Période d’essai rompue : “subie ou voulue, la rupture est toujours un échec”
Commencer un nouveau job est toujours porteur d’espoir et d’enthousiasme pour l’avenir. Alors, que se passe-t-il quand l’essai n’est pas transformé ? Témoignages.
Juliette : “Je me suis permis une phrase qui n’a sans doute pas plu”
Sortie des effectifs avant même d’avoir commencé : c’est la drôle d’histoire de Juliette qui s’apprêtait à démarrer un job de DRH dans une association en Allemagne avant que son employeur ne coupe net la collaboration. Mais rembobinons le fil de l’histoire. C’est au terme d’un processus de recrutement composé de trois entretiens puis d’un contrôle de références que la jeune femme décroche le job.
Durant cette phase, Juliette ne relève rien qui laisse présager la suite de l’histoire. “Normalement, je pense avoir un radar pour détecter les personnes imbues d’elles-mêmes, mais ici, j'étais convaincue. J’avais beaucoup discuté des contours du poste et exprimé mes souhaits. La seule chose qui aurait pu me mettre la puce à l’oreille, c’est cette phrase du Président répétée à plusieurs reprises : “t’as vu, on est gentils”, ce qui, ironie du sort, s’est révélé particulièrement faux par la suite”.
Invitée à participer au séminaire de l’entreprise avant sa prise de poste, c’est a priori là que tout a dérapé. “On m’avait recrutée pour permettre aux dirigeants de se rapprocher des équipes, alors je me suis permis une phrase qui n’a sans doute pas plu”. Alors que tout le monde était à table, le comité de direction parlait de cas de litiges dans l’entreprise. À ce moment-là, Juliette entend le Président dire “oui, il faut qu’il dégage”. Elle se permet d’intervenir en rappelant qu’il y a des salariés juste à côté et qu’ils peuvent écouter cette discussion à tout moment. “Le Président est devenu rouge de colère et m’a dit que je n’avais pas à lui donner de leçons”.
Suite à cet incident, l’association demande à Juliette de commencer à distance, sans lui envoyer son ordinateur, avant de lui signifier la rupture de sa période d’essai dans les heures suivant sa prise de poste. “Le plus difficile est que je n’ai eu aucune explication, et que j’ai dû de surcroît me battre pour faire respecter mes droits légaux. C’est comme si on ne me respectait pas”.
Après la rupture, Juliette a traversé une phase stressante, tant d’un point de vue financier que psychologique. Bien sûr, elle ne regrette pas de ne pas avoir poursuivi dans une entreprise qui s’avère être aux antipodes de ses valeurs. “Quelque part, c’est le jeu quand on change de job. On ne peut pas tout savoir même si les choses paraissent parfaites de prime abord. À l’inverse, je me souviens de managers qui ne m’avaient pas fait forte impression au démarrage et qui ont pourtant été les meilleurs de ma carrière”.
Désormais, Juliette a hâte de démarrer un nouveau job pour enterrer une fois pour toutes cette histoire ubuesque et désarmante.
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Léa : “Je n’ai pas vraiment osé dire pourquoi je partais”
Une levée de fonds prometteuse, des dirigeants ultra-enthousiastes, la promesse d’une croissance rapide : sur le papier, tous les voyants sont au vert quand Léa démarre un job de community builder dans une startup. Elle fait partie des premiers employés de l’entreprise, la première femme qui plus est.
Au départ, tout se passe sous les meilleurs auspices. Toutefois, son employeur renouvelle automatiquement sa période d’essai au bout de trois mois, parce qu’il s’agit de la politique de la maison. “Sauf que, cela m’a finalement donné l’opportunité de continuer à réfléchir. Or, au bout de quatre mois, je me suis retrouvée à faire de la démo produits alors que ce n’était pas ce pour quoi j’avais signé”.
Finalement, l’élément déclencheur survient lors d’un weekend entre amis en milieu agricole. “J’ai eu le plus grand mal à décrire ce que je faisais, comme si mon métier était impalpable. Je n’étais plus certaine d’être alignée avec les objectifs de l’entreprise. Mon CEO me disait que ce que je faisais était génial alors que j’avais la sensation de ne pas faire grand-chose”.
Peu à peu, la motivation de la jeune femme s’étiole jusqu’à ce qu’elle peine à se lever le matin. “L’ambiance était bonne au bureau, mais je n’étais clairement pas en mode wahoo vis-à-vis du travail. J’ai fini par craquer lors de ma visite chez le médecin du travail où une fois de plus, je n’ai pas réussi à expliquer ce que je faisais”.
