société

Thanatopracteur, un métier hors du commun : rencontre avec Cindy qui embellit les défunts

En juillet dernier, l’équipe du Daily Swile est partie rencontrer Cindy pour découvrir son quotidien de thanatopracteur. Visionnée 1,7 million de fois sur Instagram, cette vidéo a permis de mettre en lumière un métier peu connu qui consiste à conserver et embellir le corps des défunts. Retour sur une success story inattendue.


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C’est à ce jour le record d’audience du Daily Swile. Et contre toute attente, il ne s’agit pas d’une bonne blague de bureau, mais d’une vidéo portant sur le quotidien de Cindy, thanatopracteur. Son métier, inconnu du grand public, consiste à exécuter les soins nécessaires à la présentation des défunts à leur famille. Depuis la diffusion de cette vidéo, la messagerie de Cindy ne désemplit pas, preuve que le sujet de la mort, éminemment tabou dans notre société, mériterait qu’on lui accorde un peu plus de place.

The Daily Swile : Avez-vous été surprise par le succès de cette vidéo ? Est-ce parce que la mort est un sujet éminemment universel, mais dont on parle trop peu ?

Cindy Fernandez Gonzalez : La mort suscite beaucoup de questions et attise la curiosité. Je me doutais quelque part que la vidéo risquait d’être visionnée, mais pas à ce point. Depuis, j’ai reçu des centaines de messages que j’essaie de traiter au maximum, car j’aime être proche des gens. Il peut s’agir de mots comme : "Vous êtes admirable, on ne pense pas assez à vous” ; des questions sur la formation dans ce métier, qui est très complexe ; ou même des demandes de personnes qui ont perdu un proche comme une jeune femme qui ne parvient pas à faire le deuil de sa sœur qui s’est suicidée il y a cinq ans. Certes, je ne suis pas psychologue, mais c’est vrai que j’ai une longue expérience de la mort.

TDS : Vous qui êtes d’habitude dans l’ombre, êtes-vous à l’aise avec cette proximité soudaine avec les gens ?

CFG : J’ai toujours répondu aux questions de mes proches ou des personnes que je rencontrais. En règle générale, je suis assez cash, notamment lorsqu’on me pose des questions sur l’apparence d’un défunt “pourquoi n’a-t-on pas pu faire telle ou telle chose ?”. Certaines personnes nous considèrent comme des magiciens, mais parfois, il faut que la famille puisse accepter que tout n’est pas possible, même si c’est compliqué. Avec cette vidéo, j’ai pu sensibiliser les gens à notre métier, montrer notre existence. Après l’avoir visionnée, certaines personnes ont demandé à voir le thanato qui s’est occupé de leur proche. C’est quelque chose de nouveau, car au quotidien, je ne vois presque jamais les familles. Avoir des retours, positifs ou négatifs, m’aide à avancer. Ce n’est pas un métier facile, et ces retours me donnent de la force pour continuer.

TDS : Qu’est-ce qui vous pèse au quotidien ?

CFG : En réalité, rien ne me pèse, c’est une vocation pure. Cependant, en étant à mon compte, je dois jongler entre ma vie professionnelle et ma vie de famille. C’est beaucoup de travail et de fatigue accumulée, mais ce métier, je l’adore, et je crois que ça se voit dans la vidéo !

TDS : Et si vous deviez malgré tout faire un autre métier ?

CFG : Franchement, je ne me verrais pas faire autre chose. Je ne sais pas ce que je ferais… car je n’ai jamais fait autre chose depuis mes 20 ans ! Pour l’instant, je ne me pose même pas la question. Si je devais arrêter pour raison de santé, je ne saurais pas quoi faire de mes mains.

TDS : Est-ce justement cet aspect manuel qui vous a attirée dans la profession ?

CFG : Effectivement, le métier de thanatopracteur est un réel travail des mains. D’ailleurs, nous sommes considérés comme des artisans. Après, ce n’est pas que physique. J’ai toute une préparation mentale avant et après le moment où j’effectue un soin de conservation.

TDS : Justement, comment se prépare-t-on avant de s’occuper d’un défunt ?

CFG : Avant d’effectuer un soin, je demande toujours des informations sur le défunt dont je vais m’occuper. Quand il s'agit d'une personne âgée, ce qui représente 90% des cas, quelque part, c’est dans l’ordre des choses. En revanche, quand il s’agit d’un enfant, d’un jeune ou encore d’un accidenté de la route, j’ai besoin d’un temps de préparation pendant mon trajet en voiture. Je mets de la musique pour me concentrer, je visualise ce sur quoi je vais travailler, le matériel dont je vais avoir besoin. Puis, une fois que j’enfile ma blouse et mes gants, je suis dans ma bulle.

TDS : Et quand vous reprenez le fil de votre vie, est-ce compliqué de revenir à la normale ?

CFG : Déjà, il faut savoir que si je m’autorise à pleurer sur mes proches, ce n’est pas pareil pour des inconnus. Je ne connais pas les circonstances de leur mort, ce qui me préserve quelque part. Je suis empathique, mais je dois mettre des barrières. Quand je repars, j’ai mon chien avec moi dans la voiture. Il me suit partout et il m’est d’un grand soutien. Même si j’ai eu une journée difficile, je n’ai pas forcément besoin de parler. Sa présence m’apaise. Mais il faut comprendre que je fais ce travail depuis 18 ans. Par exemple, il m’a fallu au moins 10 ans pour être capable d’oublier le prénom d’un défunt dont je m’étais occupé quelques heures plus tôt. Et certains visages resteront à jamais gravés dans ma mémoire.

TDS : Vous avez une personnalité extrêmement solaire, et portez des tenues qui tranchent avec l’image que l’on a du métier. Pourquoi est-ce important pour vous ?

CFG : J’essaie d’amener de la couleur et de la lumière dans cet univers qui fait peur. Par exemple, je porte une blouse rose fluo et des gants violets. Les gens qui me suivent le voient sur les lives que je fais sur les réseaux sociaux. Par la suite, j’ai des retours comme : "J’ai perdu mon père il y a 20 jours, et cela me fait du bien de me dire que la personne qui s’est occupée de lui était peut-être comme vous, enjouée, souriante, avec du peps”.  C’est important de mettre un peu de lumière du côté de la mort !

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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