société

Inclusif, toi même

Inclusion ? Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Par quel bout prendre ce terme qu’on utilise peut-être trop ou mal ces temps-ci ? Nous avons laissé carte blanche à Pascal Beria.


4 min
5 janvier 2022par Pascal Beria

Cet article est issu de l'ancien blog de Swile.

« Tu comprends, il faut que l’on ressente que la marque est inclusive. C’est une de nos valeurs phares. Ça doit se voir ».

Du fond de mon fauteuil, j’avais opiné. Mais le coup avait porté. J’aimais bien travailler avec ce Directeur Marketing qui venait de me donner le brief. Nos discussions dérivaient souvent sur des sujets qui n’avaient pas toujours grand-chose à voir avec le sujet, mais qui donnaient un peu de profondeur à nos réflexions. Et il me laissait toujours libre dans le travail de rédaction pour lequel il avait l’habitude de me contacter. Mais là, son histoire de marque inclusive, je ne savais vraiment pas par quel bout l’attaquer.

L’inclusif en toute exclusivité

« Inclusif ». Qu’est-ce que ça pouvait bien pouvoir dire, crénom ? Et surtout, comment fait-on pour que « ça se voit » ? Autant, une marque exclusive, je voyais. Travailler sur les singularités, la proposition de valeur ou le territoire de marque, j’avais l’habitude. Mais voilà que le mantra marketing portait depuis un petit moment précisément sur le contraire. Devenir inclusif me semblait tellement contre-intuitif pour une marque que je séchais désespérément devant ma copie.

En fait, il m’était vite apparu que l’inclusif tirait très exactement aux antipodes des métiers qui cherchent à extraire les symboles d’une marque. Un exercice qui demande un travail d’épure, d’élagage, de dégraissage.

Un travail de synthèse en quelque sorte. Avec l’inclusif, c’était tout l’inverse. On était dans l’accumulation. A l’image d'une typographie créée pour l’occasion du pronom iel, qui avait tellement fait persifler, l’inclusif prend le risque de n’être finalement qu’un amoncellement de signes rapidement indéchiffrable.

Le danger, c’est que l’inclusif devienne ce que la banque d’images est à la photo d’art. Un visuel prêt à l’emploi où le principe est de n’oublier personne sur la photo de famille. Sous prétexte de diversité, l’inclusion nous vend une uniformité glaçante.

Ces executives aux sourires impeccables, ces seniors en pleine séance de fitness, ces familles en vacances trop parfaites. Tout un univers mimétique et aseptisé qui remplissent nos magazines et où seule la couleur de peau, variant du blanc pâle au noir profond, suggère une idée de la diversité. 

En bref, le cauchemar de l’iconographe. Mais à chercher à montrer tout le monde, on finit aussi par ne plus représenter personne. Et la démarche aurait finalement une fâcheuse tendance à exclure. Mince, comment j’allai annoncer ça à mon client, moi ?

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A chacun/une son inclusif.ve

Quitte à faire inclusif, je décidai d’aller à sa racine : l’écriture. Autant il me semblait difficile de faire tenir la diversité du monde dans une image, autant je me demandais quel esprit pervers avait pu décider, un jour, que le masculin l’emporterait toujours sur le féminin.

La faute à quelques grammairiens un peu zélés du temps des Lumières, paraît-il. Quoi qu’il en soit, l’écriture inclusive était une piste intéressante pour conduire une démarche intégratrice. Quiconque s’est un jour frotté à l’exercice sait combien écrire en inclusif est un travail de virtuose.

Jongler avec les points médians, combiner les doubles flexions, les noms épicènes et les périphrases cherchant plutôt à éviter la confrontation des sexes plutôt qu’à traiter le sujet de l’inclusion lui-même. Dans son roman « La disparition », Georges Perec s’était plié à l’exercice diligent de faire disparaître la lettre E de tout son manuscrit. L’écriture inclusive, elle, consiste à en ajouter.

Au moins, ça met tout le monde d’accord. Mais en s’attaquant à l’équilibre femme / homme, l’écriture ne résout qu’une part du problème. Et elle n’était pas bien partie pour résoudre le mien.

C’est en reprenant mes notes que le déclic se produisit. Comme souvent, la solution était sous mes yeux. Bon sang, mais bien sûr ! L’inclusion, ce n’était pas choisir entre l’accumulation des stéréotypes ou des conventions linguistiques ou je ne sais encore quel tour de passe-passe de communicant. L’inclusion, c’était précisément ne pas avoir à choisir.

Ce n’était pas OU, mais ET. Cette conjonction invariable qui relie les mots sans jamais rien exclure et sans condition. L’inclusion, en définitive, c’est fromage ET dessert. Mine de rien, en deux lettres, ce petit mot est capable de contenir tout l’univers. C’était ça ma solution !

Il fallait absolument que je rappelle mon client… 


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Pascal Beria

Expert du contenu

Entre stratégie éditoriale et territoires de marques, Pascal Beria travaille sur une matière première un peu particulière : le contenu. Il est […]

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