La rentrée, le meilleur moment pour se former, “s’augmenter” ?

Non, la rentrée de septembre n’est pas qu’une affaire d’écoliers. Dans les entreprises, elle marque aussi un renouveau organisationnel et énergétique qui donne aux collaborateurs - comme aux managers - un espace pour envisager la suite autrement. Mais est-ce vraiment la meilleure période pour enclencher un projet de formation ou de mobilité interne ? Trois regards complémentaires nous aident à y voir plus clair.
Septembre, un reset professionnel
“Septembre est devenu un reset organisationnel”, introduit Jean-Noël Chaintreuil, analyste du futur du travail et de l’IA pour les RH. “Les gens se réalignent, se réengagent. Tels des enfants qui reprennent le chemin de l'école, nous nous recalons sur des cycles d’apprentissage”.
De fait, après deux ou trois semaines de coupure estivale, le cerveau est plus disponible, et les agendas pas encore saturés. “On sent une vraie dynamique proactive, une volonté de grandir et d’apprendre”, confirme Nafisah Soormally, Teamlead People chez EGYM Wellpass. “Les collaborateurs reviennent avec des idées, ils sont force de proposition”.
Pour Karim Cherif, Directeur Général de MP People, l’explication est simple : “Les six premiers mois de l’année sont souvent éprouvants. Le mois d’août permet de prendre du recul sur sa trajectoire professionnelle. Septembre est un moment idéal pour réfléchir à son parcours et envisager une formation. Il est vrai que les entreprises enregistrent plus de demandes à cette période”.
Chez Maria Schools, organisme proposant des formations aux particuliers qui souhaitent développer de nouvelles compétences (comme par exemple créer un agent IA), ou carrément qui souhaitent apprendre un nouveau métier (à l’instar de développeur no code), on dresse le même constat. “Ces formations, majoritairement financées par les collaborateurs eux-mêmes (via leur CPF notamment) sont archi pleines à la rentrée de septembre ! On note une vraie volonté de "commencer l'année" en s'offrant de nouvelles compétences et des nouvelles perspectives”, souligne Annabelle Bignon, cofondatrice.
📆Septembre ou janvier : quelle rentrée compte le plus ?
Janvier et septembre, même combat ? Pour Jean-Noël Chaintreuil, l’analogie est évidente avec les salles de sport : “Les pics d’inscriptions se produisent en janvier et septembre. Parce qu’on se relance après une pause avec de bonnes résolutions”.
Toujours est-il que si janvier reste associé au lancement d’un nouvel exercice, beaucoup s’accordent à dire que la vraie rentrée, c’est septembre. “La coupure estivale est incomparable en termes de durée. Mais surtout, c’est en septembre que les gens réorganisent leur emploi du temps, y compris par rapport à leurs enfants”, pointe Karim Cherif.
Quand l’entreprise accompagne le mouvement
Certaines entreprises capitalisent déjà sur cet élan. Chez EGYM Wellpass, l’équipe RH mise sur des rituels simples, mais efficaces pour adoucir le retour et enclencher une dynamique collective.
- Des “learning lunches” : mini-formations ou ateliers courts, autour de sujets concrets (gestion du stress, nouvelles pratiques métiers, réorganisation de Slack).
- Un “Wish Wall” de rentrée : tableau collaboratif où chacun note ses envies ou ses projets professionnels.
- Un “Reset Day” : demi-journée dédiée au rangement de son bureau, au tri des mails, pour repartir sur de bonnes bases.
“Comme on vend du bien-être, on le pratique en interne”, explique Nafisah. “L’idée est de recréer un espace mental et organisationnel sain, pour que chacun puisse se lancer ensuite dans un vrai parcours de montée en compétences”.
Ces initiatives légères ont un double avantage : elles remettent doucement les collaborateurs dans le bain, tout en ouvrant la porte à des formations plus structurées.
Un timing idéal… mais pas toujours pour les budgets
Alors, septembre est-il le meilleur moment pour se former ? D’un point de vue individuel, les avis convergent : oui, le timing est idéal, car l’énergie est là, tout comme l’envie de progresser. Mais d’un point de vue organisationnel, les planètes ne s’alignent pas toujours.
“Chez nous, les budgets ne suivent pas forcément pour déclencher une formation dès le mois de septembre”, souligne Nafisah Soormally. Karim Cherif abonde : “La plupart des entreprises fonctionnent encore avec un cycle annuel. 80 % des plans de formation sont établis en septembre de l’année N-1. Donc si tu proposes une formation en septembre, elle sera souvent validée… pour l’année suivante”.
Jean-Noël Chaintreuil, lui, observe un changement : “On voit apparaître des budgets plus trimestriels, liés à l’incertitude business. Les entreprises redéfinissent leurs enveloppes plus souvent, ce qui ouvre des fenêtres de tir plus régulières”.
