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Le travail invisible : tout ce que vous faites en dehors du taf… et qui sert votre job

Tout comme le sportif doit veiller à assurer son quota de sommeil et de prot’, notre travail comporte une part d’invisible. Mais qu’est-ce qui relève ou non de ce que l’on appelle traditionnellement le travail ? Cette part insaisissable est-elle source de plus de performance ? Et devrait-elle être rémunérée ?


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Vous êtes tranquillement installé sur un transat’, au loin le ballet des jetskis, dans vos oreilles, le dernier podcast de Génération Do It Yourself. Alors, travail ou pas travail ? La question semble anodine en apparence, mais en réalité, il existe une multitude de situations qui confinent à cette même interrogation.

Lire un bouquin de développement personnel, s’autoformer pour booster son employabilité, placer une offre de son entreprise dans une conversation amicale, enregistrer une note vocale pour son prochain dossier alors qu’on est en partance pour l’école de ses enfants, aller chez le psy ou au sport pour conserver son équilibre mental, déjeuner avec ses collègues et partager les derniers gossips du bureau… Tout cela relève-t-il ou non du travail ?

Quand buller nous rend plus créatif

Cette question, Anaïs Georgelin, fondatrice de somanyWays, se l’est récemment posée en devenant maman. À l’heure où les débats sur le temps de travail font rage (coucou la semaine de 4 jours), “j’ai commencé à compter mes heures de travail, ce qui est loin d’être évident parce qu’en réalité, je suis passionnée par mon métier, alors, ça peut vite déborder”, nous confie-t-elle. Le fruit de sa réflexion ? Tout ce qui relève de l’à-côté ne constituerait-il finalement pas la part belle du travail ? Ne serait-ce pas la source de notre créativité ?

Pour Laëtitia Vitaud, conférencière, autrice et experte du Futur of work, la réponse est… oui ! Notre économie reposant sur les tâches cognitives – en tout cas en ce qui concerne les cols blancs – notre cerveau a besoin de se nourrir de différents processus. “Lire sert à mieux écrire, mieux écrire sert à mieux penser, etc. Lorsque l’on se met à rêvasser, on renouvelle notre capacité de concentration, comme si on mettait notre cerveau en jachère, affirme-t-elle.

Dans le livre “Je marche donc je pense” d’Yves Agid et Roger-Pol Droit (Albin Michel), le philosophe et le scientifique expliquent comment la marche automatique permet de créer des connexions dans le cerveau. Alors, la prochaine fois que vous irez en rando, reviendrez-vous au bureau en version augmentée ?

Le travail invisible, source de surperformance ?

On est donc en droit de se demander si, finalement, ce travail invisible ne serait pas gage d’une performance supplémentaire. S’il ne s’agirait pas de l’extra mile, à l’image d’un footballeur qui mènerait une vie d’ascète pour maximiser ses résultats sur le terrain. Pour Anaïs Georgelin, “oui, on peut considérer ce travail invisible comme l’une des sources de la performance que je traduis par le talent couplé au travail”.

Mais alors, faudrait-il rémunérer ce travail invisible ? Pour la fondatrice de somanyWays, il faut se garder de confondre le travail – un terme qui peut recouvrir une multitude d’activités – avec l’emploi qui comporte la notion de rémunération. “En revanche, le salaire doit refléter la valeur du salarié, et notamment l’investissement qu’il porte envers son travail”, estime-t-elle.

Les “non promotable tasks”, un boulet pour les femmes

Ce qui pose encore plus question, c’est la part de travail invisible effectuée au bureau (sans rémunération of course). Et qui se la coltine la majorité du temps (comme le travail ménager) ? Vous l’avez dans le mille, ce sont les femmes. “C’est ce que l’on appelle les non promotable tasks ou le shallow work. Toutes ces petites tâches qui sont invisibles et apportent pourtant du bien-être aux autres”, nous explique Laëtitia Vitaud.

Préparer une cagnotte de départ, organiser un séminaire (tu l’as si bien fait l’an dernier Catherine, tu veux bien recommencer ?), former le stagiaire de troisième, réaliser le compte-rendu de la réunion, ou même… débarrasser les tasses à café. Ces corvées de bureau, plus ou moins intello, plombent la carrière des femmes, car elles ne sont pas valorisées. Pourtant, on pourrait se dire qu’une personne qui s’active pour créer une bonne ambiance au bureau apporte un vrai bénéfice à son équipe”, souligne Anaïs Georgelin. Une belle démonstration des soft skills plébiscitées par les entreprises, mais dont on ne trouve que peu de traces sur la fiche de paie.

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Productivité, quand tu nous tiens

Savoir ce qui relève ou non du travail est donc une tâche ardue dans les métiers dits intellectuels.  Cela est d’autant plus compliqué dans les jobs salariés quand chez les freelances, il est plus facile de faire le distinguo entre le travail facturé et les autres tâches qui soutiennent l’activité (comptabilité, réseautage, communication, etc). De plus, comme le souligne Laëtitia Vitaud, “si l’on prend le modèle de Pareto, il n’est pas toujours évident de savoir quelles tâches constituent les 20% qui rapportent le plus”.

Finalement, revient la sempiternelle question de la productivité, qui vient jusqu’à colorer nos loisirs, comme s’il fallait rentabiliser chaque minute de notre temps. Pour notre experte du Futur du travail, voilà ici un sacré paradoxe : “Loisir vient du latin licere qui ramène à la liberté et au temps qui ne sert à rien. Or, si le loisir est perçu de manière utilitariste, qu’il doit devenir productif, alors, il se transforme en travail”. Alors, plutôt que de lire le dernier best-seller de Yuval Noah Harari, plongez-vous dans un roman de Guillaume Musso (ou pas). Une manière de vous mettre vraiment en mode avion (quoi que).

Paulina Jonquères d’Oriola

Journaliste

Journaliste et experte Future of work (ça claque non ?), je mitonne des articles pour la crème de la crème des médias […]

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