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“Quand on se reconvertit sur le tard, on a une motivation hors normes” : ex-littéraire, elle devient vétérinaire à 37 ans

C’était un rêve d’enfant, remisé depuis 30 ans au grenier. Pourtant, après avoir étudié les lettres et travaillé dans le milieu associatif, Hélène a repris ses études dans l’une des filières réputées les plus difficiles. Mais elle nous le prouve : avec de la détermination, tout est possible !


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Astronaute, maîtresse, pompier, archéologue… Ces métiers, vous y avez sûrement songé enfant. Pour Hélène, comme pour beaucoup d’autres petits élèves en classe de primaire, c’est la profession de vétérinaire qui lui mettait des étoiles dans les yeux. “J’ai grandi en Afrique au contact de la nature avec des écureuils, des lapins et quand mon père revenait de la chasse, c’était avec un boa”, plaisante la jeune quadra.  Mais chemin faisant, ses projets changent à l’adolescence car le rêve semble trop inaccessible. “J’avais des amis qui évoluaient dans le milieu artistique, et je suis convaincue que notre environnement nous influence. Peut-être que si j’avais été entourée de scientifiques, cela aurait été différent”, affirme-t-elle.

Passionnée par le voyage et les rencontres culturelles, Hélène se lance alors dans une licence LEA à Nantes, avant de s’envoler aux États-Unis pour réaliser un bachelor d’Art Management. Elle démarre ensuite un job dans le théâtre le plus réputé de Chicago où elle coordonne des projets d’éducation auprès des enfants à travers les arts de la scène. En parallèle, la future vétérinaire renoue avec sa passion d’enfance, l’équitation, et aide la propriétaire d’une écurie à travailler et soigner les chevaux.  “Elle m’a redonné le goût de la nature et du lien avec les animaux. Surtout, cela m’a fait réfléchir à ce que je voulais vraiment faire pour les 30 ans à venir”, nous confie-t-elle.

“Si j'avais été en France, personne ne m’aurait encouragée”

Alors que son conjoint déménage dans le Colorado, Hélène y voit l’opportunité de tout recommencer. Elle n’ose pas encore envisager une reconversion en tant que vétérinaire, mais elle change de voie en s’engageant dans l’équivalent de la SPA. “Je faisais toutes les tâches les plus basiques au démarrage. Puis il m’arrivait d’emmener les animaux malades à la clinique. Et là, j’adorais regarder le travail qui était réalisé”, se souvient-elle. Six mois plus tard, elle postule à un poste d’assistante vétérinaire. “Quand les vétérinaires m'appelaient pour aller en chirurgie, je me disais que c’était vraiment le kiff ! Mais à 28 ans passés, je ne pensais pas avoir les capacités pour faire leur métier”, ajoute-t-elle.

Mais c’était sans compter sur la positive attitude des Américains qui la poussent à reprendre ses études. “Si j'avais été en France, on ne m’aurait jamais encouragée. De toute façon, j’aurais été trop âgée pour entrer en école vétérinaire, et en plus, je n’avais pas un bac S”, rapporte-t-elle. Alors, une à une, et sans vraiment y croire, elle valide en format “classe du soir” toutes les matières prérequises pour intégrer la formation de vétérinaire dans les pays anglo-saxons. À sa grande surprise, elle passe les certifications avec des A (le 20/20 américain), alors qu’elle n’a pas touché à un livre de mathématiques depuis la Terminale. Ayant cumulé de surcroît des expériences dans de multiples structures pour voir quel environnement lui plairait (refuge pour animaux sauvages, cliniques, etc), sa candidature est acceptée sur dossier dans une école en Angleterre.

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“On s’est retrouvés dans un 10m2 à Londres”

Pourquoi partir au pays de Queen Elizabeth ? Hélène voulait un diplôme qui puisse lui permettre de travailler en Europe ou aux États-Unis. “Mais il faut savoir que mon conjoint a lâché son boulot pour me suivre à Londres dans un 10m2. Sans son soutien, et notamment son aide pour me faire rattraper mes lacunes dans les matières scientifiques, je n’aurais jamais réussi”, insiste-t-elle. À 32 ans, Hélène retourne donc sur les bancs de l’école. “C’est vrai qu’à cet âge-là, on a le cerveau qui fonctionne moins vite qu’un jeune de 18 ans qui peut se permettre de sortir le soir tout en réussissant ses examens. Mais quelque part, quand on fait ce type de reconversion, on a une volonté hors normes parce que l’on sait ce qu’on sacrifie. Et puis on a l’expérience humaine, et l’expérience du travail. Ça nous fortifie”, analyse-t-elle.

Hélène se donne donc sans compter et travaille d’arrache-pied. Sa motivation est imperturbable et elle sait précisément pourquoi elle s’est lancée dans ce projet un peu fou. “J’avais vraiment envie d’un métier dans lequel j’utiliserais mes mains, et pas que ma tête. Ça avait beaucoup de sens pour moi”, explique-t-elle. À 37 ans, elle termine son cursus avec les honneurs puis travaille pendant 1 an dans une clinique à Londres avant de déménager en France. Après quelques lenteurs administratives, elle est autorisée à travailler sur le territoire. À l’époque, elle ne décroche qu’un job à 1h30 de voiture de chez elle qui l’oblige à dormir sur place pendant 4 ou 5 jours d’affilée, le tout pour un revenu de moins de 2000 euros nets par mois. Pas idéal pour sa vie de famille. Elle finit heureusement par trouver un poste de salariée plus proche de son domicile.

Le couple, un élément clé pour réussir sa reconversion

Aujourd’hui, Hélène est devenue associée de la clinique vétérinaire. Et pour rien au monde, elle ne regrette son choix : “je suis très apaisée car moi qui ai la bougeotte, c’est un métier dans lequel on ne peut jamais s’ennuyer. Il y a toujours des formations pour se spécialiser, s’occuper d’une autre typologie d’animaux, passer en laboratoire… On peut choisir l’intensité de stress que l’on veut donner à ses journées. Surtout, c’est le boulot en soi qui est intéressant et pas de monter dans la hiérarchie”, résume-t-elle.

Alors, à toutes celles et ceux qui couvent secrètement des désirs de reconversion, elle invite chacun à calculer le nombre d’années qui lui reste à travailler. “J’ai toujours pris mon travail à cœur donc c’était essentiel pour moi d’y être heureuse. Bien sûr, il y a des moments plus propices que d’autres pour se lancer, et oui, cela implique des sacrifices, mais une fois les obstacles passés, on accède à un vrai bien-être”, poursuit-elle. Son dernier conseil pour la route ? Vérifier avant le départ que son couple est solidement amarré afin que tout le monde reste à bord dans ce houleux projet de reconversion.

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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