Comment repérer un collègue qui va démissionner ?
Avant qu’il ne saute du navire, votre collègue va certainement envoyer quelques bouteilles à la mer. Alors, si d’aventure, vous avez envie de le rattraper au vol, voici quelques signaux à garder en tête.
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé… Cela vaut aussi en entreprise ! Pour une raison ou une autre, “certains de nos collègues occupent une place émotionnelle importante dans notre vie professionnelle”, introduit Boutayna Burkel, fondatrice de The Helpr, cabinet spécialisé dans l’efficience RH. Et puis, “tout témoignage de désengagement chez un collaborateur manifeste une forme de mal-être. Or, il est important d’être attentif à l’autre en tant qu’être humain”, pointe Charlotte Fortuit-Klein, coach et conférencière.
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Plusieurs raisons à cela. Bien sûr, il y a l’affect, mais le départ d’un collègue peut aussi impacter un collaborateur en augmentant sa charge de travail (oui, c’est un chouïa moins romantique), ou encore en plombant la dynamique de l’équipe. “Par exemple, cette personne faisait tampon, arrondissait les angles, ou encore jouissait de contacts dans l’entreprise qui permettaient de nouer des alliances cruciales pour le département”, poursuit Boutayna Burkel.
On peut aussi craindre le départ d’un collègue parce que celui-ci dispose d’une expertise unique dont l’absence peut remettre en question l’atteinte d’objectifs, qu’il s’agisse d’une petite ou grosse équipe. De plus, la manière dont l’entreprise gère les départs n’est pas non plus sans incidence : si elle a tendance à profiter des départs pour resserrer les effectifs, ou que le secteur tout entier peine à recruter, toute annonce de départ peut sonner comme un coup de massue.
“Tout cela influe naturellement sur le niveau de stress de ceux qui restent”, analyse Boutayna Burkel. D’où cette volonté de flairer les premiers signes de démission chez un collègue pour tenter de le retenir, ou du moins de se préparer à sa démission (si tant est que le départ de François soit vécu comme une perte sèche et non pas une libération).
Quels sont les signaux qui ne trompent pas ?
#1 Un changement de comportement
Quand un collaborateur se désengage, cela aboutit irrémédiablement à des changements. “Une mine et une posture corporelle fermées, un regard fuyant, une irritabilité inhabituelle, un faible niveau d'enthousiasme et d’énergie…”, illustre Léa Beaurepère, experte en QVT et prévention des RPS. Cela peut provoquer également des conflits inhabituels qui peuvent témoigner d’une souffrance au-delà du désengagement. “Logiquement, quand on pense à partir, on fait moins d’efforts pour huiler les relations” souligne Boutayna Burkel.
#2 Un repli sur soi
Un collègue qui risque de démissionner a tendance à se mettre en retrait. “Cette personne va éviter les moments collectifs comme les déjeuners, les pots de départ, voire certaines réunions, alors qu’elle était présente auparavant”, relève Charlotte Fortuit-Klein. Des changements pas toujours faciles à débusquer car ils s’opèrent souvent petit-à-petit.
#3 Un changement de discours
Lorsqu’une personne est moins investie, elle a tendance à être moins affable, ou alors à faire part d’un certain mal-être : “ses journées lui semblent longues, elle attend les vacances avec impatience, a du mal à trouver du sens dans ses missions, bref, montre une forme de désintérêt, ou à l’inverse, d’intérêt au changement”, relève Léa Beaurepère. De manière générale, tout discours cynique envers l’entreprise, les autres collègues, ou encore tout propos dévalorisant sur soi et ses compétences doivent alerter. La personne peut aussi s'ouvrir sur des troubles physiques : difficultés à dormir la nuit, troubles musculo-squelettiques, maux de ventre ou de tête…
#4 Une augmentation des absences
Retards, absences prolongées, arrêts maladie, départs anticipés en fin de journée… Tous ces signaux témoignent une fois encore d’une fragilité et d’un désengagement. “Et puis, si le collègue s’absente à l’heure du déjeuner et arrive bien habillé alors que d’ordinaire, il ne fait pas d’efforts, cela peut aussi mettre la puce à l’oreille”, pointe Boutayna Burkel (bien que de plus en plus de candidats profitent des journées en télétravail pour effectuer leurs entretiens).
