Les 5 principaux irritants du recrutement (et comment y remédier)

À l’heure où les entreprises peinent parfois à attirer les bons profils, soigner l’expérience candidat n’est plus une option, mais une nécessité. Pourtant, entre maladresses et automatismes, les processus de recrutement continuent souvent de froisser ceux qui postulent.
L’étude menée par l’EM Normandie et le SAV du recrutement dresse une liste claire des principaux irritants ressentis par les candidats. Recruteurs, à vos stylos : voici les cinq erreurs les plus courantes… et surtout, comment les corriger.
1. Les mails automatiques, ça pique !
😬 Ce qui irrite : Les candidats perçoivent l’automatisation comme une preuve de désintérêt. Recevoir un message générique ou une fiche de poste impersonnelle donne l’impression d’être un dossier parmi tant d’autres.
🤔 C’est quoi le problème recruteur ? Pour Gauthier Riesi, co-fondateur de 359, l’automatisation est compréhensible sur certains types de recrutement : “pour des postes volumiques, type sales ou jeunes diplômés, on a parfois besoin de process très industrialisés. Mais sur des profils expérimentés, no way ! Nous devons avoir une approche ultra-personnalisée. On ne peut pas se permettre d’envoyer un mail automatique, et encore moins un lien Calendly”.
De son côté, Anissa El Ali, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi, abonde : “quand je reçois 80 candidatures en trois jours, je dois forcément automatiser une partie du tri. Le CV reste l’élément de sélection principal. Mais dès qu’un échange s’engage, je privilégie le contact direct”.
💊 L’antidote : Miser sur la qualité plutôt que le volume. “Il vaut mieux solliciter 30 bons candidats que 100 profils moyens de façon automatisée”, conseille Gauthier. “L’IA peut aider à personnaliser les messages, mais c’est notre capacité relationnelle qui fait la différence. Ressources humaines = relations humaines”. Anissa complète : “dès que le contact est établi - un appel, un rendez-vous - on abandonne l’automatisé. C’est le minimum pour respecter l’investissement du candidat”.
2. Les critères cachés pas francs du collier
😬 Ce qui irrite : Les candidats ont le sentiment que les critères de sélection ne sont pas ceux affichés dans l’annonce. Et cela provoque la trilogie du malheur : incompréhension, frustration et perte de confiance.
🤔 C’est quoi le problème recruteur ? Gauthier Riesi pointe le manque de clarté côté entreprise : “trop souvent, les fiches de poste sont génériques. On copie-colle d’un job à l’autre, sans tenir compte du contexte, du niveau de maturité de l’entreprise, ou du vrai besoin du manager”. Il déplore que certains RH se contentent de retranscrire une “liste de courses” au lieu de challenger le manager. “C’est encore plus flagrant sur les postes rares, comme les Chief of Staff : les critères restent flous, car mal définis dès le départ”.
Anissa El Ali confirme : “Il peut arriver que certains RH ne connaissent pas suffisamment le terrain. Résultat : des fiches idéalisées, inatteignables car le profil idéal n’existe pas”. Elle regrette aussi que certaines offres soient trop dissuasives : “J’ai vu des jeunes ne pas postuler parce qu’ils n’avaient pas une compétence parmi dix, alors qu’ils correspondaient à 70 % et avaient toutes leurs chances”.
💊 L’antidote : Côté RH, travailler les fiches de poste au plus proche de la réalité, histoire de renoncer au mouton à 5 pattes. Gauthier suggère d’utiliser l’IA pour adapter les offres selon la culture d’entreprise, mais surtout d’apprendre à mieux challenger le manager sur ses besoins. “Le vrai enjeu, c’est la qualité du brief de départ”, estime-t-il.
Côté annonce, Anissa recommande un dosage plus intelligent : “On doit afficher les critères sélectifs vraiment bloquants, mais laisser aussi des “nice to have” pour ne pas fermer la porte à de bons candidats. Et surtout : afficher la rémunération, être transparent”.
3. Entre sélection et séduction, ne devenez pas le Bachelor du recrutement
😬 Ce qui irrite : Le candidat ne sait jamais s’il doit convaincre ou se laisser convaincre. Ce flou alimente une relation déséquilibrée, parfois inconfortable.
