Quand la Parentech vient au secours des familles solos
1 famille sur 4 est monoparentale en France, une réalité qui se trouve être un facteur de risques en termes d’accès et de maintien dans l’emploi. Zoom sur deux start up de la Parentech qui innovent pour aider ces parents solos.
Parentech. Encore un mot en “tech”, me direz-vous, un de plus à venir s’ajouter au chapelet de tout ce vocabulaire de la start up nation, un néologisme de plus qui se la raconte. Oui, mais là, c’est pour une belle cause : soutenir la monoparentalité.
Pourquoi faut-il sauver les familles solo ? Parce qu’être parent solo, c’est un facteur d’inégalités en matière d’embauche et de maintien dans l’emploi, de revenus et de trajectoire professionnelle. Une réalité qui affecte en particulier les femmes qui gèrent à plus de 80% les familles monoparentales, selon l’INSEE : leur taux de chômage s’élève à 13% (contre 5% pour les pères solos) et elles occupent 8 emplois à temps partiel sur 10.
Face à l’ampleur du sujet – 1 famille sur 4 est monoparentale – et au manque de mobilisation du monde pro, des entrepreneurs‧euses s’engagent dans cet angle mort et conçoivent des plateformes pour simplifier la vie de ces familles solo. Parmi elles, l’application Team’ Parents et le job board Parents on board.
Le savoir, c’est le pouvoir
Depuis que Noémie Khenkine-Sonigo a lancé son appli, ce sont pas moins de 5000 parents solos qui ont rejoint la plateforme. Une preuve de l’engouement que suscite cette appli qui propose de “rendre accessibles des informations didactiques à 360° : du juridique, mais aussi du psychosocial, ou encore un annuaire de professionnels avec des avocats, des médiateurs familiaux et des psys qui vont proposer des groupes de parole ou produire des contenus pour les parents” amorce la fondatrice de Team' Parents.
Pour cette ancienne avocate en droit de la famille, c’est l’expérience du terrain, la rencontre de parents séparés totalement démunis, qui l’a conduite à concevoir une appli mettant à leur disposition tout un tas de ressources. Parce que oui : devenir papa ou maman solo du jour au lendemain, c’est compliqué. C’est vertigineux. C’est le grand saut dans un univers opaque, notamment celui du droit et des démarches administratives.
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Du Nutri-Score… au Family Score ?
Un changement de statut social qui affecte, par ricochet, la vie professionnelle. Sans relai pour gérer la parentalité au quotidien, c’est une charge mentale et une fatigue qui s’accumulent et finissent par rendre moins disponibles, moins productifs, moins performants. Un cercle vicieux qui représente un facteur de risque en termes d’accès et de maintien dans l'emploi, alerte le groupe de travail sur la monoparentalité de l'Observatoire national de la Qualité de Vie au Travail.
La plateforme Parents on board, elle, propose via son job board un casting des entreprises les plus family friendly, une info capitale pour les parents solo – qui représentent entre 10 et 20% de leurs utilisateur‧trices – en quête de LA boite qui comprendra leurs impératifs. “On va aller analyser la politique parentale des boîtes et voir ce qu'elles proposent […] L’idée, c’est de faire la promesse aux candidats qu'ils vont trouver des offres à la fois intéressantes et qui leur permettent d'avoir des ambitions de carrière” explique le co-fondateur Huber Pellerin. Objectif ? Destination work-life balance.
Pour ce faire, ils ont dégainé le “family score”, un outil co-conçu avec un organisme associatif semi-public proche du ministère des Affaires sociales et qui permet de noter les entreprises tout en filtrant les mauvais élèves pour orienter au mieux les parents solo.
Valoriser la monoparentalité en entreprise, c’est rentable
La force du business modèle de ces deux start-ups, c’est de s’adresser à la fois aux salarié‧es mais aussi aux entreprises. Car c’est l’écosystème tout entier qui doit être repensé, et cela lui serait même plus que profitable.
Pour Hubert Pellerin, les boites ont en effet tout intérêt à dérouler le tapis rouge aux parents solo : “les deux grands sujets, ça reste la flexibilité et les avantages salariaux, notamment les modes de garde” analyse-t-il. Et une entreprise qui a tout compris, c’est une boite “qui propose des berceaux, qui finance des chèques CESU pour payer une nounou ou une aide à domicile, qui propose du télétravail pour répondre à des urgences ponctuelles, qui permet de s'absenter si l'enfant est malade ou de partir sur le pouce en plein après-midi sans qu'on nous regarde avec les gros yeux, etc” énumère le co-fondateur de Parents on board.
En effet, soutenir les parents séparés, c’est un levier de performance économique et sociale pour l’entreprise : “Les parents sont des talents beaucoup plus fidèles. Et ça, c'est une valeur incroyable pour l'entreprise, puisque ça réduit le turn-over et les coûts de recrutement, ça fidélise les talents. On dit qu'un recrutement raté, ça coûte 30 à 50 000 euros pour l'entreprise” relève-t-il.
Parent solo… mais collaborateur augmenté ?
Une observation étayée par les datas collectées par la plateforme : les dernières expériences pro des talents inscrits sur Parents on board ont duré entre 5 et 6 ans, contre 2 à 3 ans pour la moyenne nationale des salarié‧es.
Au-delà des enjeux de rentabilité, les parents solo représentent aussi des profils de salariés particulièrement armés en matière de soft skills : “patience, empathie, gestion des conflits, gestion du stress, capacité d’organisation et de planification”, autant de compétences très prisées sur le marché du travail actuel que pointe l’entrepreneur. “Si ces parents arrivent à relever tous les défis que la vie familiale leur présente tout en ayant un travail, c'est que ce sont des compétences de super warrior qui peuvent bénéficier à l'entreprise” abonde Noémie Khenkine-Sonigo.
Désinvisibiliser la monoparentalité
Mais pour que ce cercle vertueux s’active, encore faut-il avoir conscience du potentiel et des besoins des parents solo. Et pour cela, la sensibilisation, c’est le nerf de la guerre : “une entreprise qui propose une sensibilisation sur la parentalité solo, sur la parentalité et les fragilités de la parentalité, c'est déjà envoyer un message aux collaborateurs, dire que le sujet existe” amorce la fondatrice de Team’ Parents.
“80 % des salariés sont parents, et il y en a 1/4 qui est séparé ou en train de se séparer, et 1/5 qui est victime de violences ou agresseur. Ces sujets sont centraux dans notre société et donc centraux dans l'entreprise. La première chose, c'est de vraiment développer une culture de l'écoute et que les managers, les RH, soient outillés pour entendre ces récits-là et pour réorienter” argumente-t-elle, évoquant l’organisme de formation créé en parallèle de l’application pour accompagner les entreprises. “Le sujet de la parentalité, associé au digital, à la technologie, a forcément une énorme valeur sur le long terme et ne va faire que s'immiscer de plus en plus au sein des entreprises, c'est le sens de l'histoire” conclue Hubert Pellerin, confiant.
Libérer la parole des parents concernés, sensibiliser en entreprise et former les équipes managériales, c’est bien, mais reste au gouvernement de donner une réalité juridique au statut des parents solo pour que ces derniers soient mieux protégés dans le cadre du travail. C’est tout l’enjeu de la mission gouvernementale qui vient d’être lancée par Gabriel Attal. Rendez-vous prochainement pour faire le point…