Comment convaincre mon employeur d’accepter une rupture conventionnelle ?
À l’image d’un divorce à l’amiable, la rupture conventionnelle permet de mettre fin à un contrat de travail par un accord mutuel entre le salarié et l’employeur. Bien qu’elle présente des avantages, convaincre l’employeur d’accepter cette rupture peut s’avérer plus complexe que prévu. Voici des stratégies efficaces et des arguments percutants pour faciliter cette négociation tout en évitant les pièges qui pourraient compromettre vos chances de succès.
Un salaire figé depuis deux ans, des perspectives de carrière opaques... Après cinq ans à jongler entre des deadlines impossibles, des réunions inutiles, et le cliquetis constant des claviers qui résonne dans l'open space, Jeanne a réalisé qu'elle ne pouvait plus continuer comme ça. L’account manager a décidé qu’il était temps de quitter son poste et de réfléchir à son avenir. Dans les jours qui ont suivi, elle s’est renseignée, elle a pesé le pour et le contre, et un matin, elle est allée voir son manager pour lui demander une rupture conventionnelle. Réponse glaciale, refus net. Jeanne connaît tous les rouages de l’entreprise et maîtrise son poste. Son employeur n’a aucune raison d’accepter de la laisser partir sur un coup de tête.
La trentenaire n’est pas la première de son service à se voir refuser ce précieux sésame. Et cette situation ne concerne pas que son entreprise. Partout, le même refrain. Depuis septembre 2023, la contribution sociale forfaitaire sur les indemnités de rupture conventionnelle a grimpé, passant de 20 % à 30 %. Un surcoût que beaucoup d’entreprises préfèrent éviter. En plus, certains employeurs craignent qu’accepter une rupture conventionnelle ne pousse d'autres salariés à faire la même demande. Et ils se méfient : elle permet de négocier des indemnités et de partir plus tôt. Alors, on ferme la porte et on garde les effectifs serrés. Dans certains secteurs, où remplacer un salarié est devenu mission impossible faute de profils qualifiés disponibles et abordables, les négociations ne sont même plus envisageables. Jeanne le sait, mais elle n’a pas dit son dernier mot.
Les bons arguments pour obtenir une rupture conventionnelle
Mais alors, quels arguments peuvent aider à convaincre son entreprise d’accepter une rupture conventionnelle ? Il doit bien y avoir un moyen de rendre ce départ intéressant, même pour eux. Voici quelques pistes stratégiques et leviers à activer pour inverser la situation à votre avantage.
Quand la relation avec l’entreprise est bonne :
- Préparer une transition douce : Pour rassurer votre employeur, vous pouvez proposer de trouver votre remplaçant et de l’accompagner, de former les équipes ou de documenter les procédures importantes que vous gérez. Cette approche montre que vous êtes prêt à rendre votre départ le moins perturbant possible pour l’entreprise. En assurant la continuité de vos missions, vous minimisez les risques associés à votre départ, ce qui peut rendre la rupture conventionnelle plus acceptable pour l’employeur. Aussi, vous démontrez un sens des responsabilités et une coopération qui pourraient faire la différence.
- Proposer l’économie du préavis : Un des avantages d'une rupture conventionnelle pour l’employeur est l'économie du préavis de départ. En effet, contrairement à une démission, où le salarié doit généralement respecter un préavis de plusieurs semaines ou de plusieurs mois, la rupture conventionnelle permet de négocier la date de départ. Cela peut être bénéfique pour l’entreprise si elle souhaite réorganiser rapidement son équipe et éviter de continuer à payer un salarié démotivé pendant une longue période. En insistant sur cette flexibilité et sur la possibilité d’accélérer le processus, vous augmentez vos chances de faire pencher la balance en faveur d’un accord.
- Évoquer des motivations personnelles légitimes : Pour convaincre votre employeur, il peut être utile de partager vos motivations personnelles de manière sincère et légitime. Expliquez que vous souhaitez prendre du temps pour vous ressourcer, explorer de nouvelles opportunités ou développer des compétences qui vous tiennent à cœur. En présentant ces raisons, vous montrez que votre décision n'est pas prise à la légère, qu’elle est nécessaire à votre épanouissement professionnel et personnel. Cela peut aider l’employeur à envisager la rupture conventionnelle sous un jour plus favorable.