🤔 C’est quoi le problème recruteur ? Pour Gauthier, le recrutement suit une logique de phases : “au départ, c’est au candidat de faire ses preuves, de se mettre à nu. Mais plus on avance dans le process, plus c’est à l’entreprise de séduire”. Il rappelle aussi que le recrutement reste un métier profondément humain : “même avec des scorecards et des outils pour objectiver, il y a toujours une part de subjectif. Nous ne sommes pas des robots”.
Anissa, elle, insiste sur l’importance de l’écoute en amont pour ne pas tomber dans ce piège de la séduction à outrance côté entreprise : “je commence par comprendre le projet du candidat, ce qu’il cherche. Ce n’est qu’ensuite que je mets en avant les atouts du poste, s’il y a correspondance”.
💊 L’antidote : Adopter une approche progressive et structurée. Gauthier conseille de “monter en intensité émotionnelle au fil du process”, pour que la séduction n’arrive ni trop tôt, ni trop tard. Anissa recommande de préparer des grilles d’entretien semi-directives, avec des questions équivalentes pour tous : “cela permet de comparer objectivement les profils, tout en laissant place à l’échange”.
4. La loi du marché qui fait mal
😬 Ce qui irrite : Les candidats ont parfois l’impression que tout est dicté par la pénurie ou l’abondance d’un profil, que leur valeur dépend uniquement du contexte économique. Et quand cela ne joue pas en leur faveur, la frustration pointe rapidement.
🤔 C’est quoi le problème recruteur ? Depuis sa fenêtre, Anissa El Ali constate que l’équilibre entre offre et demande varie beaucoup selon les métiers : “en marketing, les salaires stagnent. Mais sur des profils BTP ou techniques, ce sont les candidats qui fixent les règles”. Cependant, Gauthier Riesi voit cependant des signes positifs : “avec les lois sur la transparence des salaires, les choses bougent. On va devoir arrêter de négocier à la tête du client. Demain, ce sont les compétences qui primeront et on pourra apporter beaucoup plus d’éléments d’explication sur les niveaux de rémunération”.
💊 L’antidote : Côté entreprise, on peut adopter une grille salariale lisible et évolutive. Comme l’explique Gauthier : “une grille bien construite avec des critères tangibles permet à un candidat qui serait frustré par son niveau de rémunération actuel, de pouvoir se projeter sur le long terme en comprenant sa possible évolution future”. De son côté, Anissa estime qu’il vaut mieux valoriser des éléments différenciants autres que le salaire : “pour un chauffagiste, ne pas faire d’astreinte peut peser aussi lourd qu’un bonus. Les recruteurs doivent mettre en avant ce qui compte vraiment pour le candidat”.
5. Ghoste-moi si tu peux
😬 Ce qui irrite : Le silence radio, en plein process ou après un entretien, est vécu comme une trahison. C’est sans doute le pire des irritants.
🤔 C’est quoi le problème recruteur ? Gauthier Riesi relie ce phénomène à la déshumanisation globale : “on a tellement industrialisé les process qu’on oublie qu’il y a quelqu’un de l’autre côté. Et c’est une spirale infernale : les candidats ghostent à leur tour car ils se sentent ghostés”. Il explique que pour l’éviter, il faut “créer dès le premier message un vrai engagement relationnel. Moi, je n’approche jamais un candidat sans recommandation : ça change tout. Le lien est plus fort, l’attention aussi.”
Anissa reconnaît que le ghosting touche tout le monde : “il m’est arrivé de ne pas avoir de retour côté entreprise, de relancer plusieurs fois sans réponse de mon client, et du coup, de ne pas pouvoir éclairer le candidat. Bref, on a tous été le “méchant” dans un process, mais ce n’est pas une excuse pour ne pas essayer de faire mieux”.
💊 L’antidote : Suivre chaque candidature jusqu’au bout, même si la réponse est négative. “Il vaut mieux rappeler un candidat deux semaines plus tard que ne rien dire. Et surtout, donner un retour constructif », insiste Anissa. Et puis on peut utiliser des outils de suivi candidats, pour éviter les oublis : “finalement, cela peut sembler antinomique avec les critiques sur l’automatisation, mais l’IA peut justement permettre d’éviter ces oublis. Quoi qu’il en soit, mettez-vous toujours dans les baskets de l’autre. Si vous étiez candidat, comment aimeriez-vous être traité ?”.