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Il était une fois un recrutement…

Et si trouver la boite de ses rêves, c’était aussi compliqué que de trouver l’âme sœur ? Et si les enjeux d’une relation professionnelle n’étaient pas si différents de ceux d’une relation amoureuse ? Ouvrez grand vos oreilles, on vous raconte une histoire.


8 min
11 juin 2024par Léa François

Il était une fois, dans un univers très proche et impitoyable – j’ai nommé, le monde du travail –, une recruteuse qui cherchait l’employé‧e presque idéal‧e, et un salarié qui espérait trouver une entreprise où s’épanouir. Mais leurs routes respectives étaient-elles vraiment amenées à se croiser ? Et une belle relation pourrait-elle naître entre ces deux entités ? Rien n’était moins sûr. Nombre d’embûches risquaient en effet de se dresser sur leur chemin.

Mais n’allons pas trop vite. On ne voudrait pas vous spoiler les étapes cruciales de ce récit qui s’attachera à retracer, le plus fidèlement possible, la trajectoire d’un recrutement. Vous l’aurez compris : pour savoir si la fin sera heureuse, il vous faudra lire jusqu’au dernier mot de cet article. Déso pas déso.

1) L’infidélité

Laissez-moi vous présenter nos protagonistes : Hélène, 35 ans, RH depuis 12 ans, et Martin, 27 ans, salarié depuis 6 ans. Vous avez capté : ça, c’est la situation initiale. Mais que serait un conte sans son élément perturbateur : Martin, qui travaille depuis 4 ans dans la même boite, commence à s’ennuyer ferme. Plus de perspectives de progression, plus de challenges : bref, il sent bien qu’une routine s’est installée et que sa relation à son job bat de l’aile. Malgré sa pugnacité, son enthousiasme et son penchant naturel à se dépasser, ses tentatives pour raviver la flamme se sont avérées totalement vaines.

Martin ne voit alors plus que les défauts de ce poste qu’il affectionnait tant. Il se met à songer à un autre avenir possible. À un autre partenaire professionnel. Oui, peut-être l’herbe était-elle finalement plus verte ailleurs. En secret, il re-pimp son CV, s’inscrit sur des job boards et répond aux appels du pied qu’il reçoit sur LinkedIn. La perspective d’une autre expérience réveille sa petite flamme intérieure.

Hélène, elle, adore son taf : recruter des talents, c’est ce qui la fait vibrer. Et justement : un nouveau challenge se présente à elle, une création de poste à pourvoir. Elle veut trouver LA pépite. Le match parfait. La phase qu’elle préfère ? La chasse ! Elle se met donc en quête du profil idéal.

2) Le dating

Martin se remet donc sur le marché, en loucedé. Hélène active le mode prédateur. Chacun des deux comparent l’offre et la demande, évaluent la concurrence, et mettent en avant leurs meilleurs atouts pour sortir du lot. Ça se reluque, ça se jauge. Et puis soudain, c’est le match : Martin tombe sur l’offre alléchante d’Hélène, postule direct ; Hélène crush immédiatement sur le profil de Martin.

Bon, chacun enjolive un peu les choses : la RH dresse un portrait plutôt avantageux de son entreprise et du poste, idem pour le salarié côté parcours pro. Mais on ne va pas jeter la pierre à Martin : 65% des CV contiennent des informations erronées, et 1 candidature sur 8 comporte un mensonge majeur, cafte une étude de 2021.

Le process du recrutement s’accélère, un entretien, deux entretiens… Martin coche toutes les cases, l’entreprise et le poste ne présentent aucun red flag de son côté. C’est une affaire qui roule. Tant et si bien que Martin se retrouve en short list… pour finalement être l’heureux élu.

3) Le bon coup (coût ?)

Martin fait ses adieux à son ancienne boite et part à la conquête de sa nouvelle entreprise. Pour sa première semaine, il est un peu stressé mais Hélène veille au grain : elle lui a concocté un onboarding aux petits oignons. Oui, elle le sait : il est capital que l’intégration de la nouvelle recrue se passe bien pour qu’il ait envie de s’investir, et surtout de rester. La direction a été claire : stop au turn-over et aux coûts de recrutement. Hélène a bien les chiffres en tête : un recrutement raté coûte entre 30 000€ et 150 000€, et 13% des contrats sont rompus avant la fin de la période d’essai. Elle en a des sueurs froides rien que d’y penser.

Elle reprend sa respiration : après tout, comme toute RH, elle est humaine et n’est pas infaillible. D’ailleurs, elle se rassure : 71 % des DRH ont déjà fait une erreur au moment de recruter un candidat. Le missmatch n’est pas inévitable, et dans ce cas-là, il faudrait offboarder le candidat avant la fin de sa période d’essai, songe-t-elle. Heureusement, tout se déroule à merveille, tout est bien qui finit bien : recruter Martin, c’était un bon coup !

