Pour en finir avec la vision des RH comme fonction support, réinvestissons le binôme RH-manager

“Quand il y a un truc et que tu sais pas où le mettre, ça finit aux RH” amorce Alexandre Malarewicz, DRH et co-fondateur du logiciel RH Empowill. Cette vision d’un scope un peu fourre-tout, un peu “pot pourri” oserais-je dire, donne d’emblée une image assez nette des problématiques qu’affrontent les ressources humaines au quotidien.
Mais comment expliquer qu’on se décharge à ce point sur ces équipes, dont on sait aujourd’hui qu’elles jouent un rôle-clé dans la stratégie et le business d’une entreprise ? Et n’est-ce pas intimement liée à une défaillance de la relation RH-manager ?
Une ambiguïté des périmètres
La première brique d’explication est liée à l’évolution de la profession, aujourd’hui caractérisée par “la charge de travail, mais aussi la diversité et la complexification des missions” pointe Alexandre Malarewicz.
Un métier qui s’est métamorphosé tellement rapidement ces 15 dernières années qu’on ne sait plus très bien où commence et où s’arrête le périmètre RH, ce qui explique une forme de sur-sollicitation de la part des autres collaborateurs. “C’est la fonction support par excellence, c’est la fonction support des fonctions supports” résume Alexandre Malarewicz.
Mais une autre fonction partage cette forte dimension support : les managers. “Ils ont, eux aussi, un empilement de responsabilités : on demande à un manager d'être expert, d'être coach, d'être bon en feedback, d’être valorisant, etc” pointe le DRH. Si ces deux fonctions font face à des défis similaires, les RH expriment le besoin de pouvoir davantage compter sur les managers. Et il serait peut-être temps de remettre au goût du jour la notion, certes un peu galvaudée, du “manager, premier RH”.
“Je vois plein de RH qui se chargent la hotte en disant : ‘Moi, je vais sur le terrain, je vais parler aux salariés, je veux être proche des équipes’ mais ils n'ont pas de relai managérial. Du coup, ça rajoute de la charge mentale, de ne pas pouvoir s'appuyer sur les managers pour faire transiter un peu l'application des process, la vision RH, la culture d’entreprise, les valeurs” observe Alexandre Malarewicz.
Des défaillances managériales, entre manque de courage et défaussement de leurs missions RH
Les missions RH ont quelque chose de poreux, et pénètrent aussi le scope des managers. Déjà en 2011, un livre blanc de l’Ifop pointait les domaines RH dans lesquels les managers doivent intervenir : recrutement (78%) et formation en tête (65%), mais il relevait une moindre implication dans la gestion des rémunérations (53%), la gestion des carrières (34%) ou encore le dialogue social (24%).
“Pour toutes ces missions de ressources humaines, les rôles de chacun demeurent le plus souvent implicites, ou ne sont explicités qu’en termes très génériques : il n’existe généralement pas de répartition des rôles formalisée ou connue entre les différents niveaux de la Direction des Ressources Humaines, le management de proximité et le top management” peut-on lire dans le rapport. Un flou artistique qui contribue parfois à un comportement démissionnaire.
Près de 15 ans plus tard, le constat reste le même concernant les tâches dont les managers se désengagent : “les augmentations, les sujets de carrière, tout ce qui est objectifs, même des points de feedback, de culture d'entreprise, de process qui ne sont pas respectés” liste Alexandre Malarewicz. “Le RH peut se retrouver, dans des cas de harcèlement, à devoir gérer des situations qui ont complètement dérapé parce que les managers n'ont pas du tout été à l'écoute” poursuit-il. Un effet de déresponsabilisation qui nuit beaucoup à la posture du RH.
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“Nous, ce qu'on constate beaucoup en interne, c'est la question du manque de courage managérial. Pas tant parce que les managers ne sont pas courageux que parce qu'ils ne sont pas formés, nuance le DRH. Le RH ne peut pas être sur tous les fronts en permanence sur le terrain. Si le manager n'est pas embarqué sur ces sujets, ça peut déraper” relève le DRH.
De là, l’urgence à réinvestir la relation RH-manager, tant par une responsabilisation des managers que par un meilleur accompagnement de ces derniers côté RH. “Ce que je conseille aux RH, c’est : va montrer à tes managers que tu les connais. Connais leur métier, leurs KPI, leur historique, leurs enjeux, leurs difficultés. Va sur le terrain, discute avec ton manager et bluffe-le, que le mec se dise : “Mais en fait, tu connais mon job quoi, tu sais ce que je fais. Ok, viens, du coup, je te parle de mes problèmes”. Et là, le RH peut progressivement embarquer, peut sensibiliser, etc. Ça prend du temps, surtout dans des boîtes où la culture n'est pas du tout comme ça, mais avec de la pédagogie et de la patience, ça se fait” prêche-t-il.
Soigner la relation RH-manager, c’est rendre plus efficiente la politique RH, mais c’est aussi libérer du temps aux ressources humaines pour leur permettre de réinvestir leur rôle fondamental : celui de business partner.