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Recrutement : Impress, l’appli vidéo pour sortir du lot ?

Fraîchement débarquée dans la sphère du recrutement, l’appli Impress permet de réaliser un court selfie vidéo pour accompagner une candidature. Alors, bonne ou mauvaise idée ? On pèse le pour et le contre côté candidat et recruteur.


8 min

Dans la sphère du recrutement, force est de constater qu’il demeure difficile de détrôner le bon vieux CV, tandis que la lettre de motivation semble encore tenir le coup, bien qu’on lui préfère de plus en plus un court message de présentation. Pourtant, les innovations ne manquent pas, notamment avec l’apparition ces dernières années du CV vidéo ou encore de l’entretien vidéo différé. Mais, comme le souligne Marie-Sophie Zambeaux, la fondatrice de ReThink RH, la déferlante annoncée n’a pas vraiment eu lieu :  “Si l’entretien vidéo différé avait le vent en poupe à la fin des années 2010, force est de constater que l’engouement semble s’être quelque peu “calmé” ces dernières années”.  Alors, l’appli Impress va-t-elle vraiment renverser le game ?

Comme l’explique son fondateur Guillaume de Malzac dans les Echos Start, il ne s'agit pas de faire un CV vidéo ou un entretien vidéo, mais un petit selfie vidéo, facultatif, pour montrer son savoir-être et sa motivation”. Un petit script aide le candidat à se présenter et à répondre à quatre questions types, qui permettent ensuite de produire des mini-vidéos de 30 secondes chacune. Une manière selon le fondateur de permettre aux candidats vraiment motivés de se démarquer, notamment en début de carrière, ou dans des secteurs très concurrentiels “la personnalité est cruciale”, comme le commerce, la communication, ou encore l'hôtellerie/restauration.

Candidats, devez-vous foncer pour impressionner votre target ?

De l’avis des deux recruteurs que nous avons interviewés, il n’y a pas de réponse préfabriquée à cette question.

Dans le camp du POUR

Pour Marie-Sophie Zambeaux, la réponse est OUI, à condition que le candidat soit à l’aise avec son image et les vidéos. “La vidéo doit être “vendeuse” et permettre au candidat de présenter non seulement ses compétences et expériences mais aussi sa personnalité, son enthousiasme et sa motivation. À une époque où de nombreuses candidatures se ressemblent sur le papier, une vidéo bien réalisée peut capter l'attention d'un recruteur dès le départ et laisser une bonne impression durable”, affirme-t-elle.

Il faut aussi souligner que la démarche se prête davantage à certains postes plus créatifs dans la communication, le digital ou le marketing. “Ce sont des métiers qui nécessitent une aisance relationnelle, une bonne maîtrise des outils de communication, une bonne expression orale, une bonne présentation…”, précise Marie-Sophie Zambeaux. Dans ce cas, l'entreprise peut apprécier l’initiative.

Dans le camp du CONTRE

Mais puisqu’il s’agit de jouer sur cette première impression, l’effet inverse peut aussi se produire. “Pour que cela fonctionne, il faut que la vidéo soit vraiment bien faite. On ne doit pas chercher ses mots sous prétexte que l’on veut être naturel, ou encore se présenter dans un environnement en désordre. Autrement, c’est vraiment contre-productif”, souligne Jean-François Fruchtman, consultant RH. Un avis partagé par Marie-Sophie Zambeaux qui met en garde les candidats qui auraient un ton hésitant et amateur, ou carrément trop décalé et original versus le poste et la culture d’entreprise. Dans ce cas, le fiasco n’est pas loin et le recruteur peut juger le contenu inapproprié, voire la démarche vaniteuse et auto-centrée (ouch).

Se poser les bonnes questions

Avant d’envoyer ce type de support (si l’entreprise n’en fait pas la demande expresse), il faut donc se demander si celui-ci est adapté. Pourquoi est-ce ce que je veux recourir à cette méthode ? Quels avantages je souhaite en retirer ? Cela mettra-t-il en avant ma candidature ? On peut en effet se questionner sur sa pertinence pour un poste de comptable où un CV bien structuré et percutant semble plus approprié. “D’autant plus que l’on reçoit déjà tellement de candidatures que nous n’avons pas vraiment le temps de visionner un contenu supplémentaire”, estime Jean-François Fruchtman.

Bref, il n’existe pas de réponse universelle : tout dépend du contexte, du poste, des compétences des candidats… et du bon sens !

Candidats, quelques conseils pour vraiment impressionner

Si vous choisissez de vous lancer, préparez un script clair. Évitez les vidéos "au talent" et les improvisations mais, au contraire, structurez votre message”, recommande Marie-Sophie Zambeaux. Présentez-vous, expliquez votre parcours et mettez en avant vos compétences ainsi que votre motivation.

