KEEEP : donner une seconde vie au matériel informatique des entreprises

Avant de prendre les rênes de KEEEP, Mirabelle Lamoureux - 27 ans au compteur - évoluait dans l’audiovisuel (Canal+, RTL et des sociétés de production). Puis le Covid passe par là et reprogramme sa matrice après un passage au chômage technique et un désir profond de changement. “Je cherchais un travail qui ait du sens. L’opportunité de reprendre KEEEP s’est présentée, et j’ai eu le sentiment que les étoiles s’alignaient”.
Ce choix n’avait rien d’anodin : depuis l’enfance, elle n’a jamais connu que des ordinateurs d’occasion. “Mon père tenait une boutique d’informatique, on n’achetait jamais de neuf. À l’époque, il n’y avait pas encore de discours autour de l’écoresponsabilité. Aujourd’hui, il faut encore beaucoup évangéliser en B2B comme l’a fait Back Market auprès du grand public”.
L’ADN de KEEEP : sobriété numérique et circuit court
KEEEP accompagne les entreprises dans une démarche simple et concrète : allonger la durée de vie du matériel numérique. “Se tourner vers du reconditionné, c’est le premier geste facile pour réduire son empreinte écologique, tout en faisant des économies. C’est du gagnant-gagnant”.
Tous les appareils sont reconditionnés en France, via des partenaires locaux. “On privilégie le circuit court : si un client est à Lyon, on lui trouve un ordinateur le plus près possible. On travaille avec des structures françaises, souvent d’insertion ou adaptées, dans une logique de relocalisation et de souveraineté numérique”.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un ordinateur portable reconditionné permet d’éviter 81 kg de CO₂, 1 200 litres d’eau et 127 kg de matières premières (chiffres Ademe). *“En France, chaque habitant génère 22 kg de déchets électroniques par an. Alors qu’un ordinateur reste souvent en très bon état au moment où les entreprises l’évacuent pour des raisons comptables”.
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Des économies substantielles
L’argument économique fait mouche : le reconditionné est deux à trois fois moins cher que le neuf. De quoi séduire autant les directions financières que les services RSE. Certaines entreprises s’équipent ainsi de modèles plus récents, plus performants, mais à moindre coût. “Et les budgets dégagés peuvent être réalloués à d’autres postes stratégiques, comme la R&D ou le développement commercial”.
KEEEP a déjà accompagné plus de 500 entreprises : des grands comptes comme Boulanger, Electro Dépôt, la fondation Pinault, ou encore le Shift Project.
Combattre les préjugés
Deux freins demeurent cependant pour développer encore davantage le reconditionné en entreprise : la confiance et l’image. Beaucoup l’associent encore à du matériel bas de gamme, peu fiable. “Notre travail, c’est de rassurer. Nous avons des cahiers des charges stricts, des audits réguliers, une garantie de deux ans comme pour du neuf, et même des garanties premium”.
L’autre barrière est culturelle. Dans certaines entreprises, avoir le dernier iPhone ou PC reste perçu comme un avantage en nature. “Quand on passe au reconditionné, certains collaborateurs se sentent déclassés, comme si cela renvoyait un signal négatif sur la santé financière de l’entreprise. Nous aidons donc nos clients à transformer ce choix en fierté, en mettant en avant l’impact positif : heures d’emploi local créées, tonnes de CO₂ évitées…”
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Entre contraintes fiscales et obligations légales
Un frein plus structurel se niche aussi dans la fiscalité : la logique d’amortissement comptable pousse les entreprises à renouveler régulièrement leur matériel. “C’est absurde. On devrait avoir des mécanismes incitant à garder les équipements plus longtemps”.
Côté secteur public, la loi AGEC impose depuis peu que 20% des achats soient issus du réemploi. “Dans les faits, beaucoup d’appels d’offres ne mentionnent même pas le reconditionné. Nous passons du temps à sensibiliser ces acteurs, qui ne sont pas toujours au courant qu’ils ne respectent pas la loi”.
Une PME ancrée dans les territoires
Basée entre le Nord de la France et Marseille, KEEEP compte aujourd’hui 6 collaborateurs. Cette implantation locale séduit les PME, sensibles à l’ancrage territorial. Et pour répondre aux contraintes budgétaires actuelles, la startup vient de lancer une offre de leasing : “Nous permettons d’étaler le coût d’acquisition sur deux ou trois ans. C’est une solution adaptée au contexte où toutes les entreprises surveillent leurs coûts”.
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L’essayer, c’est l’adopter
Alors, comment convaincre les plus sceptiques ? “En leur faisant tester. Dans les salons, on met côte à côte un iPhone neuf et un iPhone reconditionné, et on demande aux visiteurs de deviner lequel est lequel. La plupart se trompent car il n’y a aucune différence”.
Pour Mirabelle Lamoureux, le reconditionné doit devenir un réflexe naturel, comme Vinted pour les vêtements ou Le Bon Coin pour l’ameublement. Et KEEEP espère bien contribuer à en faire la norme pour le matériel informatique professionnel.