Ce médecin lui conseille d’aller consulter un psychologue qui l’aide à y voir plus clair. Un peu avant la fin de sa période d’essai, Léa profite d’une marche avec son CEO pour lui annoncer son départ, mais n’exprime pas les vraies raisons. “Je lui ai dit que je n’étais pas au clair sur l’environnement dans lequel je voulais travailler, que je pensais à une reconversion, alors qu’en réalité, le WHY (pourquoi, ndlr) de l’entreprise ne résonnait plus en moi”, se souvient-elle. Parce qu’elle a noué une bonne relation avec son dirigeant, elle parvient à obtenir que la rupture soit à l’initiative de l'entreprise.
“Au départ, mon CEO a plutôt bien pris ma décision, mais il était déçu et avait peur de l’annoncer aux équipes. Par la suite, il a été moins chaleureux, certainement, car il avait été blessé dans son égo d’autant que je ne partais pas pour une nouvelle aventure. C’était la première fois qu’il était confronté à cela”.
Finalement, l’histoire se finit bien même si la jeune femme aurait préféré que cela fonctionne. “*Mais je crois m’être lancée dans l’aventure avec des paillettes dans les yeux, sans avoir suffisamment réfléchi. Heureusement, par la suite, cette expérience m’a permis d’affiner mes attentes et de trouver une opportunité qui me corresponde vraiment”*.
Sophie : “Comme quand tu penses à quitter quelqu’un mais que c’est finalement lui qui te quitte”
Alors que son cœur balance entre le freelancing et le salariat, Sophie pense avoir trouvé l’opportunité qui la fera définitivement chavirer. Séduite par le discours d’un CEO ultra-brillant, elle rejoint une aventure dans laquelle elle pense pouvoir pleinement s’épanouir. Au départ, c’est la lune de miel : la jeune femme peut exécuter ce pour quoi elle a été embauchée, soit le déploiement d’un nouveau média de A à Z.
“Tout était conforme à ce que j’attendais, et je me sentais portée par la direction”, raconte-t-elle. Malgré tout, son employeur renouvelle automatiquement sa période d’essai. “Je savais que c’était leur pratique depuis le départ, reste que cela renvoie le message que tu ne fais pas encore pleinement partie de l’aventure”, estime Sophie.
Puis, peu à peu, des signaux faibles viennent lui mettre la puce à l’oreille. On lui demande d’infléchir la stratégie mise en place et la promesse du départ se transforme peu à peu en une toute autre fiche de poste. “Quand ces premiers changements sont arrivés, j’ai essayé de m’adapter, mais on ne me permettait plus de faire ce que j’aimais et dans lequel j’excellais, donc cela a créé des résistances chez moi que je n’ai pas pu cacher. Et puis, je ne voulais pas rester pour les mauvaises raisons”.
Peu à peu, Sophie commence à se désengager de son poste. “Je n’arrivais plus vraiment à adhérer au projet et j’ai commencé à me sentir comme un élément extérieur à l’entreprise”. Elle s’interroge alors sur l’opportunité de quitter l’aventure avant la fin de sa période d’essai. “Mais c’était une décision difficile à prendre, d’abord d’un point de vue financier mais aussi car c’était un aveu d’échec. Je pense qu’elle soit voulue ou subie, la fin de la période d’essai est toujours un échec. Personnellement, j’avais commencé ce job tout feu, tout flamme, et je l’avais annoncé publiquement. C’était dur de faire machine arrière”.
Finalement, c’est en rentrant de vacances que son employeur lui annonce avoir décidé de mettre fin à la collaboration. Le motif ? Il sent que le job ne va pas être épanouissant à l’avenir pour la jeune femme. “Au départ, je suis un peu tombée des nues, comme quand tu penses à quitter quelqu’un mais que c’est finalement lui qui te quitte. Une partie de moi était soulagée, mais l’autre profondément vexée de ne pas avoir su embarquer les dirigeants dans ma vision. Est ensuite venue la colère : j’avais signé pour une fiche de poste que j’avais déroulée avec beaucoup d’enthousiasme, puis l’entreprise faisait volte-face parce que cela n’était finalement pas en phase avec ses besoins. Au milieu de ça, j’avais l’impression de n’être qu’une simple variable d’ajustement”.
Au final, pas de pot de départ, mais un petit déjeuner un brin gêné. “L’un des fondateurs ne s’est même pas levé pour me saluer quand je suis partie. J’ai trouvé cela assez cavalier, comme si maintenant que je ne faisais plus partie des effectifs, je ne méritais même pas qu’on lève les fesses de sa chaise”.
Toujours est-il qu’après cette aventure, Sophie s’est promis de rester fidèle à elle-même et de continuer ce qui lui avait toujours réussi jusqu’ici : le freelancing. “J’ai un très bon équilibre de vie, je travaille avec plein de super clients. Et après cette aventure, j’ai eu plein de nouvelles opportunités car j’ai forcément appris des choses de cette expérience. Alors, je ne regrette rien” !