Je suis venue te dire que je… n’organiserai pas ton pot de départ
Réserver le traiteur pour la fête de Noël, proposer une idée de lieu pour le prochain team building, ou encore organiser la cagnotte de Josiane… Tiens, c’est drôle mais c’est (presque) à tous les coups une femme aux manettes ! Au sein de l’entreprise comme à la maison, la charge du travail gratuit revient encore et toujours aux mêmes. L’heure de la révolte a sonné.
Elle le certifie : non, elle n’a pas de “Doctorat en sciences du drive Auchan”. Pourtant, pas de bol, c’est toujours sur elle que ça tombe. Juliette*, 37 ans, CMO dans une startup, a longtemps campé le rôle de l’ancienne scout supra organisée, dont la fiabilité et la rapidité d'exécution dans les tâches organisationnelles semblaient avoir laissé sur le carreau ses comparses masculins. “Tout a commencé lorsque j’ai recommandé un traiteur pour une soirée. Comme cela s’est très bien passé, du coup, on m’a demandé ensuite de manière automatique de m’occuper de ce type de tâches”, témoigne-t-elle.
Pourquoi être sympa ne vous fera pas avancer d’un iota
Et des Juliette, il y en a à la pelle dans les entreprises, toujours promptes à rendre service pour huiler les relations entre collègues en organisant ces moments fédérateurs. “Ne vous détrompez pas, je ne remets pas en cause l’importance de ces tâches. Le problème, c’est que ce type de mission n’est pas valorisé, et incombe toujours aux femmes”, lance Sarah Zitouni, autrice de l’ouvrage Comment réussir ta carrière sans y laisser ta peau (Hugo Publishing).
Ces petites missions qui n’ont l’air de rien portent un nom : “les tâches non promotables”. Autrement dit, celles qui ne permettront ni d’obtenir une promotion, ni une revalorisation de salaire. “Pire, elles peuvent même ralentir la carrière des femmes en les empêchant d’utiliser leur énergie pour renforcer certaines de leurs compétences, se positionner dans certains événements, certaines réunions”, souligne Charlotte Fortuit-Klein, coach et conférencière en entreprise.
Comme à la maison
La dynamique que l’on observe dans les entreprises est identique à celle qui divise encore les foyers (environ 70% du travail domestique et familial est réalisé par les femmes). Tout comme le travail domestique gratuit, ces tâches ne sont pas valorisables, car pour l’heure, elles incombent aux femmes (oui, oui, on tourne un peu en rond, mais difficile de savoir qui est l'œuf, et qui est la poule). “Une étude a par exemple démontré que quand un métier se féminise, il perd en prestige et salaire. Et l’inverse est vrai comme pour l’informatique qui était à l’origine un travail féminin, et donc peu reconnu”, poursuit Sarah Zitouni.
De son côté, même si elle s’est coltiné pendant des années l’organisation du team building de son entreprise, Juliette se veut plus mesurée. “Je crois que c’est plus une question de caractère que de sexe. Et puis, j’avais un collègue homme à qui l’on demandait toujours d’animer les événements, de créer des jeux sympas”, nuance-t-elle.
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La technique du lave-vaisselle…
Bon, on vous arrête tout de suite. Loin de nous l'idée de faire l’apologie d’une société ultra-individualiste. “D’ailleurs, une société qui serait dirigée selon des principes féminins serait plus agréable. Le hic, c’est que nous nous accordons tous à dire que le care est important, il y a cette idée que tout le monde peut le faire, et donc que cela ne mérite pas d’être valorisé”, martèle Sarah Zitouni.
Elle cite d’ailleurs une conversation partagée avec un médecin à l'hôpital qui se plaignait de devoir vider le lave-vaisselle comme une aide-soignante, parce qu’une minute de son temps de travail était gâchée (pour les finances publiques of course). Un vrai filou du lave-vaisselle j’vous dis !
Autrement dit, si les tâches de type organisation, logistique et lien social permettaient d’avancer plus vite sur l’échiquier, il serait fascinant d’observer davantage d’hommes se bousculer au portillon pour ramener une quiche lorraine maison (la prochaine fois, c’est vous qui apporterez les chips au bacon salé).
Alors, puisque ces tâches ne sont pas promotables, et même si c’est un dilemme moral, Charlotte Fortuit-Klein invite toutes ses consœurs à “démissionner du rôle de la femme maternante qui n’a pas lieu d’être en entreprise”. Bien sûr, ce n’est pas facile (mais salutaire pour la charge mentale), puisque nous avons été en partie conditionnées à remplir ce rôle. “Nous avons été élevées dans la croyance qu’en tant que femme, surtout dans l’entreprise, nous avons une légitimité “à être” uniquement si nous sommes utiles. On donne beaucoup, mais on ne demande pas trop”, analyse-t-elle.
Renvoyez la balle dans l’autre camp !
En pratique, qu’est-ce que cela donne ? Et bien la prochaine fois que l’on demandera “qui veut se charger d’organiser le secret santa de l’équipe ?”, ne dégainez pas la première ! Attendez de voir si des hommes se dévouent aussi (et si vous êtes un homme en train de lire, levez la main spontanément… ou au moins pour voir).
Les systèmes de binômes H/F peuvent aussi être une bonne solution, ou des roulements de tâches clairement identifiés. Et si l’on vient vous voir pour vous solliciter directement parce que vous êtes la queen de l’orga des soirées karaoké, sachez que vous êtes toujours en droit de refuser.
Soyez assertive et factuelle : vous pouvez fixer vos propres limites. Quant au pot de départ de Josiane, c’est simple, c’est à son manager de s’en occuper (ou bien à Josiane elle-même comme cela se fait de plus en plus en entreprise). Enfin, n’oublions pas qu’il existe aussi des office managers dont le JOB est justement de prendre en charge ce type de logistique. CQFD.
*Le prénom a été modifié