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Le DRH peut-il vraiment avoir un agenda ?

80% d’urgences, 20% de stratégie… Au quotidien, le job de DRH s’apparenterait-il à une mauvaise loi de Pareto ? C’est en tout cas ce qu’un bon nombre d’entre eux nous ont confié au détour d’une conversation. Est-ce une fatalité ? Faut-il dès lors spécialiser la fonction RH ? Ça se discute !


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Aucune de mes journées ne se passe comme prévu”, nous confie Camille Darde, DRH d’elmy, 170 salariés au compteur. Même combat pour Anaïs Albanese, DRH de Sebach France, aux petits soins pour les 120 collaborateurs de son entreprise : “Quand je fais le bilan à la fin de ma journée, j’ai coché seulement un ou deux items de ma to do”.

Mais alors, les DRH se feraient-ils aspirer par un étrange trou noir ? En réalité, c’est le quotidien de la fonction qui les accapare. “Les DRH avec qui je collabore sont tous pris par le “run”, l’actualité, et cela les détourne des sujets stratégiques”, constate Vesna Pajovic, experte en recrutement au mercato de l’emploi.

Problème de motivation dans l’équipe, format des primes, changement organisationnel, conflit entre deux salariés… Au quotidien, les DRH font face à de multiples sollicitations. “Les collaborateurs et managers viennent nous voir pour régler ces sujets foncièrement humains, et c’est passionnant. Mais à côté de cela, et même si nous sommes très bien outillés, nous avons également toute la partie administrative, gestion de paie etc.”, explique Camille Darde.

Le HRBP… attendu comme le Messie ?

Le hic, c’est que face à ces sujets qui arrivent de manière impromptue, chaque DRH a ses propres dossiers à faire avancer. Par exemple, Camille Darde a géré de A à Z l’implémentation de la semaine de 4 jours au sein d’elmy. Elle doit aussi faire monter en compétences ses managers sur les sujets de leadership, anticiper la gestion prévisionnelle des compétences…

Bref, son panier est bien plein et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’équipe RH s’est dotée depuis un an de plusieurs HRBP. Aujourd’hui, elmy compte 5 collaborateurs dans le département RH.

Pour Vesna Pajovic, la fonction de HRBP, majoritairement occupée par de jeunes RH âgés d’une trentaine d’années, permet précisément de répondre à cette problématique du “run”. Chez elmy, les HRBP sont répartis par type de population et sont ainsi le point de contact privilégié pour toutes leurs questions.

Cela a eu un impact considérable que je peux matérialiser sur mon agenda : avant, c’était moi qui répartissais les sujets. Maintenant, je ne suis plus le contact direct. J’interviens désormais au travers d’une posture de coach pour que les RH puissent se débrouiller au maximum seuls à l’avenir, ce qui est très différent d’autrefois”, nous explique Camille Darde.

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Temps court vs temps long

Pour la consultante au Mercato de l’Emploi, les HRBP permettent effectivement de soulager grandement les DRH. Ils peuvent ainsi se concentrer davantage sur le pilotage et la stratégie, mission d’autant plus importante à l’heure des multiples changements technologiques, mais aussi géopolitiques qui bouleversent notre monde.

À l’inverse, les HRBP travaillent plutôt sur le temps court. Ils ont cet aspect business qui est très challengeant dans leur fonction, mais qui est aussi une composante extrêmement stimulante. Ils doivent mettre en place de manière opérationnelle les directives stratégiques, en lien direct avec la Direction”, explique la consultante.

Cette structuration ne se limite pas aux grands groupes. Certaines PME optent pour des alternatives, comme l'externalisation partielle de la fonction RH, ou l’usage d’outils digitaux qui automatisent une partie du “run”. Un SIRH bien configuré, couplé à un chatbot RH ou à un module de gestion de charge, peut soulager significativement les équipes.

Une polyvalence autant subie que souhaitée

Pour Anaïs Albanese, qui évolue dans une PME plus conventionnelle, la taille de l’entreprise ne permet pas pour l’heure le déploiement de HRBP. “J’ai simplement une assistante pour la paie, autrement, je dois être sur tous les fronts. Si je dirigeais un grand groupe, je spécialiserais la fonction, c’est évident. Mais la polyvalence, c’est aussi ce que j’aime dans mon métier : je vais de la stratégie à l’exécution. Un bon RH se doit d’être présent et réactif au quotidien*”, estime-t-elle.

Alors, pour faciliter son quotidien et éviter d’éteindre des feux aux quatre coins de l’entreprise, la DRH de Sebach essaie de trouver des astuces pour mieux s’organiser, comme envoyer les bulletins de paie le matin plutôt qu’un soir à 17H, afin de pouvoir immédiatement répondre aux questions - inévitables - des collaborateurs qui vont se presser dans son bureau.

Même si mon agenda est chambardé au quotidien, il existe ne serait-ce que par la saisonnalité de notre activité RH : les entretiens annuels, les revues de salaire, etc. Il y a aussi un agenda spécifique à chaque activité. Pour ma part, je sais que je peux me concentrer sur les sujets de fond durant certaines périodes de l’année. J’anticipe ainsi mes rendez-vous deux mois en avance. Je m’astreins à une vraie discipline”, nous explique-t-elle.

Elle n’hésite pas non plus à laisser un peu de “slack” dans son agenda (l’art de laisser du mou, voir notre article à ce propos ndlr), pour ne pas fonctionner en permanence à flux tendu.

Un agenda à inconnues multiples… mais un agenda quand même !

Malgré des journées à équations doubles, les DRH continuent donc à chérir cette polyvalence qui les épuise tout autant qu’elle les stimule.

Camille Darde nous explique ainsi que tous les membres de l’équipe RH sont à même de prendre en charge des problématiques allant du recrutement au développement des compétences des collaborateurs.

Quant à Vesna Pajovic, elle estime que les besoins humains seront toujours plus importants que la stratégie. “Beaucoup de choses peuvent être anticipées avec de bons outils et le soutien de l’IA. Mais le vrai sujet des RH, en tant que fonction support, c’est le lien avec les équipes, et cela ne changera pas.

Le maître-mot demeure l’anticipation pour se délester des tâches à faible valeur ajoutée et se concentrer sur ce qui compte vraiment. Cette question de l’agenda requiert aussi une forme de lâcher-prise que j’ai appris au fur et à mesure des années. Quand on est perfectionniste, ce n’est pas simple, mais l’humain étant imprévisible… on apprend à prioriser !”, conclut Anaïs Albanese.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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