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Promotion sans augmentation : faut-il absolument dire non ?

On a coutume de penser qu’obtenir une promotion, c’est la voie royale pour décrocher une augmentation. En soi, ce n’est pas faux. Sauf que dans la réalité, 42% des salariés se sont déjà vu proposer une promotion sans augmentation (sondage Echos START). Et parmi eux, les deux tiers l’ont acceptée. À tort ou à raison ?


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Après sept années de bons et loyaux services, Julie* s’est vu proposer une promotion en tant que spécialiste du marketing dans une entreprise du secteur automobile. Le deal ? Doubler son périmètre d’action sans pour autant décrocher une augmentation. “J’ai accepté car nous venions d’être rachetés par un groupe et que l’on ne connaissait pas encore la qualité de mon travail, et puis j’avais le goût du challenge. Cela m’a donné la niaque”, relate-t-elle.

Sauf que six mois plus tard, lors de la période des augmentations, la voilà qui déchante : alors que tous les voyants sont au vert et que ses supérieurs la félicitent pour son travail, pas un centime de plus ne scintille à l’horizon. Mais parce qu’on la change de structure de rattachement, Julie n’ose pas aller réclamer cette augmentation qu’elle pense pourtant mériter amplement.

C’est alors que son employeur décide de lui offrir un gain d’argent… mais en lui payant ses heures sup’ tout en lui sucrant ses RTT. “L’entreprise me l’a présenté comme un gain d’argent, alors que c’était juste légal”, souligne-t-elle. Un an et demi après sa prise de poste, l’augmentation tant espérée arrive enfin. Sauf que là, c’est encore la douche froide : 50€ bruts mensuels !

J’aurais préféré qu’ils les donnent à une association, c’était presque insultant”, s’insurge-t-elle, d’autant que son salaire d’entrée dans l’entreprise n’était clairement pas mirobolant. Au final, Julie finit par quitter son entreprise. Un mal pour un bien selon elle. “Si cela ne s’était pas produit, je n’aurais pas été à l’écoute du marché, et je serais sûrement restée encore plusieurs années dans cette entreprise, sans perspective d’évolution”, conclut-elle, philosophe.

Les deux types d’augmentation

Si le cas de Julie semble clairement injuste, il n’est pas isolé. CMO chez Skillup, Selma Chauvin estime qu’il existe deux typologies d’entreprise.

Dans la première, la promotion va toujours avec l’augmentation. “Mais en contrepartie, on attend que le promu remplisse à 100% son job, immédiatement, pointe notre interlocutrice. Autrement, c’est la sortie ! Fort heureusement, si l’entreprise fait ce pari, c’est qu’elle croit en les capacités du promu.

Dans la seconde, la personne qui obtient la promotion doit d’abord prouver qu’elle a les capacités de remplir ses nouvelles fonctions avant de valider son augmentation.Dans ce type d’entreprise, le processus de promotion interne peut être plus lent, en revanche, quand la personne obtient son augmentation, c’est qu’elle a vraiment fait ses preuves”, analyse Selma Chauvin.

D’après la CMO, les deux cas de figure sont entendables, et répondent à des philosophies d’entreprise différentes. Charge à chaque collaborateur de mesurer sa propre appétence au risque.

Pourquoi l’augmentation ne suit-elle pas forcément la promotion ?

Pour en revenir au second cas de figure (celui qui fait l’objet du présent article), on peut creuser un peu plus en profondeur les raisons pour lesquelles une entreprise n’octroie pas systématiquement d’augmentation.

  • La promotion est une transformation de poste, pas une création de poste. Du coup, l’augmentation ne peut intervenir que lors de la période classique des augmentations.
  • L’employeur préfère attendre que l’employé fasse ses preuves, car quand bien même, il serait rétrogradé, il ne sera pas possible de revenir sur son salaire.
  • La promotion peut aussi être une stratégie de la part du n+1 pour faire passer une augmentation en force. “Il est plus facile de changer le titre d’une personne, puis de demander son augmentation en deux ou trois temps”, souligne Selma Chauvin.

Il est également important de noter qu’une promotion se passe souvent d’augmentation quand elle est horizontale, c’est-à-dire que la personne prend un job dans une sphère qu’elle ne maîtrise pas encore (passer de la tech au marketing par exemple), ou encore si elle devient experte. “Auquel cas, il est difficile d’objectiver le temps supplémentaire que la personne va consacrer à sa posture de référent, et de le valoriser financièrement”, poursuit la CMO.

Dans tous les cas, il est essentiel que le promu bénéficie de clarté sur la suite du process. S’il n’est pas augmenté dans l’immédiat, il doit connaître les étapes à suivre pour y parvenir.

Le petit conseil en + de Selma Même si vous n’avez pas votre augmentation directement, voyez votre n+1 comme votre allié et non pas quelqu’un qui cherche irrémédiablement à vous arnaquer. Demandez-lui comment vous pouvez l’aider pour qu’il puisse à son tour défendre et obtenir votre augmentation. S’il vous a identifié comme un talent, c’est qu’il est certainement prêt à se battre pour vous”.

Alors, y aller… ou pas ?

Malgré sa mauvaise expérience, Julie ne regrette pas son choix. “Je trouve cela normal de devoir prouver sa valeur à un nouveau poste, sur de nouveaux objectifs. Je pense qu’il faut accepter la promotion quand elle arrive, surtout si l’on est jeune et que l’on a besoin d’acquérir de l’expérience. En revanche, si on remplit ses objectifs, l’augmentation doit intervenir dans les mois qui suivent”, affirme-t-elle.

Un point de vue partagé par Selma Chauvin qui recommande de saisir la promotion au vol dès lors que l’on aspire à progresser dans sa carrière. Au mieux, l’augmentation arrivera par la suite si la promotion est validée, au pire, vous aurez davantage de cordes à votre arc pour postuler ailleurs, conseille-t-elle. De plus, il est intéressant de prendre en considération la nature des compétences qui vont être développées, et leur corrélation avec l’objectif visé à plus long terme.

Par exemple, Selma nous explique avoir passé un an dans un service commercial pour ensuite gagner en crédibilité en tant que CMO, le poste qu’elle convoitait. “J’ai souvent baissé mon salaire en changeant de structure car j’allais vers des domaines que je maîtrisais moins. Mais je savais pourquoi je le faisais, et bien sûr, j’avais la vision de rattraper puis dépasser mon salaire d’avant. C’est important d’envisager les choses de manière pérenne et de s’orienter vers ce qui nous rendra heureux, même si cela engendre un inconfort temporaire, puisque tout changement est coûteux”, conseille-t-elle.

Accepter une promotion ne doit pas non plus empêcher le promu de faire un état des lieux de ses lacunes pour voir comment son employeur peut l’aider à les combler. Par exemple : existe-t-il un programme de mentorat pour les jeunes managers ? Un budget formation dédié ? Une communauté de pairs en interne pour discuter ? Poser ces questions, c’est s’assurer de saisir cette opportunité de manière éclairée.

Enfin, répétons-le une dernière fois, il ne faut pas hésiter à aller voir ailleurs si la prise de poste est un succès mais que l’augmentation n’intervient pas dans l’année. L’essentiel étant de ne pas garder de rancœur envers son employeur, et surtout de mettre de la valeur face au travail et aux compétences que l’on a.

*Le prénom a été modifié.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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