Semaine de 3 jours : utopie ou prophétie ?

Bill Gates, Elon Musk, Sam Altman, Jamie Dimon… tous mentionnent la semaine de 3 jours comme étant le futur de notre humanité. Entre gains de productivité liés à l’IA, épuisement des ressources et redéfinition de la notion même de “travail”, la semaine de 3 jours pourrait-elle voir le jour ? On fait le point avec Philippe du Payrat, Cofondateur de 4jours‧work et Directeur du 4 Day Week Global en France.
La semaine de 3 jours, c’est complètement nouveau ?
Et bien… pas vraiment ! “En 1930, John Maynard Keynes prophétisait qu'on ne travaillerait plus que 15 heures par semaine d'ici 2030”, note Philippe du Payrat. Plus étonnant encore, on trouve des traces de ce discours chez Ronald Reagan dans les années 80. Le président américain a fait allusion à une possible semaine de travail de trois jours dans le futur grâce aux progrès économiques et technologiques (il s’agissait toutefois davantage d’un commentaire optimiste sur le potentiel humain qu'une position politique formelle).
Pourquoi les magnats de la tech s’intéressent-ils à la semaine de 3 jours ?
Lorsque Bill, Elon, Jamie ou Sam évoquent la semaine de 3 jours, ce n’est pas franchement par pure philanthropie. “Tous ont des intérêts économiques vis-à-vis du déploiement de l’IA”, souligne notre interlocuteur. En outre, ce n’est qu’à la faveur des gains d’efficience permis par l’IA que cette semaine de 3 jours pourrait voir le jour. “Quand on gagne en productivité, on peut : soit produire encore plus, soit réduire les coûts (en licenciant notamment), soit réallouer une partie des ressources pour atteindre des objectifs RSE, soit libérer du temps, sachant que les options ne sont pas mutuellement exclusives”, poursuit notre interviewé. Avec la semaine de 3 jours, on opte donc pour offrir du temps aux collaborateurs.
La semaine de 3 jours concerne le travail au sens large, ou l’emploi rémunéré ?
Quand il est fait mention de la semaine de 3 jours, c’est bien d’emploi rémunéré dont il est question. Il est intéressant d’observer que dans la littérature, la réduction du temps de travail est liée à la problématique du revenu universel (Sam Altman a même financé une étude sur le sujet). Le déploiement du secteur quaternaire (celui de l’éducation et du care) est aussi sur le devant de la scène. En libérant du temps aux employés, ces derniers peuvent notamment le réallouer en accordant du temps à ce qui compte pour eux : leurs proches, qu’il s’agisse simplement de l’éducation de ses enfants, ou encore du soutien à un proche en situation de vulnérabilité. “En France, nous avons 11 millions d’aidants, dont une majorité de femmes. La semaine de 3 jours pourrait être une réponse à ce travail informel”, affirme Philippe du Payrat.
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La semaine de 3 jours va-t-elle nous pousser à consommer davantage ?
Dans un contexte de finitude des ressources, les débats autour de la durée du travail sont intriqués à ceux de la consommation. Lors du passage de la semaine de 6 à 5 jours, Henry Ford appréhendait que les ouvriers passent leur sixième jour à picoler. Dans une version plus actualisée, pourrait-on craindre que les travailleurs se mettent à consommer de manière effrénée, en prenant par exemple l’avion tous les weekends ?
“En réalité, la réduction de notre temps de travail est possible si nous n’augmentons pas notre consommation. De plus, on observe que ce sont les personnes qui travaillent le plus à l’heure actuelle qui ont la plus forte empreinte CO2, notamment parce qu’elles externalisent tous les pans de leur vie, comme en se faisant livrer de la nourriture à tous les repas”, relève notre spécialiste de la semaine de 4 jours. La semaine de 3 jours pourrait donc être une invitation à décélérer côté consommation.
La semaine de 3 jours, bonne ou mauvaise pour nos relations sociales ?
Les travaux de recherche menés par le Cofondateur de 4jours.work démontrent que la semaine de 4 jours est bénéfique en termes de réduction du stress, de hausse du sommeil mais aussi d’augmentation des relations sociales (le facteur n°1 du bonheur selon une étude de 85 ans menée par Harvard !). “À l’ère du temps libéré, on distingue les moments alloués aux loisirs, au travail sur soi et aux relations sociales. En outre, quand on a plus de temps libre, qu’on se rend au sport, qu’on va au marché rencontrer les producteurs, ou encore à un cours de musique… c’est autant d’opportunités de rencontrer des personnes différentes de celles qu’on croise simplement au travail”, relève Philippe du Payrat. Et on en revient avec une bonne dose de créativité !
La semaine de 3 jours, certains y goûtent déjà ?
Officiellement, non. Du moins, pas chez les salariés. Officieusement, si, si l’on raisonne en termes de temps de travail effectif plus qu’en jours travaillés. Car non, nous ne sommes pas productifs plus de 5 heures par jour (et encore, pour les meilleurs d’entre nous). Et tant pis pour ceux qui se targuent d’être en permanence “sous l’eau”. À ce titre, Jeff Bezos expliquait qu’il ne prenait pas de décision stratégique pour sa boîte passé les 12 coups de midi. On pourrait donc repenser la semaine de 3 jours en lissant le temps de travail sur la semaine, comme le font déjà de nombreux freelances. “Autrement, on pourrait imaginer des salariés avoir un travail de “bureau” pendant 3 jours, et allouer le reste de leur temps à un job manuel”, illustre l’expert. Dans tous les cas, cela nous invite à repenser au sens originel du mot “travail”. Travailler, est-ce être productif ou simplement occupé ?
La semaine de 4 jours n’est pas encore effective qu’on parle déjà de la semaine de 3 jours ?
Pas faux l’asticot ! Évoquer la semaine de 3 jours, c’est se projeter dans un futur à l’horizon 2050 où l’IA serait devenue super puissante (si tant est que ce soit vraiment le cas, car d’autres scénarios sont possibles). Toutefois, la semaine de 4 jours n’est même pas encore généralisée. “Je pense effectivement que les dirigeants ont déjà beaucoup à faire en passant à la semaine de 4 jours. Dans tous les cas, ce sont les mêmes réflexions qui sont en jeu, que l’on parle de la semaine de 3 ou 4 jours !”, conclut Philippe du Payrat.