Comment parler de sa santé mentale à son boss ?

Il y a encore quelques années, c’est une question que vous ne vous seriez certainement pas posée : comment parler de votre santé mentale à un supérieur hiérarchique ? Sauf que les mentalités ont évolué. Depuis la pandémie, il est devenu impossible de dissocier l’équilibre psychique de la performance au travail. Alors, comment trouver les bons mots ?
D'un point de vue extérieur, il est aujourd’hui plus acceptable de parler de sa santé mentale à son boss. Les réseaux sociaux sont passés par là, et tout le monde convient publiquement de l’importance de la chose. Pour autant, Gabrielle Basquine, Directrice du Conseil chez Stimulus France, observe qu’"en interne, il reste encore du chemin à parcourir pour que cela soit entendu et moins stigmatisé”.
“La crainte de la folie n’est jamais loin”
Un avis partagé par Claudia Rinzivillo, dirigeante de Continuum Accompagnements. Pour elle, le tabou n’est pas encore totalement levé, d’autant qu’en matière de santé mentale, la crainte de la folie n’est jamais loin. “Il y a toujours cette peur d’être jugé, de sombrer dans les abysses. Il faut donc du courage pour demander du soutien. Pourtant, il est vraiment important de ne pas attendre que la situation se dégrade trop fortement pour s’exprimer”, estime-t-elle.
“Si c'est aussi difficile, c’est aussi car poser des mots sur ce que l'on vit rend concret ce que l'on traverse" ajoute Gabrielle Basquine. De plus, l'inconnu plane sur la réaction du manager : va-t-il comprendre ? Va-t-il me considérer différemment ? Cela va-t-il nuire à ma carrière ? Alors, comment oser parler de sa santé mentale à son boss sans crainte d'être jugé ?
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Quelques tips pour parler santé mentale à son boss
1. Réfléchir aux effets souhaités
Avant d'entamer la discussion, il est essentiel de clarifier les raisons qui poussent à parler de santé mentale avec son manager. Souhaite-t-on expliquer un changement de comportement ? Demander un aménagement des conditions de travail (horaires, charge de travail, flexibilité) ? Avoir un simple soutien moral ?
"Si l'on attend un aménagement, il faut aussi anticiper son impact sur les autres et sur l'organisation du travail," précise Gabrielle Basquine. Un manager peut être sensible à la situation mais avoir peu de marge de manœuvre. Identifier ce qui est faisable en amont permet d'éviter toute frustration.
2. Choisir le bon moment
Le timing est essentiel. Un manager doit être disponible et dans de bonnes conditions pour écouter. Alors, on prend rendez-vous avant de se lancer plutôt que de coincer son manager à la machine à café. Un court échange informel de 15 minutes ne suffira pas. L'idéal est d'avoir une réunion planifiée, avec suffisamment de temps pour que la discussion ne soit pas interrompue.
3. Préparer son message
Quels mots employer ? Quel niveau de détails donner ? "Utilisez des mots simples, faites des phrases courtes et évitez l’emploi de termes trop médicaux," recommande Gabrielle Basquine. Cela peut être des phrases du type : “J'aimerais te faire part d'une situation qui me concerne et qui impacte mon travail. En ce moment, j’ai beaucoup de mal à dormir parce que…”
L'important est d'être clair et factuel : présenter les difficultés rencontrées et leur impact sur le travail. “Surtout, il ne faut pas se contenter d’allusions en pensant que l’autre a compris”, renchérit Claudia Rinzivillo.
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4. Entamer un vrai dialogue
Parler de santé mentale ne doit pas se résumer à un monologue. Il est important d’effectuer des demandes claires, mais aussi d'impliquer directement le manager dans une démarche gagnant-gagnant :
- "As-tu perçu des changements dans mon comportement ?"
- "As-tu remarqué un impact sur mon travail ?"
- “Que penses-tu de cette solution, elle pourrait te convenir ?”
Cela permet de transformer la discussion en échange constructif. “On peut directement proposer au manager des solutions d’aménagement, mais il ne faut pas s’attendre forcément à ce qu’il les valide immédiatement”, pointe Gabrielle Basquine.
5. Doser le niveau de détails
Le degré d'information partagé dépend de la relation avec son manager. Si le lien est distant, il est possible de rester vague ("J'ai des difficultés personnelles qui impactent mon travail"). Dans une relation plus proche, on peut détailler davantage.
Il est important de noter que le manager ne posera pas directement de questions intrusives par respect, mais pourra adapter son comportement en fonction des informations reçues.
6. Observer la réaction du manager
Certains managers sont à l'écoute et apportent en amont des signaux montrant qu’ils sont attentifs au bien-être de leurs collaborateurs. En 1-1, ils demandent souvent comment se portent les membres de leur équipe et s'intéressent vraiment à leur réponse. D'autres, en revanche, sont plus orientés performance. Dans tous les cas, il ne faut pas s'attendre à une réaction parfaite.
“Il faut avoir en tête que ce que l’on va dire ne sera pas forcément facile à entendre pour le manager. C’est important aussi d’avoir une forme d’empathie pour lui”, affirme Gabrielle Basquine. Et même si le manager ne semble pas réceptif, cela ne signifie pas que le message n'a pas été entendu. “Toutefois, il faut bien se rappeler que l’on n’a pas de contrôle sur la réaction de l’autre. L’important est que chacun prenne ses responsabilités", souligne de son côté Claudia Rinzivillo.
En cas de mauvaise réception, il est possible de se tourner vers d'autres ressources (RH, médecine du travail, collègues de confiance).
7. Assurer un suivi
Avant de se quitter, on remercie le manager pour le temps qu’il nous a accordé. Idéalement, on programme un rendez-vous de suivi dans les semaines suivantes afin d'évaluer les évolutions. "Si des aménagements ont été demandés, voir s'ils sont efficaces et ajuster si besoin," recommande Claudia Rinzivillo.
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Diffusons la bonne parole
Parler de santé mentale au travail est encore tabou, mais chaque discussion contribue à normaliser le sujet et à favoriser un environnement de travail plus bienveillant et adapté à chacun.
“Parler de santé mentale, c’est simplement une manière d’en revenir à la manière dont on coopère et travaille ensemble. La santé mentale devrait être un simple sujet parmi d’autres. Au final, oser en parler à son boss, c’est faire preuve de responsabilité et d’engagement envers son entreprise”, conclut Claudia Rinzivillo.