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Les boîtes sans RH : la drôle de tendance venue des États-Unis

Des entreprises sans service RH ? Cette tendance suscite beaucoup de débats, surtout aux États-Unis, où des figures influentes de la tech, dont d’anciens cadres des GAFA et aujourd’hui investisseurs chez Airbnb, Uber, ou encore Slack, remettent en cause l’utilité même des Ressources Humaines. Dans leur podcast All-in, ils avancent ni plus ni moins que les RH ne servent à rien.


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Alors que dans l’Hexagone, les services des ressources humaines voient sans cesse leur panier se remplir de nouveaux sujets, aux Etats-Unis, certaines voix s’élèvent pour dénoncer leur prétendue “inutilité”. Leurs critiques ? Les RH sont trop déconnectées du business. Leur but premier n’est pas de générer de la performance, mais d’avoir une entreprise multiculturelle. D'autres détracteurs leur reprochent de disposer d'un pouvoir disproportionné en ayant accès à des informations confidentielles, comme les salaires ou les situations personnelles des employés, ce qui pourrait créer des tensions internes.

La proposition de ces opposants aux RH ? Et bien autant dire qu’ils n’y vont pas par quatre chemins en suggérant purement et simplement leur suppression. Les questions légales seraient alors gérées par un cabinet d’avocat, et l’on donnerait les pleins pouvoirs aux managers pour recruter et motiver les équipes. Pour s’assurer de la performance des collaborateurs, il s’agirait ensuite d’embrasser un modèle à la Netflix. Tous les ans, les 5% qui performeraient le moins seraient invités à s’améliorer… ou à prendre la porte.

Un scénario que nous avons soumis à deux DRH afin qu’ils nous partagent leur point de vue depuis le vieux continent.

Des DRH à côté de la plaque côté business ?

En étant trop centrées sur les sujets du care (diversité, inclusion etc), se pourrait-il que les RH en oublient les contraintes business ? Qu’il s’agisse de la France ou de la Belgique, Romain Ognibene, Team Lead recrutement chez Eurostar, nous concède avoir déjà entendu ces critiques. “Pas tellement par rapport aux sujets de diversité et d’inclusion qui ne sont pas énormément adressés, mais au niveau des process et règles RH qui viennent parfois alourdir la structure sans apporter de plus-value”, affirme-t-il. Par exemple, il a déjà observé l’échec du recrutement d’un candidat parce qu’il manquait une simple signature sur un document. Ainsi, certains RH suivent leurs propres process sans forcément penser à instaurer des solutions qui fonctionnent pour le business.

DRH au sein de Shine, Mathilde Callède a, elle aussi, rencontré des DRH très centrés sur le care, et éloignés du business. Le problème ? Les DRH dans cette posture s’épuisent, parce que l’on ne peut pas être dans le soin de 300 personnes avec une équipe de 3 collaborateurs. “En réalité, offrir les meilleures conditions de travail pour les salariés va de pair avec l’atteinte des objectifs. Personnellement, j’ai appris au fil du temps que je devais mettre des barrières et ne pas être centrée uniquement sur le care pour tenir sur la durée et assurer la pérennité du business”, concède-t-elle.

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Le manager, premier RH de l’entreprise ? Une juste place à trouver

L’autre proposition des détracteurs des RH consiste à redonner du pouvoir aux managers en lieu et place des RH. Pour nos deux interviewés, voilà qui donne également matière à réfléchir. “En redonnant du pouvoir d’agir aux managers, on les incite à faire preuve de courage managérial. Sur ce point, c’est intéressant, car j’ai vu trop de managers qui renvoyaient la balle aux RH à la moindre difficulté”, constate Romain Ognibene.

Pour Mathilde Callède, il peut effectivement être bénéfique de réaffirmer la place centrale des managers dans les structures : “Ce sont les premiers RH d’une entreprise. Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs équipes. Le volet RH représente au moins la moitié de leur travail”. Ceci étant dit, elle insiste toutefois sur certains points. En donnant les pleins pouvoirs aux managers, sans les RH en guise de garde-fous, on ouvre grand la porte aux cas de harcèlement. Car statistiquement, peu importe la taille de l’entreprise, ces cas se présenteront. Attention danger !

Une question de culture…

En redonnant du pouvoir aux managers, les partisans des sociétés sans RH entendent ne pas s’encombrer de collaborateurs sous-performants, notamment en les renvoyant s’ils ne s’améliorent pas. Comme si les RH jouaient le rôle d’ange gardiens. “Chez nous, cela ne matche pas du tout avec les mentalités. C’est trop violent”, affirme Romain Ognibene. De plus, le cadre légal américain n’a absolument rien à voir avec les règles qui prévalent ici. En d’autres termes, s’il fallait recourir à un cabinet d’avocat pour le moindre document en l'absence des RH, ce ne serait clairement pas rentable pour la société.

De même, notre cadre culturel impose une grande confidentialité des données détenues par les RH. “Je n’ai jamais rencontré de DRH qui usaient des secrets des collaborateurs pour gagner en pouvoir ou créer des scissions comme le suggèrent les détracteurs des RH. Quand les RH prennent connaissance de situations difficiles (divorces, surendettement…), elles vont plutôt tâcher d’être présentes pour le collaborateur”, poursuit-il.

De son côté, Mathilde Callède estime aussi que les RH ont un rôle à jouer auprès des salariés pour ouvrir un espace de dialogue : “parfois, un collaborateur peut ne pas avoir envie de parler de certains sujets personnels avec son manager. Les RH ont ici toute leur place pour garantir cet espace sécurisé”.

“Un DRH qui ne rapporte pas directement au CEO, c’est un red flag”

Pour répondre aux critiques, parfois justifiées, de nos amis américains, une nouvelle posture émerge dans l’Hexagone. Elle consiste à placer les RH au cœur du business. À ce titre, Mathilde Callède apporte une parfaite illustration de ce positionnement. Elle forme un trio solide avec Fanta Coulibaly Duteïs, Directrice générale, et Jean-Baptiste Sciandra, CEO de Shine.  Nous nous réunissons chaque semaine pour parler des sujets stratégiques et organisationnels, ou même de cas individuels. C’est un mode de fonctionnement qui nous a été transmis par les fondateurs de Shine qui ont toujours eu à cœur de construire une entreprise saine”, confie la DRH.

Si Shine est comme toutes les entreprises en quête de résultats, il n’est cependant pas question de sacrifier le bien-être mental des équipes sur l’autel de la performance. Pour ce faire, les RH ne doivent donc pas être uniquement des courroies de transmission mais présider aux décisions en amont, notamment en participant pleinement aux Comex des entreprises, ce qui n’est pas encore le cas partout. “Un DRH qui ne rapporte pas directement au CEO, c’est un red flag”, conclut-elle.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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