Veillez à rester concis : limitez votre vidéo à 1-2 minutes pour éviter de perdre l'attention du recruteur et ne dépassez pas 3 minutes.

🪞 Soignez la présentation : portez une tenue professionnelle appropriée au poste que vous visez, faites attention à votre posture et bannissez tout langage trop familier.

🫧 Optez pour un cadre propre, bien rangé, pas trop bruyant et bien éclairé.

📹 Utilisez un bon matériel : la qualité de la vidéo et du son est cruciale. Utilisez une caméra de bonne qualité et un micro externe si nécessaire pour garantir la clarté sonore.

Soyez authentique et dynamique : montrez et démontrez votre personnalité et votre enthousiasme. Un candidat passionné et authentique attirera, forcément, plus l’attention qu’un discours monotone.

📞 Finalisez avec un appel à l'action (CTA) : terminez votre vidéo en invitant le recruteur à vous contacter pour un entretien. Montrez que vous êtes disponible et intéressé par le poste à pourvoir !

💡 “Il existe d’autres moyens d’humaniser sa candidature Si vous décidez finalement de ne pas faire de vidéo, “il est possible d’humaniser votre démarche de recrutement différemment”, assure Marie-Sophie Zambeaux. Comment ? En rédigeant un CV moins convenu, en rédigeant une lettre de motivation sans langue de bois, loin des poncifs habituels, en envoyant un message au recruteur via LinkedIn pour appuyer votre candidature, en ayant des échanges plus authentiques avec les recruteurs, en leur envoyant un email de remerciement…

Entreprises : gare aux biais !

Si les bénéfices sont à évaluer au cas par cas pour les candidats, que penser côté recruteur ?

Dans le camp du POUR

Comme l’explique le fondateur de l’application, on pourrait imaginer que les entreprises intègrent cette étape dans leur processus de recrutement. “C’est vrai que cela pourrait être utile pour des postes “entry level”. On pourrait préqualifier une trentaine de CV puis consulter cette vidéo de quelques minutes avant de décider d’aller plus loin et de recevoir le candidat en entretien”, affirme Jean-François Fruchtman.

Dans le camp du CONTRE

Quant à Marie-Sophie Zambeaux, sauf exception pour des postes précis dans la communication, le marketing ou pour lesquels le physique est primordial (métiers du mannequinat, acteurs etc), il peut être risqué pour une entreprise de rendre cette étape obligatoire. En effet, des études démontrent que les candidats ne raffolent pas de ce type de support : selon le baromètre de l'expérience candidats établi par YAGGO en 2022, 42 % des actifs et futurs actifs seraient susceptibles d'être découragés par le fait de fournir des réponses à des questions dans une vidéo, soit le 2ème frein évoqué juste après la présentation du CV dans un format vidéo (54%). Marie-Sophie Zambeaux – qui force volontairement le trait – s’interroge aussi sur le message que cela véhicule auprès des candidats, “à savoir, je suis recruteur/recruteuse, mais je veux limiter les interactions humaines au maximum afin de gagner du temps et je ne veux pas m’embarrasser avec des candidats en chair et en os”.

Plus inquiétant encore selon elle, ces vidéos présentent un risque plus élevé de discriminations et une absence de prise en compte de la fracture numérique. “Ces contenus génèrent tout un tas de biais cognitifs liés à la première impression (apparence, accent etc…) et cela peut causer plus de tort que de bien”, explique-t-elle. Parmi ces biais, on peut citer l’effet de halo (prendre une caractéristique comme la beauté et la généraliser à l’ensemble pour en déduire que la personne est compétente), le biais de cadrage (rester sur une bonne ou mauvaise impression dans la suite des interactions), le biais de contraste (cette personne est meilleure que les cinq autres, mais est-elle vraiment la perle rare pour le poste ?), le biais de désirabilité sociale (impossible de challenger la personne car le contenu est en asynchrone)...

Recruteurs, structurez votre process !

Pour rappel, un recruteur est censé n’évaluer que les compétences en lien direct avec le poste à pourvoir. Le reste ne devrait pas être pris en compte”, martèle Marie-Sophie Zambeaux, qui rappelle l’importance d’utiliser une méthodologie très cadrée, structurée et réfléchie. “D’ailleurs, pour que tous les candidats soient logés à la même enseigne, soit tous les candidats transmettent un court selfie vidéo, soit personne. Ce n’est que de cette façon que l’on peut traiter tous les candidats avec équité”, conclut-elle.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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