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Les flemmards, ces superhéros de la productivité ?

On dit que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Et si c’était le contraire ? Au fond, les flemmards ne seraient-ils pas des avant-gardistes à l’ère du slow ? Rencontre avec ces dignes représentants de la loi de Pareto qui ont plus d’un tour de passe-passe à nous enseigner. Ce ne sont pas des bourreaux de travail, et ils l’assument !


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Si l’on s’en tient à une définition au pied de la lettre, le fainéant est celui qui n’aime pas faire d’efforts. Mais la question véritable est : travailler, est-ce toujours fournir un effort ? Car le point commun de nos flemmards en chef n’est pas qu’ils passent leur vie à glander sur le canapé, mais qu’ils tentent au maximum de se débarrasser de tout ce qui les désintéresse au plus haut point (coucou le bore-out). “Il y a des tâches répétitives dans mon travail que je déteste faire. Alors je vais essayer de tout mettre en place pour m’en débarrasser afin de me concentrer sur ce que j’aime”, nous explique Apolline, fondatrice du média Our Millennials Today. Un peu fâchée avec les horaires de bureau classiques (son cerveau a visiblement du mal à se mettre sur “on” le matin), elle ne travaille pas plus de 28H par semaine.

Ne pas se tuer à la tâche, c’est aussi le crédo de Fabrice, spécialisé dans l'accompagnement de dirigeants. Loin de l’image d’Epinal du solopreneur qui cherche à tout prix à scaler, on pourrait facilement le qualifier de slow freelancer. “Je cherche avant tout à m’éclater dans mon travail. En acceptant ma nature, je conserve de l’énergie pour ce que j’aime et ce pour quoi je suis bon. Et puis, je ne serai jamais le mec qui travaille 70H par semaine pour réussir. Je préfère garder du temps pour mes proches et mes loisirs”, nous confie-t-il.

Quant à Boutayna, entrepreneure et fondatrice de The Helpr, elle cultive une forme de douce paresse depuis sa plus tendre enfance. “J’ai toujours eu une certaine langueur physique. Je n’ai jamais aimé la compétition et j’ai réussi sans trop en faire, même si cela m’a parfois joué des tours. Ma philosophie est de dépenser le minimum d’énergie pour atteindre le maximum de qualité”, explique-t-elle. Son secret ? Il s’agit du même que celui de Fabrice et Apolline : l’HYPERPRODUCTIVITÉ

Leurs tips pour en garder sous le coude 

1. Chronométrer ses différentes tâches

Avant d’être des partisans du moindre effort, nos interviewés sont finalement des êtres très organisés. Pour se délester de tout ce qui ne les met pas en transe, ils ont commencé par tracker leur temps de travail. “J’ai chronométré le temps que je passais sur mes différentes tâches. Suite à ça, j’ai pu identifier ce que je n’aimais pas faire et qui me prenait beaucoup de temps pour pas grand chose. Mon objectif ? Faire entrer mes 35 heures de travail en 28”, explique Apolline. 

2. Automatiser

Il existe de plus en plus d’outils pour éviter la répétition de certaines tâches qui n’ont aucune valeur ajoutée (template de mail, programmation de posts, tracking des données etc), et ça, c’est le pied pour les flemmards ! “Cela fait des années que je fais de la veille sur ces outils. Cela me permet de gagner un temps fou et de me concentrer sur le coeur de mes projets”, concède Fabrice. Ses chouchous ? Notion comme à peu près tous les travailleurs en 2023, Tana (un outil plus complexe de gestion de projet), ou encore Redwise Reader (pour capturer facilement du contenu). Bien sûr, Calendly lui procure un gain de temps considérable dans la prise de ses rendez-vous. 

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3. Du cadre et de la méthode

Pour réussir quand on est flemmard, il faut en réalité faire preuve de rigueur. Adepte du knowledge management, Boutayna a développé sa propre méthode qu’elle documente, partage à ses équipes, et améliore en continu. Quant à Apolline, elle a choisi une option radicale : elle n’hésite pas à annoncer sur ses réseaux sociaux la diffusion prochaine de sa newsletter, histoire de ne pas pouvoir procrastiner indéfiniment en prenant le monde entier pour témoin. “Je suis également accompagnée par un incubateur ce qui me force à rendre des comptes chaque mois”, affirme-t-elle. 