#5 Un manque d’engagement dans les missions
Un collègue qui ne parvient pas à terminer ses projets, rend ses dossiers en retard, met plus de temps à répondre, “et surtout, qui peine à se projeter dans des projets à long terme”, affirme Léa Beaurepère, est à risque de démission. Typiquement, cette personne n’est pas capable de s’engager sur un livrable pour l’année suivante ou encore répondre sur sa participation à un team building. De manière générale, une personne qui pense à partir lève le pied, ou tout du moins, ne se surinvestit pas.
#6 Une actualisation de son profil
Dans un registre plus “fouine”, on peut aussi consulter le profil LinkedIn de son collègue : si celui-ci a été mis à jour et qu’il commence à poster plus qu’il ne le faisait avant, il est possible qu’il se soit mis en recherche.
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Comment réagir en tant que collègue ?
Si vous ne souhaitez pas voir partir cette personne, et qu’elle n’a pas encore arrêté sa décision, votre soutien peut s’avérer crucial. On sait que parmi les facteurs de rétention, la relation avec les collègues peut jouer un rôle pivot et favoriser le réengagement.
Ouvrir le dialogue…
“En tant que collègue, on peut proposer un soutien social, de passer des moments conviviaux et informels pour que la personne puisse s’exprimer, parler, s’ouvrir sur son ressenti, voire sa souffrance, en l’invitant à parler de ses peurs, des raisons de son désengagement”, recommande Charlotte Fortuit-Klein.
… sans être intrusif
Bien entendu, il ne s’agit pas d’entrer en mode “confessions intimes” avec de gros sabots, juste de montrer que la porte est ouverte. “Pour cela, on peut utiliser la communication non violente”, recommande Léa Beaurepère. Cela permet d’aborder les choses sous l’angle des faits, sans jugement de valeur. Par exemple, “j’ai remarqué tel changement chez toi, est-ce que tout va bien ?”.
Prendre de la hauteur
Quand un collègue est à risque de démission, les trois questions suivantes sont déterminantes pour ouvrir la réflexion, selon Juliette Matharan, fondatrice de Polare, un outil RH spécialisé dans la data analyse. Selon elle, la démission d’un collaborateur est avant tout liée à une conjonction de facteurs de risques :
- Le collègue s’y retrouve-t-il financièrement ?
- La mission correspond-elle à ses valeurs ?
- Son environnement de travail l’épanouit-il ?
“On peut rogner sur l’un des trois critères, mais quand plusieurs sont touchés, cela devient difficile de rester engagé. Si, par exemple, on refuse à votre collègue une promotion, ou encore qu’on lui retire un dossier, cela peut créer des facteurs de risques”, explique-t-elle.
Montrer de la reconnaissance
Le manque de reconnaissance peut largement contribuer à désengager un collaborateur. “Or, en tant que collègue, on peut aussi exprimer une forme de reconnaissance envers cette personne, en la félicitant pour ses réalisations par exemple”, affirme Charlotte Fortuit-Klein. Une manière de tenter de la retenir !
Offrir un soutien dans la charge de travail
Si la personne est acculée, on peut également lui proposer un partage de la charge de travail. Ceci étant dit, il ne s’agit pas non plus de se mettre dans la posture du sauveur sachant qu’en tant que collègue, on a finalement peu de marge de manœuvre.
Scruter son collègue le 2 janvier
Enfin, sachez que certains moments sont particulièrement révélateurs. “Si vous vous posez des questions sur un collaborateur, observez-le lors de moments phares comme un lendemain d’anniversaire ou de 1er janvier, un retour de congé maternité ou paternité… Durant ces moments clefs, de vraies remises en question peuvent avoir lieu”, lance Juliette Matharan.
Allez, on vous laisse au poste d’observation !