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4) Le contrat

Le petit nouveau s’est très bien acclimaté à l’entreprise, il a pris ses marques, a fait ses preuves et s’est intégré dans sa nouvelle équipe. Déjà 10 mois qu’il est arrivé, et son CDD arrive à son terme. Au vu des feedbacks de ses managers et des évaluations qu’Hélène a reçues, elle est confiante : leur collaboration va probablement se poursuivre, et leur relation évoluer vers encore plus de stabilité. Ça y est, elle le sait à présent : elle se sent prête à lui proposer un CDI !

Martin est séduit, mais il sait que ce contrat est un engagement sur le long terme. Que ce sera plus compliqué s’il veut partir. Qu’il y aura aussi des compromis à faire, des challenges à relever. Mais il se sent bien ici, il adhère à la culture de l’entreprise, on lui accorde une grande confiance sur toutes ses missions : bref, il est prêt à sauter le pas et à faire des projets d’avenir. Il donne sa réponse à Hélène : c’est un “oui”.

5) La fidélisation

Bien sûr, ce n’est pas parce qu’il a signé un bout de papier que tout est gagné. Tous deux le savent pertinemment : une relation, ça se travaille. Pour Hélène, cet enjeu de fidélisation est capital : réduction du turn-over, constitution d’une équipe durable et impliquée, et optimisation des performances de l’entreprise. Et donc, optimisation de la moula : elle le sait, les équipes dont les collaborateurs sont engagés sont 21% plus rentables que les autres (Gallup).

Mais comment retenir son poulain ? Elle prévoit de sortir le grand jeu : comme près de la moitié des RH (47%), elle va miser sur l’attrait des formations et sur celui de l’augmentation du salaire(51%). Sans oublier le pouvoir de séduction de la qualité de vie au travail, avec, en particulier, les avantages du travail hybride, sur lequel capitalisent 39% de ses homologues.

Hélène reste toutefois sur ses gardes : Martin, comme ses petits camarades de la Gen Z (ceux nés après 1995), est un “zappeur” en puissance : un salarié enclin à switcher d’une entreprise à l’autre. Elle sait bien que ce phénomène récent, aussi appelé “job hopping” – changer de taf tous les 3 à 5 ans – redistribue les cartes du recrutement.

6) La rupture

Et il faut croire qu’Hélène avait vu juste. Trois ans après son arrivée, les premiers signaux du désengagement de Martin se font sentir. Elle qui pensait avoir réussi à déjouer tous les pronostics. Elle qui pensait que l’adage “l’amour dure trois ans” ne se vérifierait jamais dans une relation pro si bien installée, cultivée avec autant de soin.

Cet échec de rétention d’un talent lui était-il imputable ? Pas vraiment. Le monde du travail s’est bien métamorphosé, et les tendances du recrutement avec : 5 ans selon un rapport du Sénat, 2 ans et demi pour les jeunes selon Pôle Emploi, voilà la durée de vie d’un salarié dans la même boite.

Non, ce n’était décidément pas la faute d’Hélène. Ni probablement pas celle de l’entreprise. Car, qu’on se le dise : nous ne sommes pas des macareux, ces oiseaux marins qui s’unissent à vie et restent à jamais fidèles à leur partenaire. Et cette réalité, douloureuse pour la RH dévouée, était en fait salutaire pour tout le monde : car un salarié qui reste trop longtemps dans la même boite, ce n’est bon pour personne.

Ni bon pour lui : parce qu’il perdrait des opportunités d’avancement, en matière d’acquisition de nouvelles compétences ou d’augmentation de salaire (oui, un salarié qui reste dans la même boite peut gagner jusqu’à 50% de moins au long de sa carrière). Ni bon pour la boite : si Martin restait pour rester, son désengagement aurait pu coûter cher à l’entreprise : un peu plus de 14 000 euros par an. Ni bon pour le futur recruteur, qui se serait peut-être figuré que Martin se reposait sur ses lauriers et n’avait plus envie d’évoluer, voir qu’il avait été formaté.

Alors oui, Hélène et Martin vécurent heureux. Pour ce qui est de savoir s’ils eurent beaucoup d’enfants, l’histoire ne le dit pas (et, en vrai, ça ne nous regarde pas). Mais ils se quittèrent bons amis et eurent des carrières pro bien remplies. Morale ? En amour comme au travail, tous les coups sont permis.

Léa François

Journaliste

Journaliste qui écrit avec ses tripes, pour porter la parole de celleux qui ne l’ont pas toujours. A postulé ici le lendemain […]

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