4. Écouter son corps

Le glandeur est un être qui sait écouter ses besoins, et surfer avec son état de fatigue et d'énergie. Même s’il aime lézarder, pas question de brasser du vent en restant devant son ordinateur sans rien produire. “Selon la semaine que je passe, mon cycle menstruel ou tout autre facteur, j’adapte mon rythme sans jamais me culpabiliser”, nous confie Apolline. Par exemple, quand elle sait qu’une tâche lui est coûteuse (comme réseauter car elle est introvertie), elle va adapter en conséquence les heures qui vont précéder ce moment redouté.

5. Se  mettre en mode hibernation

Ralentir pour mieux repartir, c’est le mantra de Boutayna. Pour y parvenir, elle se fixe chaque jour trois objectifs, et c’est bien simple : toutes ses tâches doivent en découler, le reste étant considéré comme superflu. Elle n’a alors aucun mal à se mettre en mode off et à repousser à plus tard ce qui n’est pas à l’ordre du jour. “Je déteste cette société de l’instantanéité. J’ai personnellement besoin de beaucoup marcher chaque jour, de prendre l’air pour me ressourcer, de dormir. Les gens pensent que je suis une machine car je produis beaucoup, mais en réalité, je m’épuise vite et j’ai tout à fait conscience de mes limites”, explique-t-elle. 

6. Ne pas chercher la croissance à tout prix

Assumer d’en faire moins, s’autoriser à flemmarder, cela peut aussi passer par accepter de gagner moins. C’est en tout cas le parti pris de Fabrice. Micro-entrepreneur depuis 10 ans, il s’est fixé pour objectif de ne pas dépasser les 38K annuels afin de ne pas avoir à déclarer de TVA, et donc se coltiner tous les tracas administratifs qui vont avec. “Personnellement, j’ai suffisamment d’argent pour vivre comme je l’entends, et cela m’enlève beaucoup de charge mentale”, estime le trentenaire. 

7. Déléguer au maximum

Qu’il s’agisse de confier un projet à un collaborateur, de former un collectif de freelance ou encore de payer un service pour effectuer une tâche, déléguer est un trait commun de tous nos super flemmards. Dans le cas d’Apolline, travailler avec d’autres freelances lui permet de ne pas avoir à se farcir ce qu’elle déteste faire, et donc ce pour quoi elle est moins douée (car en général, ça va ensemble). Fabrice, lui, délègue tout ce qui peut l’être pour “cleaner son quotidien” en s’armant d’une excellente stack technique. Quant à Boutayna, elle n’hésite pas à faire confiance à ses équipes et à leur confier un maximum de responsabilités. 

8. Ne pas se comparer

Pour bien vivre sa flemmardise, Boutayna fait très attention à ne jamais se comparer aux autres. Exit les vanity metrics. Ce qui compte pour elle, c’est d’être la meilleure dans sa zone de force. “Se comparer aux autres est le meilleur moyen d’envoyer le message au cerveau que c’est trop difficile, et donc de se décourager”, estime-t-elle. Et parce qu’elle s’applique ce mantra à elle-même, elle le diffuse aussi auprès de son équipe : “je n’hésite pas à m’ouvrir sur ma vraie nature pour ne pas créer d’illusion auprès de mes collaborateurs. Je suis très productive dans un temps court parce que je n’hésite pas à prendre des raccourcis mais aussi à me reposer”.

9. Se mettre des carottes

L’autre point commun de nos trois smart fainéants est qu’ils n’hésitent pas à s’offrir des récompenses. Déjà, ils commencent leur semaine par la mise au point de leur agenda pour se ménager des temps de repos. Par exemple, Fabrice se fixe une grosse session de travail chaque jour, mais aussi du temps pour pratiquer le yoga entre midi et deux, ou faire de la musique. Apolline aime de son côté gamifier son travail en se créant par exemple un calendrier de l’avent à l’approche de Noël. Quant à Boutayna, elle n’hésite pas à s’offrir des moments de plaisir. Et de conclure “je crois finalement que tout créatif qui se respecte doit cultiver sa paresse”.

À la sieste, citoyen‧ne !

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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