société

Quand l’astrologie influence le recrutement

Recruter un‧e candidat‧e selon son signe astrologique ? Cette idée a tout d’une mauvaise blague. Mais pour certains employeurs, c’est bel et bien un critère de recrutement. Comment expliquer le recours à ces méthodes douteuses ? Est-ce que la loi l’autorise ? On vous dit tout !


5 min
6 décembre 2024par Léa François

Vous saviez qu’on dit que le Capricorne est le signe le plus travailleur ? Eh bien – hasard de dingue – c’est mon signe astrologique ! Et j’avoue que quand j’ai découvert ça, j’étais plutôt fière et plutôt carrément tout à fait d’accord. Bon, mais blague à part, si on m’avait demandé quel était mon signe en entretien d’embauche, j’aurais pris ça pour un énooorme red flag.

Un critère parfois pris en compte dans les recrutements

Même si cela peut sembler totalement déplacé, c’est pourtant une pratique chez certains employeurs : 5% des recruteurs reconnaissaient ainsi – anonymement – prendre en compte le signe astrologique des candidat‧es, dans une étude du cabinet Oasys en 2007.

L’étude relevait également le recours à une autre pseudo-science : 69% des sondé‧es affirmaient utiliser l’analyse graphologique. D’ailleurs, dès 1993, une étude du laboratoire de psychologie de l'université Bordeaux-II rapportait que le recrutement de 1 cadre sur 10 se décidait après consultation d’un astrologue, d’un graphologue ou d’un numérologue…

Pire que ça : en Chinecertaines offres d’emploi ont déjà été publiées en mentionnant les signes astrologiques recherchés pour un poste. La société chinoise Sanxing Transportation a ainsi publié une annonce à l’été 2024 en dissuadant les personnes nées dans l’année du chien à postuler, rapporte le South China Morning Post.

Une pratique pas si rare en Chine, au vu des commentaires de certains internautes du réseau social chinois Weibo : “Mon patron m'a demandé ma date de naissance et mon horoscope, et après avoir appris que je suis un coq né tôt le matin, il a cru que je serais un travailleur acharné et m'a embauché peut-on lire sur Slate.

La rédaction vous conseille

Pourquoi diantre recourir à ces méthodes douteuses ?

Le recours à l’astrologie lors du recrutement est justifié par un point essentiel : la recherche du risque zéro. Eh oui, les erreurs de casting en entreprise, ça représente de l’argent : “S'ils se plantent, cela coûte cher à l'entreprise” observe Christian Balicco cité par La Dépêche, auteur des Méthodes d’évaluation en ressources humaines, la fin des marchands de certitude. Un ouvrage dans lequel il consacre une partie aux moyens d'évaluation pseudo-scientifiques comme la graphologie, la programmation neuro-linguistique, la morphopsycho­logie, la gestuologie, l'hémato-psychologie, l'astrologie ou encore la numérologie.

Concrètement, selon notre consœur de Welcome to the Jungle, on évalue le coût d’un recrutement raté en moyenne entre 30 000€ et 150 000€, un calcul fondé sur l’estimation des coûts directs et indirects (plus difficiles à quantifier). Et comme on cherche toujours à faire des économies de bouts de chandelle, les recruteurs préfèrent parfois miser sur l’interprétation du thème astral des candidats, moins onéreuse, que sur les tests psychologiques.

Ce recours à ces méthodes douteuses serait aussi motivé en réaction à la modernisation des process de recrutement, voués à être de plus en plus désincarnés avec la banalisation des entretiens en visio. Connaître le signe astrologique, voire le thème astral des candidat‧es, serait donc utile pour combler ce manque en permettant de cerner la personnalité et d’estimer les qualités sociales des futurs employés.

Mais pour Frédérik Cousin, fondateur de l’agence de recrutement Refea, tous les moyens pour se faire une opinion sur un‧e candidat‧e ne se valent pas : “On juge un candidat sur le triptyque personnalité-compétences-motivation. Il est facile de faire une évaluation objective pour les compétences, mais la personnalité doit aussi être étudiée rationnellement, et non avec des pseudosciences” peut-on lire dans 20Minutes.

Grosse question : est-ce que c’est légal ?

Vous serez probablement autant surpris‧e que moi, mais ces pratiques ne sont pas formellement interdites : elles sont seulement pointées du doigt par le législateur. Selon la circulaire DRT 93-10 15 mars 1993, il est “inopportun de recourir à des méthodes aux résultats aléatoires, telles que l’astrologie, la numérologie, voire la graphologie, dont la validité prédictive du point de vue de l’aptitude à l’emploi n’est nullement établie”. Une alerte que l’on peut considérer comme très légère pour des pratiques qui relèvent tout bonnement d’une forme de discrimination à l’embauche.

Mais dans le cas d’un litige, le recruteur devra “justifier que la méthode utilisée fut « pertinente au regard de la finalité poursuivi » (article L. 12 21-8), soit l’évaluation du candidat. Ce dernier doit être « expressément informé, préalablement à la mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aider au recrutement utilisées à son égard ». Résultats qui « doivent rester confidentiels », précise la loi. Selon un autre article, le recruteur doit aussi informer son comité d’entreprise de l’utilisation de méthodes de recrutement (article L. 23 23-32)” analyse notre consœur de Cadremploi.

Aujourd’hui, on peine à avoir des chiffres plus récents sur ces pratiques parce que le recours à l’astrologie dans le recrutement est devenu inavouable. “Par rapport aux années 1980, le sujet de l’utilisation de l’astrologie dans le recrutement est devenu tabou et ne se montre plus au grand jour, abonde le professeur de gestion Jean-François Amadieu […] On manque de données depuis ces études (allusion aux études pré-citées, ndlr). Ce qui est certain, c’est que le milieu des ressources humaines est extrêmement perméable à ce genre de croyances. Croyances qui se sont développées dans la population depuis des décennies” déclare-t-il au micro de 20Minutes.

Mais on peut imaginer qu’on est en deçà de la réalité, puisque notre intérêt pour l’astrologie ne cesse d’augmenter : en 2023, selon l’Ifop, près de 60% des Français croient à une discipline de parascience comme l’astrologie, soit 20 points de plus qu’en 2020, rapporte France Info.

Léa François

Journaliste

Journaliste qui écrit avec ses tripes, pour porter la parole de celleux qui ne l’ont pas toujours. A postulé ici le lendemain […]

La newsletter qui va vous faire aimer parler boulot.

Chaque semaine dans votre boite mail.

Pourquoi ces informations ? Swile traite ces informations afin de vous envoyer sa newsletter. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien présent dans chacun de nos emails. Pour en savoir plus sur la gestion de vos données personnelles et pour exercer vos droits, vous pouvez consulter notre politique de confidentialité