Par ailleurs, la pause estivale étant souvent longue, septembre est souvent un mois très chargé pour les collaborateurs. “La ‘reprise’ n'est pas un moment propice pour aller en formation. On remarque chez Maria Schools que l'élan reprend fin septembre / début octobre !”, note Annabelle Bignon.
En clair, la rentrée est un bon moment pour lancer la discussion avec son manager ou les RH. Mais la mise en œuvre effective peut se décaler de quelques mois, selon le calendrier budgétaire de l’entreprise. Bien sûr, tout dépend aussi de la nature de la formation, de son coût, de sa durée. Certains MOOC peuvent être accessibles à tout moment pour les collaborateurs qui profitent alors de l’élan de la rentrée pour assouvir leur soif d’apprendre.
Se former, c’est s’augmenter
Derrière la question du bon timing, un autre sujet se dessine : celui de la signification même du mot “s’augmenter”.
“Tout le monde a compris que s’augmenter, ce n’est pas seulement une affaire de salaire”, insiste Jean-Noël Chaintreuil. “C’est aussi développer ses compétences, augmenter son employabilité. L’obsolescence des savoirs s’accélère. Une compétence durait 5 ans hier, c’est à peine 18 mois aujourd’hui”.
Karim Cherif renchérit : “Les compétences de demain doivent être acquises dès aujourd’hui. On ne peut plus se permettre d’attendre. Se former devient une question de survie professionnelle”.
Et Nafisah Soormally confirme que ce besoin est particulièrement fort chez les jeunes collaborateurs, et pas uniquement en matière de hard skills : “Chez nous, beaucoup prennent leur premier rôle de manager. Ils reviennent de leurs vacances d’été et nous disent : “je sens que je manque de clés pour donner du feedback” par exemple. C’est là que les soft skills deviennent prioritaires”.
Une responsabilité partagée entre entreprise et individu
Mais à qui revient la responsabilité d’impulser ce mouvement ? L’entreprise ou le collaborateur ?
“Avant, tu entrais dans une entreprise pour 40 ans qui te portait sur différents métiers”, rappelle Karim Cherif. “Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La plupart des cadres changent d’entreprise tous les 18 mois. Les entreprises ne peuvent plus investir de la même manière. Donc la balle est au centre : l’organisation définit le cadre, mais c’est au collaborateur de prendre en main son parcours, en lien avec son manager”.
Jean-Noël Chaintreuil y voit une évolution positive : “Les directions formation sont de plus en plus stratégiques. On passe d’une logique de formations parfois gadgets à une logique de trajectoires. Avec l’essor des organisations “skills-based”, on donne plus de visibilité aux salariés : “voilà comment tu peux évoluer, voilà ton plan de carrière”. C’est ce que réclament aussi bien les jeunes générations que les plus seniors”.
Formation : un enjeu de survie professionnelle
Au fond, la vraie question n’est pas tant “faut-il se former en septembre ?” que “peut-on encore se permettre de ne pas se former ?”.
“Il n’y a certainement rien de pire qu’un collaborateur qui ne se forme pas”, tranche Karim Cherif. “Dans un contexte où les métiers bougent vite, la formation n’est plus un luxe, mais une nécessité”.
Jean-Noël Chaintreuil va plus loin : “L’IA est à la fois une bénédiction et une malédiction. Oui, elle menace certains métiers. Mais elle permet aussi d’anticiper et de construire son parcours autrement. L’apprentissage, plus que jamais, transforme les carrières”.
Le marketing de la formation, la manière d'en parler, de donner envie aux collaborateurs d'y participer, a d'ailleurs énormément évolué. ”Chez Maria Schools, nous travaillons à faire de la formation une opportunité, une chance à saisir, en bref une expérience unique qu'il "faut vivre" ! Nous avons créé le festival du learning "Viva Learn" pour réenchanter la formation et montrer à tous son pouvoir de transformation”, explique Annabelle Bignon.
Septembre, un tremplin plus qu’un aboutissement ?
Alors, la rentrée de septembre est-elle le meilleur moment pour se former ? Oui… et non. Oui, parce que l’énergie est là, que les collaborateurs reviennent disponibles, curieux et motivés. Non, parce que les budgets ne sont pas toujours prêts, et que la mise en œuvre dépend encore beaucoup du cycle annuel.
Mais qu’importe la saison : le bon moment, c’est celui qu’on se crée. Comme le souligne Nafisah Soormally, “c’est toujours mieux de lancer la discussion en amont”. Car même si le projet ne démarre qu’en fin d’année, septembre reste la meilleure rampe de lancement !