposant des buffets végétariens lors d’événements ou en affichant l’empreinte carbone des plats. On n’oublie pas non plus l’emploi de couverts, assiettes, verres ou mugs réutilisables… Adios les gobelets jetables !

#5 - Transformer son métier : du discours à l’action

Le scope 3 du bilan carbone (qui calcule les émissions indirectes sur toute la chaîne de valeur) dépend largement des comportements individuels au sein de l’entreprise. “L’objectif est que l’entreprise évolue durablement. Tout le monde a un rôle à jouer pour faire évoluer le modèle d’affaire d’une entreprise, mais cela pose la question des compétences”, souligne Benoît Durand.

Le hic ? Le baromètre RSE Wavestone 2024 indique que 74 % des entreprises identifient le manque de compétences RSE en interne comme un frein majeur à la transformation. Pourtant, il est important d’aller aujourd’hui au-delà de la sensibilisation pour que chacun introduise des objectifs RSE dans son scope.

  • Marketing : intégrer le bilan de l’usage final des produits vendus dans la réflexion.
  • Achats : choisir des fournisseurs stratégiques en intégrant leurs émissions (scope 3).
  • DSI : piloter une politique numérique responsable, veiller à l’empreinte de chaque service.
  • RH : inclure des objectifs RSE dans les fiches de poste ou les primes.

“Par delà, chaque collaborateur peut s’engager pour son entreprise en animant par exemple une fresque du climat, ou encore en participant à des programmes comme celui d’ambassadeur RSE. Bien sûr, c’est d’autant plus facile qu’on évolue dans une entreprise réceptive”, pointe Sophie Pasquier.

Par exemple, chez I-TRACING, la plateforme de financement de projet Team Starter permet à chaque collaborateur de proposer et mener des actions concrètes  (parrainage de ruches, dons), qui même si elles ne sont pas mesurées dans le bilan carbone officiel, participent à créer une culture RSE active.

À chacun sa part… et son pouvoir d’action

Au final, réduire l’empreinte carbone d’une entreprise ne repose pas uniquement sur les grandes décisions stratégiques ou les bilans réglementaires. Cela démarre souvent dans les gestes les plus simples : éteindre son ordinateur, privilégier le train, choisir un repas végétarien.

Mais pour que ces écogestes prennent pleinement leur sens, encore faut-il que l’entreprise crée les conditions de leur émergence : information claire, dispositifs incitatifs, espaces d’engagement.

Un équilibre fin à trouver, entre culture d’entreprise et responsabilité individuelle. En somme, le bilan carbone d’une entreprise, c’est aussi un peu le nôtre. Et les plus petits choix, lorsqu’ils sont partagés, deviennent les plus grandes forces de transformation.

Paulina Jonquères d'Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias [...]

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