- Être discret : Les employeurs redoutent souvent que l'accord d'une rupture conventionnelle ne motive d'autres salariés à suivre cet exemple. En garantissant une totale discrétion sur les termes de l'accord, vous rassurez l'entreprise. En expliquant que vous n'ébruiterez pas les conditions de votre départ, cela limitera les impacts internes et préservera la stabilité de l’équipe.
- Renégocier la clause de non-concurrence : La clause de non-concurrence peut souvent être un point de friction dans les départs. Cependant, dans le cadre d'une rupture conventionnelle, elle peut être renégociée ou levée, offrant ainsi un avantage à l’employeur. En acceptant d’y renoncer ou en négociant ses conditions, vous pouvez rassurer l’entreprise sur le fait que vous n’irez pas immédiatement rejoindre un concurrent direct. Mais aussi, en mettant cet argument en avant, vous montrez que vous êtes vraiment prêt à trouver un terrain d’entente.
La rédaction vous conseille
Quand la relation avec l’entreprise est plus compliquée :
- Réduire le risque de contentieux : En optant pour une rupture conventionnelle, l’entreprise réduit considérablement le risque de contentieux futur. Contrairement à un licenciement qui peut être contesté, la rupture conventionnelle repose sur un accord mutuel, ce qui offre une sécurité juridique à l’employeur. Vous pouvez faire valoir que ce type d'accord protège l’entreprise d’éventuels recours en justice, évitant ainsi des coûts et des complications liés à un conflit. Cet argument peut être un levier puissant pour convaincre l’employeur d’accepter la rupture dans un cadre serein et maîtrisé.
- Évoquer le forfait jours : Si vous êtes au forfait jours, vous avez également un gros coup à jouer. Ce dispositif impose des obligations que les entreprises respectent rarement, comme tenir un décompte précis des jours travaillés ou de vérifier la charge de travail annuelle. Si ces règles ne sont pas respectées, le forfait jours peut être invalidé, et l’employeur pourrait devoir payer des heures supplémentaires. En cas de recours aux Prud’hommes, cela peut coûter cher à l’entreprise. Utiliser cet argument peut la pousser à accepter une rupture conventionnelle pour éviter un risque juridique important.
- Préserver un bon climat social dans l’entreprise : En évitant les tensions et les conflits liés à un licenciement ou à une démission, l’entreprise montre qu’elle est ouverte au dialogue et à des solutions à l’amiable. Cela permet de maintenir un bon esprit d’équipe et d’éviter les rumeurs ou frustrations chez les salariés. Vous pouvez faire valoir que ce type de départ, transparent et consensuel, permet de préserver la réputation de l’entreprise.
Les pièges à éviter
- Formuler une demande trop agressive : Évitez d’adopter un ton trop directif ou agressif. Une approche trop frontale peut braquer l’employeur et compromettre toute négociation. Privilégiez un dialogue constructif, en exposant calmement vos motivations et en soulignant les avantages pour les deux parties. Une demande agressive pourrait donner l’impression que vous cherchez à imposer votre volonté, ce qui risque de susciter de la méfiance ou du refus. Il est donc essentiel d'aborder la situation avec tact et ouverture.
- Critiquer son manager et l’entreprise : Même si vous partez avec des frustrations, les formuler ouvertement peut nuire à la négociation et créer des tensions inutiles. Il est préférable de rester factuel et de se concentrer sur votre volonté de changement ou d’évolution professionnelle. En restant neutre et professionnel, vous évitez de placer votre employeur sur la défensive, ce qui augmente vos chances d’obtenir un accord sans compromettre le climat de confiance.
- Imposer une date de départ : Lorsque vous négociez une rupture conventionnelle, il est important de ne pas imposer une date de départ fixe dès le début. Cela peut être perçu comme une pression excessive et refroidir l’employeur, surtout s'il a besoin de temps pour organiser la transition. Au lieu d’imposer un ultimatum, soyez flexibles dans les délais, en montrant que vous êtes ouvert à une discussion pour trouver une date qui conviendra aux deux parties.
- En parler à ses collègues avant la signature du contrat : Si l’information circule trop tôt, cela peut susciter des rumeurs, générer des tensions ou pousser d’autres salariés à envisager une démarche similaire. Cela pourrait aussi inciter l’employeur à revenir sur sa décision. Il est donc préférable de garder ces discussions confidentielles jusqu’à la signature du contrat, afin de ne pas compromettre la négociation.